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Le journaliste Paul Sugy a publié dernièrement un livre intitulé L’extinction de l’homme. Le projet fou des antispécistes[1]. Comme semble l’indiquer ce titre, l’antispécisme ne peut que mener à notre déchéance, à l’extinction de « l’homme », de l’idée de l’homme. Disons-le tout net, son livre n’est pas original et je compte précisément en tirer prétexte pour aborder diverses questions qu’il laisse de côté : il fait en effet suite à de nombreux autres livres contre l’antispécisme qui sont en complet décalage avec l’état de la réflexion sur la question animale. C’est que celle-ci n’intéresse pas ces auteurs, que seul « l’homme » intéresse[2]. Ils reprennent donc ingénument des arguments qui ont été invalidés dès les débuts de cette discipline philosophique qu’est l’éthique animale, il y a près de cinquante ans. Avant celui de Paul Sugy, on a ainsi pu voir au fil des trois dernières décennies se succéder les livres de Luc Ferry, Janine Chanteur, Paul Ariès, Étienne Bimbenet, Francis Wolff, Jean-François Braunstein, Jean-Pierre Digard, ou encore dernièrement Ariane Nicolas, Alain Bentolila, Alain de Benoist et Jacques Ricot[3], des ouvrages certes très inégaux mais qui entonnent peu ou prou les mêmes vieilles antiennes : nous ne sommes pas des animaux. Ces créatures sont des êtres de nature, quand nous, humains, sommes ou représentons un règne émergent, à part, celui de la liberté, de la conscience réflexive, du langage, de la culture, de l’histoire, de la raison ou de la religion, de la moralité, de l’art et de l’amour (au choix ou tout à la fois). Ce caractère exceptionnel se doit d’être marqué par un statut moral spécifique, unique. Ainsi, il ne faut pas que les autres êtres sentients[4] de la planète accèdent à des protections similaires aux nôtres. Dit autrement, il semblerait qu’il faille que nous gardions le droit de les faire souffrir et mourir.
Je vais donc traiter de ces problèmes de fond récurrents dans les discours des détracteurs de l’antispécisme : l’ignorance des discussions contemporaines en philosophie morale ; le recours à la rhétorique du « propre de l’homme » en tant que signe d’une nature supérieure (c’est-à-dire, le recours à l’essentialisme et à la mystique de la supériorité) et la défense de la maltraitance des autres êtres sentients en tant que marquage symbolique essentiel de notre supériorité. Je rajouterai les arguments que livre la recherche en psychologie sociale pour arrêter de référer à l’idée d’une humanité supérieure. L’article conclura sur le progrès moral que constitue l’adoption d’une éthique qui, contrairement à l’humanisme défendu par nos intellectuels français, ne soit plus d’appartenance ni de hiérarchie, mais bel et bien universaliste.
La philosophie morale aux oubliettes
Bien que nécessaire, l’argumentation rationnelle au sujet du spécisme a quelque chose de frustrant. Car nos adversaires, eux, ne s’embarrassent guère de chercher des arguments qui tiennent debout ; et ils s’occupent peu d’examiner les nôtres. Pour eux, le spécisme se passe de justifications rationnelles. (David Olivier, « Qu’est-ce que le spécisme ?, 1992[5].)
Dans son livre, en un petit paragraphe de dix lignes, Paul Sugy jette aux orties cinquante ans de discussions de spécialistes de l’éthique. Dans un moment d’anthologie, il dénie même à la rationalité tout caractère déterminant dans les discussions sur « l’homme » et « l’animal » :
En fait, il ne s’agira pas exactement de démontrer ici que les tenants de l’antispécisme ont tort, car il faudrait pour cela être capable d’apporter des preuves rationnelles attestant que la vie humaine est supérieure au plan moral par rapport aux autres formes de vie, ce qui est impossible si par “preuves formelles” nous désignons des preuves scientifiques. Pour la science, l’homme est certes le plus intelligent des animaux mais il n’est qu’un animal comme un autre. Sauf qu’à l’inverse, il est rigoureusement impossible de démontrer que les antispécistes ont raison, car il n’est pas davantage possible de démontrer que l’homme est juste un animal. (p. 22)
En deux coups de cuillère à pot, notre contempteur de l’antispécisme écarte d’un revers de main les discussions rationnelles pour revenir aux croyances ancestrales en la fameuse « supériorité de l’homme[6] ». Une fausse évidence et le sens commun autorisent certainement une telle légèreté. Pourtant, il existe des discussions sérieuses dans les milieux universitaires sur cette question, malheureusement superbement ignorées dans le Landerneau des intellectuels médiatiques français.
En éthique comme en toute chose, les débats reposent aujourd’hui sur certaines normes de rationalité : notamment, respecter des principes de logique et développer une argumentation à partir d’hypothèses justifiées, et non de conjectures ou de croyances invérifiables, sont une nécessité si l’on veut véritablement engager la discussion. Certes, les intuitions morales sont, en un sens, invérifiables – il n’y a pas d’observation qui puisse les confirmer. Mais tout le travail de la philosophie morale consiste à tirer des implications de certaines intuitions et les confronter de manière critique à nos théories générales en la matière. Malheureusement, nos intellectuels français se contentent de la première intuition qui leur vient à l’esprit, à savoir que les humains importent plus que les autres animaux, et balaient sans plus de précautions toute idée qui semble la contredire.
Pourtant, dès 1975, Peter Singer montre par des arguments simples et difficilement contestables que, si l’on tient à l’idée d’égalité humaine, on ne peut exclure les autres êtres sentients du cercle de considération morale. Le critère d’appartenance à l’humanité n’est pas pertinent d’un point de vue moral : utiliser le critère d’espèce est aussi indéfendable que recourir à ceux de race ou de sexe. Selon Singer, il faut prendre en compte les intérêts de chacun de façon égale, quelle que soit son espèce. Il parle pour cette raison d’égalité animale – une formule qui ne signifie pas une égalité des êtres, mais une égalité de considération des intérêts des êtres ; il reprend également le terme de spécisme pour désigner la discrimination arbitraire en fonction de l’espèce et, plus largement, l’idéologie qui organise et justifie l’exploitation animale. Il montre aussi que, si parmi les philosophes très rares sont les spécialistes qui tentent de défendre le critère d’espèce comme critère de discrimination en soi, ce sont en revanche des critères liés à des capacités cognitives censées être le privilège des humains qui sont généralement invoqués (c’est ce qu’on appelle le spécisme indirect). Or la possession de caractéristiques comme l’intelligence, la raison, la conscience de soi, la liberté, etc., ne constitue pas non plus un critère de discrimination pertinent : elle n’entretient aucun lien avec la question du statut moral des uns et des autres. Ainsi, une personne déficiente mentalement ne doit pas être maltraitée par rapport à une autre en pleine possession de ses moyens ; elle ne doit pas voir ses intérêts méprisés. Ce qui compte d’un point de vue éthique est simplement la capacité des uns et des autres à souffrir ou à jouir de leur vie. Ce n’est qu’à la condition de posséder cette capacité, la sentience, que l’on peut dire que les individus ont des préférences et des aversions, que leur vie peut se passer bien ou mal et qu’ils ont donc des intérêts à défendre qu’il faut prendre en compte. Bref, l’intelligence, la raison, la liberté et la moralité humaines sont certes éminemment remarquables, mais elles ne constituent pas pour autant des critères d’élection d’un point de vue moral[7]. Elles ne nous octroient pas de privilèges. Ce ne sont pas elles qui doivent conditionner, par exemple, l’obtention des droits fondamentaux à ne pas être tué, torturé ni enfermé.
Singer a incontestablement ouvert la voie, mais d’autres philosophes dans sa foulée ont emprunté d’autres chemins en arrivant à des conclusions similaires. Par exemple, en 1983, Tom Regan analyse les fondements de la notion de personne et conclut que l’ensemble des mammifères de plus d’un an sont des sujets-d’une-vie (pour faire vite, ils ont une existence biographique) et doivent en conséquence se voir reconnaître des droits fondamentaux[8]. Aujourd’hui, au vu des informations disponibles, ce serait l’ensemble des animaux vertébrés ainsi que certains invertébrés comme les pieuvres que Regan inclurait dans la notion de sujets-d’une-vie[9]. Stephen Clark et Steve Sapontzis montrent également dans les années 1980 que la moralité commune ne peut que rejeter le spécisme[10], Edward Johnson puis Mark Rowlands[11], à partir de la Théorie de la justice[12] de John Rawls, argumentent finement qu’il en va de même pour l’école contractualiste, etc[13]. En fait, depuis 1975, nul contre-argument solide n’a pu être énoncé contre la mise en accusation du spécisme.
On pourrait attendre des défenseurs de l’humanisme qu’ils fassent des recherches sur les débats qui ont précédé leur propre entrée en matière, afin de ne pas reprendre des arguments éculés auxquels des générations ont déjà répondu. Ainsi, le débat avancerait, s’approfondirait et resterait passionnant. Ou bien cesserait, faute d’arguments. Hélas, ils ne lisent pas les argumentaires qui ont pu être publiés en réponse aux sempiternelles objections. Pire, s’ils les lisent, ils se gardent de les mentionner[14]. Et c’est ainsi que les antispécistes restent condamnés à répéter les mêmes contre-arguments au fil des décennies, en tentant désespérément de faire sortir le débat des ornières bien identifiées où il continue inlassablement, imperturbablement, de s’enliser.
Exemple récent, Alain Bentolila vient de publier en mars 2021 l’ouvrage Nous ne sommes pas des bonobos[15]. Dans un article publié dans la revue Causeur, intitulé « Il leur manque la parole. Le propre de l’homme »[16], il écrit :
Si la communication animale permet de transmettre, entre individus de la même espèce, ce qui est vu, senti ou désiré, le langage humain est incomparablement plus ambitieux : il offre la possibilité de se faire l’interprète du monde. N’en déplaise aux antispécistes.
Les antispécistes de fulminer, accablés : ce discours est une fois de plus totalement hors sujet. L’antispécisme ne repose en rien sur une similarité de capacités linguistiques.
Les signes de « la supériorité de l’homme »
À l’instar d’Alain Bentolila, les différents auteurs auxquels je fais référence ne veulent de toute évidence pas se départir de l’idée que nous, humains, témoignons d’une nature supérieure, qui nous élève au-dessus de tout ce qui existe par ailleurs. Ils recourent en effet au bon vieil essentialisme d’antan : ils imaginent une « nature humaine » et postulent dans sa foulée une échelle de valeur des natures, autrefois appelée « échelle des êtres ». Seul hic, l’essentialisme n’est plus une façon scientifique d’expliquer le monde depuis deux siècles au moins, et depuis bien plus longtemps encore si on date de Galilée la remise en cause d’une conception du monde fondé sur le haut et le bas[17]. En philosophie morale sérieuse, le recours à l’essentialisme est censé être abandonné depuis bien longtemps, car il ne repose sur rien.
L’essentialisme d’Aristote puis des thomistes[18] postule qu’il y a dans chaque être un principe actif doté d’une finalité, qui le fait être ce qu’il est, qui préside à son développement et qui est également ce qui le définit[19]. Idée platonicienne, essence, nature, être, âme : on a longtemps expliqué le monde en recourant à ces notions, mais on sait aujourd’hui que les causes de l’existence et des capacités singulières d’une chose ou d’un être sont physiques (physiologiques), multiples, indéfinies et hétérogènes et qu’il n’y a pas d’essence active à traquer derrière la réalité[20]. L’idée de nature ou d’essence ne joue plus aucun rôle dans notre appréhension scientifique du monde ; elle est hélas restée au fondement de l’humanisme – la croyance que l’humanité est la valeur suprême – défendu par nos intellectuels français.
En effet, ceux-ci tiennent beaucoup aux idées de « nature animale » et de « nature humaine ». Ces natures fondamentalement différentes, incommensurables, nous seraient révélées de façon évidente par des indices significatifs : tout fait volontiers signe d’essence, pour les essentialistes. La quête millénaire du « propre de l’homme » est celle du signe de la nature supérieure de « l’homme ».
C’est une façon de penser que l’on retrouve à propos du racisme et du sexisme, comme le note David Olivier dans un article inaugural de l’antispécisme francophone[21] :
N’importe quoi peut être signe d’une nature, peut être interprété comme tel. C’est pourquoi les discussions avec les racistes sont si frustrantes. Le raciste s’occupe peu d’examiner et de produire des arguments qui tiennent debout ; tout argument est pour lui superficiel, ne concerne que les signes, ne peut atteindre la nature, car la nature se passe d’arguments. De la couleur, de la taille, de l’accent, de la forme du nez, de tout cela le raciste veut bien discuter, il se fiche d’en discuter : de toute façon, pour lui, la nature demeure. […]
C’est toujours l’idée de différences de nature qui fonde racisme et sexisme. Et ces idéologies sont fausses, non parce que la peau blanche « égale » la peau noire, mais parce que cette nature n’existe tout simplement pas. Mais elles sont d’autant plus crédibles que presque tous, en cachette, en acceptent le principe, parce que la survie du spécisme est à ce prix. Pour maintenir le spécisme, tous acceptent l’idée d’une nature animale, et tous, malgré eux, acceptent donc l’idée d’une nature humaine.
Et David Olivier de rajouter :
On évoque beaucoup de raisons pour justifier ce que les humains font aux autres animaux ; beaucoup trop. Pour leurs inventeurs, la vérité à démontrer est donnée d’avance. Le spéciste les évoque l’une après l’autre ; aucune ne tient debout. N’importe ; dans notre culture profondément spéciste chacune appelle les autres et y puise son soutien, sans que personne ne soupçonne que l’ensemble tient dans le vide.
Ces raisons ne sont pas des raisons, ce ne sont que des signes. […] Innombrables sont les signes. Tout caractère peut servir, pourvu qu’il semble « noble » et propre aux humains. L’outil était « le propre de l’Homme », jusqu’à la découverte d’un oiseau qui en utilise aussi. […] Autre filon : le langage. […] Et comment l’absence de langage justifie-t-elle le massacre ?
C’est précisément par la grâce des notions de supériorité et d’infériorité que l’absence de langage ou de quoi que ce soit d’autre en vient à justifier le massacre. L’absence marque le signe moins sur une échelle de valeur des êtres. Les natures, les essences, les êtres, dès Aristote, s’étagent gentiment le long d’une telle échelle graduée. On l’a vu, cette échelle nous vient d’un temps où l’on croyait que le monde était fondamentalement constitué d’un haut et d’un bas, les êtres parfaits et nobles trônant en hauteur (les Dieux, les anges, les humains bipèdes et rationnels…) et les êtres vils rampant loin au-dessous. En toute laïcité, on a conservé cette idée d’échelle désormais censée nous mener du simple au complexe, des « animaux inférieurs » aux « animaux supérieurs », les humains incarnant le summum de la sophistication. Nous étions le sommet de la Création, nous sommes désormais l’aboutissement de l’Évolution. Nous tenons de toute façon à rester au sommet de la pyramide alimentaire[22], symbole incontournable de notre suprématie.
Nos défenseurs du spécisme sentent bien que leur nécessaire recours à l’essentialisme peut être gênant aux entournures et ils tentent des pirouettes pour désamorcer le problème. Ainsi, Jean-Pierre Digard comme Sugy essayent de suggérer que l’accusation d’essentialisme serait creuse : ainsi, tenir à la notion d’« homme », selon le premier, « c’est se montrer affreusement “essentialiste” – injure suprême de nos jours »[23], quand le second évoque au détour d’une phrase « un dangereux péché essentialiste qui horrifierait[24] » unetelle (Donna Haraway, pour être précis). Ce sera chacun leur seule évocation du problème. Le choix des termes vise à délégitimer la méfiance vis-à-vis de l’essentialisme. Pourtant, dénoncer l’essentialisme n’est pas gratuit, il ne s’agit pas de la dernière mode intellectuelle en date ; outre le fait fondamental que plus rien ne soutient cette vision du monde, ainsi que je l’expliquais plus haut, il faut aussi garder à l’esprit que toutes les grandes catastrophes morales de notre histoire récente se sont bâties sur l’essentialisation des victimes. L’esclavage, la colonisation, le travail forcé, le patriarcat, la Shoah et les autres génocides ainsi que de nombreuses guerres, ont été précédés et permis par un intense travail culturel d’essentialisation : le regroupement forcé des victimes dans une même catégorie censée correspondre à une nature spécifique, inférieure ou nuisible, de laquelle découlait un statut moral dégradé qui allait autoriser l’exploitation et le meurtre. Dans le même temps, le groupe meurtrier se regroupait bien sûr avec allégresse sous la bannière d’une commune nature supérieure. Ainsi, l’essentialisme et l’idée d’échelle des êtres qui en découle ont gangrené et rongent encore profondément notre civilisation. Ils permettent de contourner et annuler la réflexion éthique. Les rejeter est une nécessité politique pour tout projet progressiste. S’en défaire permettra une avancée morale déterminante.
Comment peut-on rejeter ces fameuses idées d’inférieur et de supérieur qui sont au coeur de l’idée d’une échelle des êtres ? Une critique immédiate du recours à ces notions remarque basiquement qu’on n’est pas supérieur ou égal en soi, mais bien dans tel ou tel domaine qui demande à être précisé. On n’est pas supérieur dans l’absolu, mais meilleur qu’un autre à la nage, en calcul, en tricot ou en jardinage, en utilisant en outre des critères précis d’évaluation. Vouloir se sentir supérieur en soi, c’est vouloir continuer à croire aux essences – ce sont nos « natures » supposées qui sont en fait comparées ; les critères invoqués, on l’a vu, ne sont plus des preuves, mais des signes d’une réalité invisible, mystique, la valeur des êtres. Or, si ces fameuses essences n’existent pas, il n’y a plus de sens à parler de la supériorité en soi de quiconque[25].
Depuis que la réflexion éthique est soumise à discussion rationnelle, il n’y a donc plus grand monde en philosophie morale pour défendre l’idée que la façon dont on doit considérer les intérêts des uns et des autres doit dépendre du fait qu’ils sont ou non (considérés comme) des êtres supérieurs. Or c’est cette clarification conceptuelle, qui constitue un progrès fondamental de la pensée morale, que nos auteurs français se refusent à prendre en compte[26].
Superbement, inébranlablement, leurs livres restent un hymne à la « supériorité de l’homme » et une cantate à l’« infériorité des bêtes » (qui sont bêtes). Le fait même de parler de « l’homme et l’animal », comme ils le font, annonce d’ailleurs généralement à la trompette et à la cymbale un recours solennel à l’essentialisme. Comme dit un poète, ça se chante plus facilement que ça ne s’argumente !
La torture et le meurtre fondent la dignité humaine
Nos auteurs humanistes considèrent aussi que si les humains sont des êtres supérieurs, alors ils ont évidemment un droit de vie et de mort sur les êtres inférieurs. Seul Sugy laisse (fugacement) penser que cette conception ne va pas de soi, mais souligne tout le danger qu’il y aurait à y renoncer :
Ainsi, je souhaite montrer que si l’on admet avec les antispécistes qu’il n’y a pas de supériorité morale de l’homme (ou que cette supériorité ne justifie pas de “discriminer” les animaux, c’est-à-dire de leur faire subir des souffrances que l’on s’interdit d’infliger aux hommes), alors toutes nos autres convictions sont menacées et cela revient en fin de compte à renoncer à ce qu’il y a de plus précieux dans notre humanité. (pp. 24-25)
Hélas, Sugy ne revient pas dans son livre sur cette idée selon laquelle, s’il devait y avoir supériorité, celle-ci pourrait bien ne pas justifier pour autant de faire souffrir (et massacrer) les inférieurs. Pourtant, ce point aurait mérité discussion, en accord avec l’évolution moderne des idées : les êtres doués de responsabilité doivent faire preuve de considération à l’égard des autres, tout particulièrement à l’égard des plus vulnérables, des plus faibles. La position de nos humanistes n’est malheureusement pas celle-ci ; elle n’est autre que celle de l’orthodoxie morale occidentale[27] si sarcastiquement décrite en 1977 par Stephen Clark :
Nous sommes absolument meilleurs que les animaux parce que nous sommes en mesure de donner de la considération à leurs intérêts : par conséquent, nous ne le ferons pas.[28]
Ils partent du principe qu’accorder de l’importance à ce que subissent les non-humains rabaissera la haute idée qu’ils se font de « l’homme ». Pourtant, de la même façon que l’on s’émerveille des cathédrales de la chrétienté sans pour autant dévaloriser les temples bouddhistes ou les mosquées musulmanes, on doit pouvoir rester éblouis de nos excellences humaines sans mépriser les autres animaux et sans recourir au hachoir à viande. En outre, nos auteurs peuvent très bien garder leur haute idée de « l’homme », précisément en se comportant de façon éthique, en renonçant au caractère sanguinaire de notre suprématie et en octroyant aux animaux ces droits que seule notre soif de domination empêche de leur accorder. Ils pourront alors se vanter de représenter la première espèce sur Terre à renoncer à sa prédation pour se déclarer solidaire des autres êtres sentients.
Hélas, socialement, le sentiment de supériorité cherche à se manifester par des symboles et, dans ce contexte, traiter ses pairs avec décence tout en maltraitant ceux perçus comme inférieurs marque leur différence de statut moral et proclame, aux yeux de tous, leur différence de « valeur ontologique » (la valeur sur l’échelle des êtres). Bref, faire souffrir les animaux, ou en tout cas se donner le droit de les tuer, devient un symbole concret du fait que nous sommes les seigneurs de la Terre, l’espèce supérieure pour les laïcs, l’espèce élue pour les fidèles. C’est un ordre du monde qui s’affiche ainsi[29].
Historiquement, le terme de « dignité » nous vient de la Rome antique[30], une civilisation extrêmement hiérarchisée et violente. Qu’importe ! Pour Sugy et les autres, les humains seraient, à la différence des autres animaux, porteurs de cette dignité. C’est elle qui ferait que les premiers sont dignes de considération morale, mais pas les seconds. Thomas Lepeltier appelle ce type de raisonnement de la pensée magique[31] : tous les humains ont, en eux, quelque chose de spécial, que nous ne sommes pas capables de définir, mais qui fait qu’ils méritent un traitement à part, voire qu’ils deviennent des personnes sacrées. La dignité est magique en ce sens que son invocation, à elle seule, sans plus d’argumentation, semble permettre d’assurer ce fameux statut moral supérieur de « l’homme ». C’est pour cette raison une notion extrêmement problématique en philosophie morale[32]. Nos auteurs français sont tombés petits dans le chaudron de cette notion magique et, comme notre Obélix, en sont restés imprégnés.
Il faut cesser de confondre le fait de traiter les individus de façon correcte et le fait de considérer qu’ils sont égaux (qu’ils valent pareil, qu’ils ont une même dignité, pour reprendre les termes de nos humanistes). Traiter décemment les autres (les anchois, par exemple) signifie simplement considérer que leurs joies et leurs souffrances, ainsi que leur volonté de vivre, importent aussi. Indépendamment de ce qu’on peut bien penser de leur dignité éventuelle. Mais nos humanistes ne se soucient pas de ce que vivent les non-humains, en tout cas ils ne vont pas au-delà de la position usuelle qui consiste à dire qu’il faut éviter les « abus ». Il en irait précisément de notre dignité, selon eux : une telle position est en fait d’une grande brutalité, puisqu’il ne faudrait pas torturer les autres êtres sentients sans nécessité, non pas parce qu’ils en souffrent, mais par respect pour notre dignité. Seul leur importe que « l’homme » auquel ils s’identifient garde un statut « à part ». Que sa noblesse, sa dignité, soit affirmée.
Ils s’expriment comme s’il s’agissait, pour eux, d’éviter une énième blessure narcissique : nous savons aujourd’hui que la Terre n’est pas le centre de l’univers, qu’elle erre dans l’immensité du temps et de l’espace et que nous sommes des animaux du point de vue de l’évolution darwinienne. Nos humanistes veulent dès lors maintenir coûte que coûte l’idée que nous sommes exceptionnels – voire, pour certains, sauver l’idée que Dieu nous a élus entre tous. N’est-ce pas effroyable de vouloir perpétrer des massacres inimaginables[33] pour prévenir une blessure à l’égo ?
À vouloir défendre « l’homme », on oublie les humains réels
Oublier « qui nous sommes » ne pourrait que finir en tragédie, explique Sugy. Pourtant, les animalistes ne méprisent pas leurs congénères humains et considèrent toujours qu’ils ont des droits fondamentaux qu’il est crucial de respecter. De ce point de vue, le fait de prendre au sérieux les intérêts des animaux n’a rien changé pour eux. Ainsi, le leitmotiv qu’à vouloir traiter les animaux comme les humains, nous finirions par nous traiter nous-mêmes « comme des animaux », semble infondé : ce « comme des animaux » apocalyptique réfère précisément à des animaux qu’on n’hésite pas à (faire) égorger pour des motifs dérisoires, alors que notre but est précisément qu’on cesse d’égorger à tout va.
Précisément, ces deux dernières décennies, de nombreuses études de psychologie sociale ont mis en évidence que les personnes qui se montrent les moins spécistes sur des échelles d’évaluation se montrent également moins enclines à discriminer de manière arbitraire parmi les humains. Ce que le philosophe canadien Will Kymlicka présente de la façon suivante :
De plus en plus d’études suggèrent que croire en cette suprématie et en la hiérarchie des espèces n’atténue pas le problème de la déshumanisation. Cela l’aggrave. Plus les gens pensent que les humains sont supérieurs aux animaux, plus ils tendent à déshumaniser les immigrants, les femmes et les minorités raciales.[34]
Dans la mesure où il place l’humanité en haut d’une échelle des êtres, l’humanisme réaffirme sans cesse une frontière entre, d’un côté, les humains, et de l’autre, les non-humains bien sûr, mais aussi les mal-humains, moins qu’humains, sous-humains. La hiérarchie humaniste permet ainsi l’utilisation de l’animalisation comme outil politique de dévalorisation sociale et entretient l’animalité comme stigmate pour les groupes humains marginalisés[35].
On peut se voir accorder un statut plus ou moins « humain » au sein de l’Humanité et, comme l’impératif de se distinguer de l’animalité reste toujours aussi vivace, on peut être considéré comme plus ou moins « animal ». Axelle Playoust-Braure use d’une excellente formule pour résumer cela : « Comment prévenir d’autres génocides, massacres et mauvais traitements de masse, si les munitions pour “animaliser” sont disponibles et reproduites en permanence partout[36] ? ». Selon toute vraisemblance, tant que nous refuserons de remettre en question le spécisme, la menace que des humains puissent être traités « comme des animaux » restera bien réelle.
Notre civilisation est fondée sur la séparation entre, d’un côté, ceux qui ont une « dignité » et qui sont, dès lors, censés être traités comme des sujets et, d’un autre côté, ceux qui restent vils et indignes et sont traités comme des objets. En 1948, effarées par les crimes nazis, mais ne voulant pas se défaire de l’échelle des êtres, les Nations unies ont adopté une Déclaration universelle qui proclame que tous « les humains sont égaux en dignité ». Il s’agissait de promulguer leur égalité première, principielle, essentielle. Mais cette égalité-là, censée s’intercaler sur l’échelle des êtres entre les pôles supériorité et infériorité et les annuler, ne peut qu’être elle-même une notion essentialiste[37]. Et on a beau essayer de l’arrimer fermement en l’affirmant comme un dogme et un article de foi, il s’agit d’une notion particulièrement fragile : une égalité qui tient sur un fil entre infériorité et supériorité est hélas instable et, pour tout dire, fluctuante au gré du vent. Il vaut donc mieux que le temps reste au beau fixe.
Il y a toutefois une bonne nouvelle : l’humanisme n’est pas condamné à éternellement rester un suprémacisme humain et à plonger ses racines dans un charnier de non-humains[38]. Les droits humains peuvent être fondés sur une base bien plus sûre que l’exceptionnalité humaine, à partir des notions de subjectivité incarnée et de vulnérabilité. Cette possibilité a déjà été explorée par différents auteurs, comme le résume Will Kymlicka[39] :
À partir des années 1980 […], la théorie des droits humains a commencé à se défaire de ce cadre suprémaciste. [Plusieurs] approches novatrices de la théorisation des droits humains ont fait leur apparition. Par exemple, Bryan Turner a soutenu que les droits humains devraient être fondés sur le respect des personnes en tant que « sujets vulnérables[40] », une idée également défendue par Martha Fineman[41] et Alexander Morawa[42]. Amartya Sen et Martha Nussbaum ont développé des théories des droits humains basées sur les « capabilités »[43] ; Fiona Robinson a élaboré une approche des droits humains fondée sur l’éthique du care…[44]
Dans ces années 1980, une piste également prometteuse est la théorie des droits de la personne telle qu’affinée par Thomas Regan dans Les droits des animaux[45], où il argumente que l’ensemble des êtres sentients ayant un minimum de conscience d’eux-mêmes et de personnalité peuvent à bon droit revendiquer le titre de personnes : les « sujets-d’une-vie » doivent se voir reconnaître par la société un égal droit au respect, c’est-à-dire le droit de ne pas être traités comme de simples moyens pour les fins d’autrui. Le philosophe Enrique Utria commente : « Tom Regan est ainsi un défenseur des droits des animaux parce qu’il est d’abord un défenseur des droits humains. Au reste, sa théorie est peut-être la défense la plus solide – et la moins connue – des droits humains[46]. »
L’antispécisme : un progrès éthique majeur
Il est particulièrement ironique que ce soient nos intellectuels humanistes, qui se gargarisent si volontiers de la « rationalité de l’homme » et de sa responsabilité, qui incarnent précisément le naufrage de l’éthique et de la logique dès qu’ils sont confrontés à leur appétit (de domination). Le projet fou des antispécistes, qu’ils dénoncent, ce n’est rien d’autre que prendre au sérieux la morale et la raison, pour progresser moralement.
Ce progrès moral peut être analysé sous différentes facettes. Ainsi, Peter Singer considère qu’au fil des siècles nous avons étendu notre cercle de considération morale : nous sommes progressivement passés d’appartenances limitées comme la tribu ou le clan à l’Humanité presque entière… et nous sommes à la porte de l’inclusion des individus sentients des autres espèces.
La philosophe Paola Cavalieri note pour sa part que « notre défense des êtres sensibles placés au plus bas de la chaîne de l’exploitation donne à notre exigence de justice une valeur plus universelle que celle d’aucun groupe – ou classe – d’humains exploités de par le passé : elle fait de notre lutte pour l’égalité la lutte pour l’égalité (ici encore, pensons-nous, la libération animale [comprend] la libération humaine)[47]. » Effectivement, une égalité qui reste communautariste n’est pas une égalité, mais bien son contraire : une inégalité. Si seuls ceux qui appartiennent à notre communauté sont reconnus comme des pairs, des égaux, alors l’égalité en question se caractérise en fait par l’exclusion des « autres » de la sphère de l’égalité. Comme la prise en compte des intérêts d’autrui n’a de sens que si ce dernier a effectivement des intérêts à défendre, c’est-à-dire s’il est sentient, la volonté de prendre en compte l’ensemble des êtres sentients marque bien l’accomplissement de la lutte pour l’égalité – une égalité qui cesse d’être sa propre négation pour devenir universelle.
Cela pourrait induire un progrès inouï. Jusqu’à présent nos morales restaient fondées sur nos appartenances, se basaient sur une communauté et la valeur qui lui est rattachée. L’humanisme, par exemple, considère encore qu’en tant qu’individus nous ne nous voyons accorder de la considération et des droits que parce que nous sommes récipiendaires d’une nature humaine (supérieure), et que, de façon liée, nous appartenons à ce groupe spécifique, l’humanité, qui se définit à l’encontre du groupe qui lui est à la fois extérieur et inférieur, celui de « l’animalité[48] ». C’est ce membership qui nous octroie valeur, considération, droits. Comme je le disais plus haut, au fil des siècles, les éthiques en termes d’appartenances et d’essences se sont révélées particulièrement meurtrières et oppressives. Elles ont accompagné et justifié sans difficulté les exploitations, les guerres, les exterminations et les exclusions qui ponctuent notre histoire.
Or le mouvement antispéciste propose de peser les intérêts des individus à l’aune de l’importance qu’ils revêtent pour les individus eux-mêmes, sans considération ni de leur rang ni de leur appartenance. J’affirmais ainsi dans La Révolution antispéciste (PUF, 2018) : « La question de savoir si un rat vaut un humain n’a désormais plus de sens. Ce n’est pas simplement qu’on s’en fiche, c’est qu’elle est absurde, elle ne signifie plus rien de pensable. La question s’est déplacée : aujourd’hui, quoi qu’on pense des rats, qu’on s’amuse ou non à les imaginer supérieurs aux écrevisses ou aux humains, on commence à réaliser que les intérêts similaires d’un rat ou d’un humain (à ne pas agoniser longuement après avoir été empoisonné, par exemple) ont la même importance – et doivent se voir reconnaître la même importance. »[49]
On peut ainsi considérer l’égalité animale comme se situant aussi bien dans la continuité qu’en rupture avec les morales qui l’ont précédée. Mais l’extension du cercle de considération morale, la réalisation de la seule acception de l’égalité qui vaille, la prise en compte des individus en soi, dans leur réalité subjective, constituent un accomplissement moral, un progrès majeur et l’accession, enfin, à un véritable universalisme.
Comme hier l’idée d’une race supérieure, l’idée d’une espèce supérieure ayant droit de domination sur les autres sentients de la planète est source d’une catastrophe morale d’une ampleur inégalée. La vénération d’une entité supérieure, « l’homme », est devenue un obstacle – effroyablement meurtrier – sur la voie du progrès moral. L’extinction de « l’homme » est effectivement un projet fou pour celles et ceux qui le sacralisent indûment… mais c’est un projet d’une urgente nécessité morale.
Crédit photo : Human evolution silhouettes
Notes et références
↑1 | Paul Sugy, L’extinction de l’homme. Le projet fou des antispécistes, Tallandier, 2021. |
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↑2 | C’est pourquoi je vais moi aussi m’intéresser à cet « homme » dans le présent article, qui ne parlera donc pas des animaux. |
↑3 | Pour ne citer que leurs principaux ouvrages : Luc Ferry, Le Nouvel ordre écologique, Grasset, 1992 ; Janine Chanteur, Du droit des bêtes à disposer d’elles-mêmes, Seuil, 1993 ; Paul Ariès, Libération animale ou nouveaux terroristes ? Les saboteurs de l’humanisme, Golias, 2000 ; Étienne Bimbenet, L’animal que je ne suis plus : philosophie et évolution, Gallimard, 2011 et Le complexe des trois singes, essai sur l’animalité humaine, Seuil, 2017 ; Francis Wolff, Trois utopies contemporaines, Fayard, 2017 ; Jean-Pierre Digard, L’animalisme est un anti-humanisme, CNRS Éditions, 2018 ; Jean-François Braunstein, La philosophie devenue folle : le genre, l’animal, la mort, Grasset, 2018 ; Ariane Nicolas, L’imposture antispéciste, Desclée de Brouwer, 2020 ; Alain de Benoist, La place de l’homme dans la nature. Réponse aux antispécistes, La nouvelle librairie, 2021; Alain Bentolila, Nous ne sommes pas des bonobos, Odile Jacob, 2021; Jacques Ricot, Qui sauver ? L’homme ou le chien ? Sur la dissolution des frontières entre l’homme et l’animal, Mame, 2021. |
↑4 | Sentient : capable de ressentir des sensations et des émotions. Le terme est plus précis que le mot sensible. Cf. Estiva Reus, « Sentience ! », Les Cahiers antispécistes, n° 26, novembre 2005. |
↑5 | David Olivier, « Qu’est-ce que le spécisme ? », Les Cahiers antispécistes, n° 5, décembre 1992. |
↑6 | En France, quand il s’agit d’invoquer la supériorité des humains ou leurs droits, on continue de recourir à la formule « l’homme » (voire « l’Homme »), nimbée de majesté au même titre que « l’humanité » ; en comparaison, « l’humain » sonne peut-être trop « biologique », trop « animal ». Dans tous les cas, le singulier général rend implicite l’idée d’essence humaine. |
↑7 | Pour une véritable discussion en langue française du point de vue de la philosophie morale sur la question du spécisme, se reporter à Valéry Giroux, L’antispécisme, PUF, 2020, ainsi qu’aux articles de François Jaquet : « Spécisme (version grand public) » et « Spécisme (version académique) », in Maxime Kristanek (éd.), Encyclopédie philosophique, 2018. |
↑8 | Tom Regan, Les Droits des animaux, Hermann, 2013 [1983]. Pour être exact, Regan réfère alors peu à la notion de personne ; il la mobilise par contre dans « Des droits légaux des animaux, le jour viendra peut-être… », traduit de l’américain par Enrique Utria, Archives de philosophie du droit, n° 55, 2012, p. 244. Publié initialement sous le titre « The Day May come : Legal Rights for Animals », dans Animal Law, publication de la faculté de droit Lewis & Clark, vol. X, 2004, pp. 11-24. |
↑9 | Enrique Utria, Essai sur les droits des animaux, thèse de doctorat en philosophie, soutenue en 2016 à Rouen sous la direction de Jean-Pierre Cléro, université de Rouen. Pour Regan, la différence entre la subjectivité d’une vie et la sentience semble très mince. Il s’en explique dans « Sentience and Rights », in Turner et D’Silva, Animals Ethics and Trade. The Challenge of Animal Sentience, 2006. |
↑10 | Stephen Clark, The Moral Status of Animals, Oxford University Press, 1984 [1977] et Steve Sapontzis, Morals, Reason and Animals, Temple University Press, 1987. |
↑11 | Mark Rowlands, « Contractarianism and animal rights », Journal of Applied Philosophy 14 (3), 1997 ; Animal Rights: A Philosophical Defence, Macmillan/St Martin’s Press, 1998. |
↑12 | John Rawls, Théorie de la justice, Le Seuil, 1997. |
↑13 | Cf. Paola Cavalieri, « Combien les animaux comptent-ils ? (2/2) », Cahiers antispécistes n° 3, avril 1992. |
↑14 | Paul Sugy évite ainsi de mentionner les textes parus dans La Révolution antispéciste (PUF, 2018) qui critiquent l’essentialisme et argumentent contre l’idée d’une « supériorité de l’homme ». C’est pourtant un livre qu’il cite par ailleurs. |
↑15 | Alain Bentolila, Nous ne sommes pas des bonobos, op. cit. |
↑16 | Alain Bentolila, « Il leur manque la parole. Le propre de l’homme », Causeur, mai 2021 |
↑17 | Les idées d’infériorité et de supériorité avaient un poids certain dans la métaphysique d’Aristote puis des scolastiques médiévaux, pour lesquels l’Univers était fondamentalement caractérisé par un bas et un haut qui définissaient aussi des valeurs essentielles. La révolution galiléenne réfute les fondements de cette cosmologie. Nos humanistes n’en ont pas encore tiré les conséquences. |
↑18 | Thomistes : qui se réfèrent à Thomas d’Aquin, qui a tenté de concilier le christianisme et l’essentialisme d’Aristote. Le thomisme reste la doctrine officielle de l’Église catholique. |
↑19 | Cf. Yves Bonnardel, (d’après un texte d’Estiva Reus), Pour en finir avec l’idée de Nature… et renouer avec l’éthique et la politique, tahin party, 2006 [Les Temps modernes, mars-juin 2005]. |
↑20 | Sur ce sujet, on peut lire notamment, d’un point de vue scientifique, Jean-Jacques Kupiec et Pierre Sonigo, Ni Dieu ni gènes, Seuil, 2000 ; d’un point de vue philosophique, Clément Rosset, L’anti-nature, PUF, 1973 ; d’un point de vue socio-politique, Colette Guillaumin, Sexe, race, pratique du pouvoir et idée de nature, iXe, 2016 [1978]. Le discours humaniste est analysé comme essentialiste dans David Olivier, « Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre », Les Cahiers antispécistes, n° 5, décembre 1992. |
↑21 | David Olivier, « Qu’est-ce que le spécisme ? », art. cit. |
↑22 | Une pyramide qui devrait plutôt être symbolisée par un cercle : on parle de chaîne trophique pour désigner la place globale de chaque élément dans le cycle de la consommation, et les humains s’y situent au niveau des anchois alors qu’ils se rêvent super-prédateurs. La place en question, dans notre imaginaire spéciste, devient un rang, et l’évocation de l’anchois sonne pour nous comme une insulte, un camouflet, une déchéance. Cf. dépêche AFP, « Chaîne alimentaire : l’homme, un anchois comme les autres », Libération, 4 décembre 2013. |
↑23 | Jean-Pierre Digard, L’animalisme est un anti-humanisme, op. cit., p. 63. |
↑24 | Paul Sugy, L’extinction de l’homme, op. cit., p. 95. |
↑25 | Cf. David Olivier, « Supériorité, infériorité », in Yves Bonnardel, Thomas Lepeltier, Pierre Sigler, La Révolution antispéciste, PUF, 2018, et la rediffusion de sa conférence en ligne « Supériorité, infériorité, égalité », organisée par l’association PEA – Pour l’égalité animale le 14 juin 2020. |
↑26 | Luc Ferry critique pourtant l’essentialisme et le naturalisme, mais y recourt en fait allègrement. Cf. « Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre », Les Cahiers antispécistes, n° 5, décembre 1992. |
↑27 | Cf. Paola Cavalieri, « Combien les animaux comptent-ils ? (2/2) », art. cit. |
↑28 | Stephen Clark, The Moral Status of Animals, op. cit., p. 185. |
↑29 | Cf. Axelle Playoust-Braure et Yves Bonnardel, le chapitre « La viande, symbole du suprémacisme humain » dans Solidarité animale. Défaire la société spéciste, La Découverte, 2020. |
↑30 | Le mot « dignité » est emprunté au latin dignitas, -atis « mérite, estime, considération ; charge, dignité publique ; honorabilité », d’où l’ancien français deintié « seigneurie, puissance » (cf. le Cntrl). |
↑31 | Thomas Lepeltier, « Choisir Dieu ou la raison ! À propos de Paul Sugy, L’extinction de l’homme. Le projet fou des antispécistes (2021) », L’Amorce – revue contre le spécisme, 14 juin 2021. |
↑32 | Bernard Baertschi, « La dignité de l’être humain », tiré à part des Studia Philosophica, vol. 63, Schwabe Verlag Basel, 2004. |
↑33 | Les chiffres sont effectivement astronomiques : on tue plus de soixante-dix milliards de vertébrés terrestres chaque année dans les abattoirs du monde entier, et entre mille et trois mille milliards de poissons, soit dix à trente fois plus d’êtres conscients qu’il n’y a d’étoiles dans notre galaxie. |
↑34 | Will Kymlicka, « Pourquoi les animalistes sont-ils toujours les orphelins de la gauche ? Le suprémacisme humain en question », L’Amorce. Revue contre le spécisme, 21 juin 2019. . Lire à ce propos : Donald I. Templer, Heather Joy Connelly, Lynette Bassman, Jessica Hart, « Construction and validity of an animal-human continuity scale », Social Behavior and Personality, n° 34, 2006 ; Kimberly Costello & Gordon Hodson, « The human cost of devaluing animals », New Scientist, n° 2895, 2012. On peut se référer à une liste (en ligne) des travaux en question, non exhaustive mais néanmoins conséquente. |
↑35 | Lire la célèbre interview de Claude Lévi-Strauss à ce sujet, « Entretien avec Jean-Marie Benoist », Le Monde, 21-22 janvier 1979. |
↑36 | Axelle Playoust-Braure, Yves Bonnardel, Solidarité animale, op. cit., p. 157. |
↑37 | Ce point est développé dans les textes de David Olivier déjà cités, notamment sa critique de la position humaniste de Luc Ferry, « Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre », art. cit. |
↑38 | Patrice Rouget, La violence de l’humanisme. Pourquoi nous faut-il persécuter les animaux ?, Calmann-Lévy, 2014. |
↑39 | Will Kymlicka, « Human rights without human supremacism », Canadian Journal of Philosophy, 48:6, 2018. À paraître prochainement dans L’Amorce dans une traduction de Frédéric Côté-Boudreau, sous le titre « Les droits humains sans suprématie humaine ». |
↑40 | Bryan Turner, Vulnerability and Human Rights, University Park, PA: Penn State Press, 2006. |
↑41 | Martha Fineman, « The vulnerable subject: anchoring equality in the human condition », Yale JL & Feminism, 20 (1), 2008. |
↑42 | Alexander Morawa, « Vulnerability as a concept of international human rights law », Journal of International Relations and Development, 6 (2), 2003. |
↑43 | Amartya Sen, « Human rights and capabilities », Journal of Human Development, 6 (2), 2005 ; Martha Nussbaum, Frontiers of justice: Disability, nationality, species membership, Harvard University Press, 2005 ; Martha Nussbaum, « Human rights and human capabilities », Harvard Law School Human Rights Journal, 20 (21), 2007. |
↑44 | Fiona Robinson, « Human rights and the global politics of resistance: feminist perspectives », Review of International Studies, 29, 2003. |
↑45 | Tom Regan, Les droits des animaux, op. cit. |
↑46 | Enrique Utria, « Droits des animaux », dans Renan Larue (dir.), La Pensée végane, PUF, 2020, p. 246. |
↑47 | Paola Cavalieri, « Réflexions », Les Cahiers antispécistes, n° 3, avril 1992. |
↑48 | Un groupe qui n’a d’autre sens que de délimiter celui de l’humanité. La notion d’animal opposée à celle d’homme n’a aucun sens qui ne soit fantasmatique, ni celle d’animalité opposée à celle d’humanité. Voir l’excellent chapitre que Cédric Stolz consacre à ce sujet dans De l’humanisme à l’antispécisme. Le XXIe siècle sera celui des animaux, Ovadia, 2019. |
↑49 | Yves Bonnardel, « Les animaux à l’assaut du ciel », in La Révolution antispéciste, op. cit. |
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