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La question de la souffrance des animaux sauvages est de plus en plus discutée dans le monde antispéciste. Gô nous a fait parvenir une longue analyse – que Victor Duran-Le Peuch a éditée. Dans ce premier article d’une série de trois, on se demande: qu’est-ce que le RWAS?
« Avancer dans le brouillard ». Telle est l’expression qu’emploie Estiva Reus pour parler du travail intellectuel nécessaire pour digérer la pensée RWAS (Reducing Wild Animal Suffering) pour les personnes déjà partisanes de l’antispécisme. Je ne peux qu’être d’accord. « Avancer dans le brouillard », c’est tout à fait l’impression que j’ai eue et que j’ai toujours vis-à-vis de la question du RWAS. Dans cet essai en trois parties, je propose de partager comment j’ai fait pour « avancer dans le brouillard » depuis ma rencontre avec cette pensée.
Dans un premier temps, je présente en quoi consiste le mouvement pour la réduction de la souffrance des animaux sauvages, en exposant le constat sur lequel il se base, ses partis pris, son raisonnement et les solutions qu’il propose. Je présente ensuite les doutes et craintes que suscite chez moi la pensée RWAS, en insistant sur les incertitudes en présence, non seulement d’ordre empirique[1] et épistémique[2], mais aussi (et surtout) normatives[3]. Je présente enfin comment le concept d’incertitude morale m’a offert une porte de sortie, et a contribué à forger ma réflexion sur ce sujet.
Le caractère moralement ambigu du RWAS, allié à la réflexion sur l’incertitude morale, me fait finalement pencher en faveur d’un système de valeur pluraliste[4], mêlant déontologisme[5] et conséquentialisme[6], sentientisme et écologisme. Je présente les conclusions auxquelles je suis parvenu dans ce sens et leurs implications, à la fois sur le plan normatif et sur le plan stratégique. La clef est selon moi de poser des limites aux projets d’assistance, et la recherche de compromis pluralistes.
De manière générale, la réflexion présentée dans cette série d’articles doit beaucoup au travail de la brillante Estiva Reus, et en particulier son excellent livre – n°41 des Cahiers antispécistes : « Éliminer les animaux sauvages pour leur bien : promenade chez les réducteurs de la souffrance dans la Nature » dont j’encourage vivement la lecture. Un grand merci à Victor Duran-Le Peuch pour sa relecture attentive et patiente, son regard avisé et ses suggestions constructives. D’ailleurs allez toutes et tous immédiatement écouter son podcast Comme un poisson dans l’eau !
L’acronyme RWAS signifie « Reducing Wild Animal Suffering » ou « Réduire la souffrance des animaux sauvages ». Les mêmes idées sont parfois désignées par l’acronyme plus récent « WAW » pour « Wild Animal Welfare » dont la traduction imparfaite pourrait être « bien-être des animaux sauvages ». Le RWAS/WAW est un courant philosophique en éthique animale et un mouvement social à peine naissant en train de se populariser au sein d’une partie du milieu antispéciste et du mouvement « Altruisme Efficace ».[7]
1- Le constat
Cette pensée part d’un constat : les animaux sauvages évoluant en liberté souffrent énormément, et la grande majorité de leurs souffrances est d’origine naturelle. Des milliards de proies souffrent en étant dévorées vivantes par des prédateurs. Les proies qui échappent à leurs prédateurs peuvent être traumatisées et vivre dans la peur et la vigilance constante. Pour les animaux sauvages, être porteur de parasites est la norme plutôt que l’exception et les maladies sont très courantes. Des milliards d’animaux meurent de froid, de chaud, de faim ou de soif en raison des aléas climatiques, et cela est loin d’être uniquement dû au réchauffement climatique causé par les activités humaines. Au-delà même des questions de prédation, les animaux se trouvent très souvent dans des situations de compétition pour les ressources ce qui engendre des conflits violents.
Une très grande partie des animaux ont une stratégie de reproduction consistant à avoir un très grand nombre de petits (dite « stratégie R »), dont ils ne s’occuperont que très peu voire pas du tout. Dans leur quasi-totalité, ces petits mourront dans la souffrance avant même d’avoir atteint l’âge adulte. Ce dernier point en particulier est à l’origine d’une hypothèse peu réjouissante : la possible prévalence de la souffrance sur le bonheur dans la nature.
Peut-être que pour la grande majorité des êtres sentients de la Terre, la vie consisterait à naître, puis mourir dans des souffrances atroces presque aussitôt, sans avoir eu l’opportunité de vivre aucune expérience agréable. Peut-être même que la grande majorité des vies vécues par les êtres sentients, ne valent en fait pas la peine d’être vécues. C’est tout du moins la vision de la vie sentiente sauvage qu’ont la plupart des partisan·es du RWAS. Si le jugement de valeur selon lequel une vie vaut ou non la peine d’être vécue est un parti pris, et si l’hypothèse de le prévalence de la souffrance est en réalité très incertaine[8](1, 2, 3, 4, 5, 6), il reste du moins qu’on ne peut nier que la vie des êtres sentients sauvages comporte une quantité incroyable de souffrances indépendantes des activités humaines.
2- Le parti pris
Face à ce constat, la pensée RWAS consiste à dire que les humain·es n’ont pas seulement un devoir de non-nuisance envers les animaux sauvages sentients. Pour diverses raisons (cf section 4), nous aurions également un devoir d’assistance. En particulier, nous aurions le devoir de faire tout notre possible pour réduire les souffrances des animaux sauvages en liberté et/ou favoriser leur bien-être. Ce devoir d’assistance s’appliquerait indistinctement à la réduction des souffrances des animaux sauvages causées par les activités humaines, et à celles qui sont indépendantes des activités humaines. Étant donné que dans leur majeure partie, les souffrances que vivent les animaux sauvages sont tout à fait indépendantes des activités humaines, notre devoir d’assistance consisterait même surtout à lutter contre ces souffrances d’origine naturelle.
3- Les « solutions »
Les choses se corsent quant à la question de la forme que devrait prendre notre assistance face à cette tragédie naturelle. Les promoteurs et promotrices du RWAS n’ont pour l’heure pas véritablement répondu à cette question. Ou plutôt, une variété de propositions plus ou moins sérieuses, plus ou moins réalistes, plus ou moins précautionneuses vis-à-vis des incertitudes, plus ou moins consensuelles, plus ou moins ambitieuses, plus ou moins contre-intuitives et plus ou moins dérangeantes ont été émises. Les personnes partisanes du RWAS ne sont pour l’heure pas forcément toutes d’accord entre elles, bien que certaines approches semblent plus partagées que d’autres.
Certaines de ces mesures d’assistance – les promoteurs et promotrices du RWAS aiment à le rappeler – sont déjà mises en œuvre actuellement et sont relativement bien acceptées. Ces mesures déjà mises en œuvre aujourd’hui le sont souvent non pas dans une démarche RWAS, mais dans le cadre d’objectifs de conservation de la biodiversité ou à des fins de protection des humain·es et des animaux domestiques contre les zoonoses[9] et épizooties[10]. D’autres mesures proposées relèvent davantage du raisonnement philosophique abstrait explorant théoriquement ce que nous devrions faire si nous étions omniscient·es et technologiquement omnipotent·es. D’autres sont à mi-chemin entre ces deux cas de figure. En voici un aperçu non exhaustif[11], classé subjectivement du plus consensuel au plus inattendu, contre-intuitif et/ou dérangeant :
- Porter assistance ponctuellement à des animaux sauvages se retrouvant immobilisés ou risquant de se noyer. On peut penser par exemple à un élan tombé dans l’eau d’un lac gelé après que la pellicule de glace ait rompu sous son poids, à un éléphant embourbé dans de la boue, ou à un cétacé échoué sur une plage. Il existe d’ailleurs en France un réseau national échouages pour les mammifères marins et l’on peut appeler les pompiers pour intervenir face à ce genre de situations.
- Soigner des animaux sauvages blessés, malades, ou en détresse dans des centres de soins avant de les relâcher. De nombreux centres de ce type existent déjà en France. La pensée RWAS voudrait cependant que ces centres de soin prennent en charge indistinctement les animaux appartenant à des espèces menacées et ceux non menacés, ceux mis à mal par les activités humaines, et ceux dont l’infortune est indépendante des activités humaines.
- Créer des orphelinats pour prendre soin d’animaux sauvages orphelins condamnés à mort s’ils ne sont pas pris en charge. Un orphelinat de ce type existe notamment pour les chauves-souris en Australie.
- Porter assistance aux animaux victimes de catastrophes naturelles comme les feux de forêt, ou d’aléas climatiques extrêmes. Animal Ethics, une des principales organisations du mouvement RWAS a financé une étude en ce sens sur la question des feux de forêt. Des efforts considérables de ce type d’assistance aux animaux sauvages ont été mis en œuvre lors des feux de forêt en Australie en 2020.
- Apporter ponctuellement de la nourriture ou de l’eau potable à certaines populations d’animaux sauvages pour les aider à faire face à une période difficile (sans toutefois les rendre dépendants). Par exemple, la Ligue de Protection des Oiseaux recommande le nourrissage des oiseaux en hiver lors de périodes particulièrement froides, en prenant toutefois certaines précautions. Autre exemple, dans le cadre d’un programme de conservation en Floride, des équipes s’organisent pour nourrir les lamantins avec de la laitue afin de les aider à survivre à des périodes de famine. Des nourrissages d’animaux sauvages ont aussi été organisés par le gouvernement et des ONG de conservation suite aux feux de forêt en Australie en 2020.
- Réduire les souffrances et éviter la mort des animaux sauvages victimes collatérales des pratiques d’agriculture végétale. Cette question est discutée depuis longtemps dans le domaine de la conservation, des mesures étant déjà en place pour récompenser financièrement les agriculteurs pratiquant des fauches tardives. Elles permettent en effet de protéger plusieurs espèces d’oiseaux dont les membres risquent d’être tués lors des moissons. Plus récemment, Wild Animal Initiative, principale organisation du mouvement RWAS, a proposé d’étudier les souffrances générées par les différents pesticides employés en agriculture afin de privilégier ceux qui sont les moins douloureux pour les animaux qui en sont victimes (notamment les insectes dont la sentience est cependant encore mal comprise), et de développer des méthodes de gestion non létales comme les pièges à phéromones ou la contraception.
- Repenser la gestion des animaux liminaires comme les rats et les pigeons en ville via la mise en place de méthodes non létales (en particulier contraceptives) comme le propose l’association Paris Animaux Zoopolis.
- Repenser nos aménagements pour qu’ils soient davantage favorables aux animaux liminaires qui y vivent. Par exemple, comme l’évoque Axelle Playoust-Braure, le projet Safe Flight vise à revoir la conception des buildings pour éviter que les oiseaux n’entrent en collision avec les surfaces vitrées. Dans un autre registre, l’entreprise AirBird a développé, en collaboration avec le laboratoire d’éthologie de Rennes, des répulsifs visuels efficaces qui permettent d’éloigner pacifiquement et durablement les oiseaux des pistes de décollage des aéroports, où leur présence est dangereuse pour eux-mêmes et pour les humain·es.
- Fabriquer et mettre à disposition des abris à destination des animaux sauvages comme le font déjà beaucoup de personnes ayant des petites cabanes à oiseaux dans leurs jardins. Par exemple, l’entreprise française Nat’H fabrique des gîtes, abris et nichoirs pour divers animaux sauvages à intégrer dans les bâtiments. La mise à disposition d’abris est aussi une pratique fréquente dans les programmes de conservation des chauves-souris.
- Créer un nouveau champ de recherche scientifique à l’intersection de l’écologie et des sciences du bien-être animal – la « biologie du bien-être »[12] – pour étudier la qualité de vie des animaux sauvages en liberté, afin de pouvoir évaluer et anticiper rigoureusement les conséquences de projets d’assistance aux animaux sauvages. Cet axe est d’ailleurs devenu aujourd’hui l’objectif prioritaire du mouvement RWAS car l’incertitude quant aux conséquences des potentielles interventions est identifiée comme étant un obstacle majeur.
- Mener des campagnes de vaccination des animaux sauvages. De telles campagnes ont déjà été, et sont régulièrement menées en ce sens, dans des objectifs de conservation de la biodiversité ou de protection de la santé des animaux domestiques et des humain·es avec lesquels la faune sauvage entre en contact (ex : vaccination des renards sauvages contre la rage en France). Jane Goodall : notamment mené une campagne de vaccination pour sauver une population de chimpanzés de la polio et a confié dans « In the shadow of Man » avoir été motivée par la compassion tout autant voire plus que par la conservation.
- Inciter les propriétaires de chats domestiques à garder leurs animaux en intérieur pour éviter qu’ils ne tuent et ne fassent souffrir les animaux sauvages qu’ils s’amusent à chasser[13] (1,2).
- Réguler la fertilité de certaines populations d’animaux sauvages via une contraception partielle, afin de réduire les problématiques de compétitions inter-individuelles et les cas de famine lorsque la population dépasse les ressources disponibles. C’est ce que fait déjà l’association Salt River Wild Horse Management Group concernant les populations de chevaux sauvages en Arizona dont ils promeuvent une gestion « humaine ».
- Protéger et favoriser la présence de certains animaux dont l’on pense qu’ils ont une qualité de vie plutôt bonne, et dont la présence réduit/empêche le développement d’animaux d’autres espèces dont on pense qu’ils ont une qualité de vie moins bonne. Par exemple, certains suspectent que protéger les grands herbivores comme les éléphants pourrait être bénéfique pour un ensemble de raisons. D’une part, leur qualité de vie sauvage semble plutôt bonne. D’autre part, en leur absence, la niche écologique qu’ils occupent serait utilisée par d’autres animaux comme les petits mammifères à stratégie de reproduction R, dont la qualité de vie est jugée moins bonne. De plus, en consommant certains végétaux, ils réduisent l’habitat et donc les populations de certains insectes à stratégie de reproduction R, dont la qualité de vie est elle aussi jugée plutôt mauvaise.
- Privilégier le développement des écosystèmes dans lesquels les animaux subissent moins de souffrances lorsqu’on est en position de favoriser un type d’écosystème par rapport à un autre, notamment dans le cadre de l’écologie de la restauration.[14]
- Modifier génétiquement les prédateurs pour que la manière dont ils mettent à mort leurs proies cause moins de souffrances, par exemple en modifiant la composition du venin des serpents pour qu’il ait un effet anesthésiant sur les proies.
- Modifier génétiquement autant d’individus sentients que possible, pour modifier leur neurologie de manière à ce que leur capacité à ressentir des états mentaux négatifs comme la douleur, la peur et la faim, soit éliminée ou fortement diminuée. La capacité à ressentir des états mentaux négatifs et positifs serait alors remplacée par la capacité à ressentir uniquement un continuum de différentes nuances d’états mentaux positifs. Les promoteurs et promotrices de cette idée (en particulier le philosophe David Pearce) soutiennent qu’un tel nuancier de ressentis positifs pourrait fonctionner sans perturber les comportements motivés nécessaires à la survie.
- S’opposer aux projets de réintroduction voire aux retours spontanés d’animaux prédateurs dans des espaces naturels afin d’éviter qu’ils ne sèment mort et souffrances en chassant des proies.
- Nourrir les prédateurs avec des aliments végétaux spécialement adaptés ou de la viande cultivée afin qu’ils n’aient plus besoin de tuer des proies sentientes.
- Modifier génétiquement les prédateurs carnivores pour en faire des herbivores et ainsi espérer réduire les souffrances et mises à mort liées à la prédation. C’est ce que propose le projet « Herbivorize predators », mettant en avant l’exemple du panda qui a spontanément évolué dans ce sens au cours de son histoire évolutive.
- Éradiquer un maximum de prédateurs en les tuant ou en les stérilisant afin qu’ils ne tuent plus leurs proies. Si certains rechignent trop à leur disparition totale, il suffirait d’en conserver une poignée dans des zoos spécialisés, où ils seraient nourris avec des aliments végétaux adaptés ou de la viande de culture.
- Éliminer tous les animaux sauvages qui seraient « net-negative », c’est-à-dire dont le cycle de vie normal en milieu naturel serait rempli de davantage de souffrances que de bien-être et dont la vie ne vaudrait donc « pas la peine d’être vécue ». En pratique, cette idée est principalement discutée concernant l’éradication des espèces à stratégie de reproduction R (c’est-à-dire produisant un très grand nombre de petits dont seule une infime proportion parvient à l’âge adulte) en les exterminant, les stérilisant ou en les modifiant génétiquement pour les transformer en espèces à stratégie K (c’est-à-dire les espèces qui produisent très peu de petits et en prennent soin longtemps afin qu’une forte proportion d’entre eux parvienne à l’âge adulte).
- Bétoniser un maximum de surfaces sauvages[15]afin que les animaux ne puissent plus y vivre et donc ne puissent plus y souffrir. Ainsi, Thomas Sittler-Adamczewski nous appelle-t-il à manifester notre solidarité et notre compassion « en soutenant la construction de grandes aires de stationnement, ou en effectuant des dons en faveur d’un lobby pro-déforestation ».
- Éviter que la vie sentiente ne puisse coloniser d’autres planètes et y propager la souffrance des animaux sauvages en cas d’exploration spatiale.
- Éradiquer toute vie sentiente à l’exception des humain·es.
- Éradiquer toute vie sentiente y compris les humain·es.[16]
Précisons également qu’il est faux de se représenter qu’en intervenant dans les écosystèmes, nous passerions d’un état de non-intervention à un état d’intervention. En effet, nous intervenons déjà massivement dans les écosystèmes, que ce soit en les exploitant, en les polluant, via l’agriculture et l’urbanisme ou via l’ingénierie écologique à diverses fins.
La représentation selon laquelle le RWAS serait une politique d’intervention tandis que la conservation de la biodiversité serait une politique de non-intervention est elle aussi simpliste. S’il est vrai qu’une part des écologistes, en particulier celles et ceux qui valorisent l’idée de « naturalité » / « wilderness », prône un certain retrait vis-à-vis des écosystèmes sauvages, une très grande partie des politiques conservationnistes sont elles aussi interventionnistes. C’est tout particulièrement le cas concernant la promotion d’une agriculture favorisant la biodiversité et donc fondée sur les polycultures, l’écologie de la restauration, la dépollution, le ré-ensauvagement, la reforestation, les réintroductions et translocations d’espèces, les renforcements de populations, la lutte contre les invasions biologiques et plus récemment avec l’évolution assistée (ex : modifier génétiquement les coraux pour les rendre résistants au réchauffement climatique et à l’acidification des océans), et les projets de désextinction (ex : ramener les mammouths à la vie).
4- Le raisonnement sous-jacent
Le raisonnement qui aboutit aux conclusions du RWAS est le plus souvent basé sur l’adhésion conjointe aux idées suivantes :
- L’antispécisme : le refus de considérer que l’espèce en soi (et non pas les caractéristiques – notamment psychologiques/cognitives – typiquement associées à l’appartenance à une espèce) est un critère de discrimination pertinent pour juger de la valeur morale des intérêts des individus.
- Le sentientisme : le fait de considérer que la sentience – la capacité à ressentir des états mentaux positifs ou négatifs – est le critère nécessaire et suffisant pour posséder des intérêts que la morale exige de prendre en compte.
- Le principe d’égalité : l’idée qu’il faut traiter de manière similaire les cas similaires, et en particulier, qu’il faut donner la même considération aux intérêts semblables des individus.
- L’utilitarisme : cette théorie morale repose elle-même sur trois idées
- Le conséquentialisme : l’idée selon laquelle le caractère moral ou immoral d’une action dépend exclusivement de ses conséquences sur l’état du monde (plutôt que du respect inconditionnel d’une règle morale abstraite).
- Le welfarisme : l’idée que le niveau de bien-être/bonheur collectif des individus sentients est le seul critère pertinent pour évaluer l’état du monde (le sens du mot « welfarisme » en philosophie morale est ici différent du sens plus commun désignant le mouvement visant l’amélioration des conditions d’exploitation des animaux sans remettre en question la légitimité de cette exploitation).
- Le maximalisme : l’idée que la morale exige non seulement d’avoir un impact positif sur le monde, mais aussi de maximiser cet impact positif.
Ainsi, l’utilitarisme pourrait se résumer en disant qu’une action est bonne si elle contribue à maximiser le bonheur collectif des individus sentients et qu’elle est mauvaise si elle le diminue.
- L’anti-naturalisme (1, 2) : l’idée que la « Nature » ne doit pas être prise comme guide pour décider de ce qui est moral ou immoral. Le refus de considérer que le « naturel » serait intrinsèquement bon et que l’artificiel serait intrinsèquement mauvais. L’idée que l’opposition entre « Nature » et « Culture » est insatisfaisante et socialement construite. L’idée qu’il n’existe pas de « lois de la nature » différentes des lois de la physique et que les notions d’« ordre naturel » et de « contre-nature » ne sont pas des vérités immuables mais en réalité des constructions sociales prescriptives, souvent utilisées pour légitimer idéologiquement diverses oppressions sociales (spécisme, sexisme, LGBT+phobies etc.).
Ainsi, si l’on cherche à maximiser le bonheur collectif et à minimiser les souffrances de tous les êtres sentients, si l’on place les intérêts semblables de tous les êtres sentients à égalité, si l’on admet que les animaux sauvages souffrent et que l’essentiel de leur souffrance est d’origine naturelle, si l’on réfute l’idée de Nature et d’ordre naturel, si l’on pense que la biodiversité n’a pas de valeur intrinsèque car seuls comptent le bien-être et la réduction des souffrances, alors on peut en déduire un devoir d’assistance envers les animaux sauvages libres afin de réduire leurs souffrances – y compris celles d’origine naturelle – et améliorer leur bien-être. Quitte à détruire une grande partie de la biodiversité et rompre avec le fonctionnement « naturel » des écosystèmes.
Il est possible d’aboutir à cette conclusion en s’appuyant sur d’autres systèmes éthiques en philosophie, tels que l’éthique de la vertu[17] ou l’éthique du care[18]. Cependant, les raisonnements pro-RWAS basés sur ces visions me paraissent moins aboutis, et dans mon expérience, la quasi-totalité des promoteurs et promotrices du RWAS se basent sur un raisonnement utilitariste antispéciste.
L’éthique des droits –- telle que développée par Tom Reagan – qui est l’autre courant principal de l’éthique animale avec l’utilitarisme antispéciste de Peter Singer, est davantage centrée sur l’idée du principe de non-nuisance. Ainsi, si l’éthique reaganienne des droits des animaux s’oppose fermement à des pratiques comme la chasse et la pêche, elle est cependant assez peu (voire pas du tout) tournée vers l’idée d’une obligation de réduction des souffrances d’origine naturelle que subissent les animaux sauvages. Réduire ce type de souffrances serait au mieux vu comme surérogatoire (c’est-à-dire bon, mais moralement « optionnel » et non comme une obligation morale forte) et au pire comme indésirable. Tom Reagan s’est d’ailleurs prononcé explicitement contre certaines des idées RWAS, en particulier concernant l’interventionnisme vis-à-vis de la prédation des animaux non humains entre eux dans la préface des dernières rééditions de The Case for Animal Rights.
La position de Tom Reagan s’explique en partie par le fait qu’il considère que seules les décisions prises par des agents moraux et aboutissant à la spoliation illégitime des intérêts des êtres sentients constituent des « violations de droit ». La spoliation des intérêts des animaux sentients sauvages par des phénomènes naturels ne constituerait pas selon lui une violation de leurs droits, car cela n’est pas le fruit de la décision d’un agent moral. Et contrairement aux éthicien·nes conséquentialistes, Reagan – en tant que déontologiste – considère que l’omission (ici l’inaction des humain·es face aux souffrances d’origine naturelle des animaux sauvages) n’est pas moralement équivalente à l’action proactive (ex : le fait de tuer directement des animaux sans raison légitime).
Pour autant, ces dernières années, certaines voix déontologistes (1) se sont prononcées en faveur des idées RWAS en se basant sur des versions alternatives de la théorie des droits. Contrairement à Tom Reagan, leurs approches considèrent que la spoliation des intérêts d’un individu ne doit pas obligatoirement découler de la décision d’un agent moral pour constituer une violation de ses droits. D’autre part, il est possible de faire valoir qu’en plus des droits négatifs (ex : le droit de ne pas être tué sans nécessité), les animaux non-humains sauvages disposeraient de droits positifs (ex : le droit à vivre dans un environnement sûr en étant protégé des dangers autant que possible). Ces droits positifs seraient alors des droits-créance, c’est-à-dire des droits dont l’accomplissement effectif incombe à un agent moral désigné, comme l’État ou l’humanité au sens large.
Pour comprendre entièrement le raisonnement sous-jacent de certaines des propositions les plus jusqu’au-boutistes énoncées par une partie des partisan·es du RWAS, il faut également mentionner l’utilitarisme négatif[19]. Il existe une grande diversité de variantes de la morale utilitariste. L’utilitarisme négatif est l’une d’entre elles. L’idée centrale de cette variante, est de dire que la souffrance et le bien-être n’ont pas la même valeur morale : la réduction des souffrances serait largement prioritaire par rapport à la promotion du bien-être. Certain·es vont jusqu’à dire que seule compte la réduction des souffrances et que le bien-être n’aurait que très peu voire pas du tout de valeur.
L’utilitarisme négatif permet d’éviter certaines conclusions répugnantes de l’utilitarisme classique. Par exemple, l’utilitarisme classique pourrait théoriquement justifier la réduction en esclavage sexuel d’une personne si cette action permet d’augmenter la somme du bonheur collectif en procurant du plaisir aux milliers de personnes qui la violeront au prix des souffrances d’une seule et unique victime. L’utilitarisme négatif jugerait immoral un tel procédé, non pas en se basant sur l’idée qu’il s’agit d’une violation des droits humains, mais en disant que la souffrance ayant un poids moral plus lourd que le plaisir et le bien-être, le plaisir de milliers de personnes ne justifie pas de causer des souffrances, même à une seule personne.
Cependant, s’il permet de sortir de certaines conclusions répugnantes de l’utilitarisme classique, l’utilitarisme négatif amène aussi son lot de conclusions dérangeantes. Ainsi, si l’on accorde beaucoup plus de poids aux souffrances qu’aux expériences de vie agréables, le point de bascule à partir duquel on considère qu’une vie contient tellement de souffrances qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue s’abaisse considérablement. Cela mène aux propositions d’élimination (que ce soit par mise à mort ou en empêchant des naissances) d’une grande partie des animaux sauvages « pour leur bien ». Si l’on pousse le raisonnement jusqu’à dire que la réduction des souffrances est le seul et unique objectif, on aboutit aux propositions d’éradication de toute vie sentiente. Le fait que le mouvement RWAS comprend dans son intitulé même cette notion de réduction des souffrances, plutôt que la notion d’assistance, montre bien l’empreinte qu’a exercée l’utilitarisme négatif dans son développement. Ce n’est que très récemment que l’élargissement du mouvement a mené à l’émergence du nouvel acronyme « WAW » pour « Wild Animal Welfare », moins imprégné des idées de l’utilitarisme négatif.
5- La maturation d’une idée
La pensée RWAS a considérablement évolué – voire maturé – au cours des dernières décennies. On peut de manière très grossière distinguer deux tendances, que j’appellerais ici le « RWAS ancienne école » et le « WAW nouvelle école ».
Le « RWAS ancienne école » était quasi exclusivement le fait de penseur·ses et philosophes. Il s’agissait essentiellement d’un discours théorique fondé sur des expériences de pensée abstraites, dépourvu de propositions concrètes tenant compte des contraintes du monde réel. Le problème de la prédation – tout particulièrement en France – occupait une place centrale dans le discours. Les aspects techniques des projets d’intervention étaient très peu discutés. Si les incertitudes empiriques relatives aux effets indirects en cascade au sein des écosystèmes n’étaient pas complètement ignorées, elles étaient du moins très peu considérées. L’opposition frontale à l’écologisme constituait un aspect central du discours. L’attitude était aussi marquée par un aspect jusqu’au-boutiste, certain·es passant une énergie considérable à argumenter en faveur des interventions les plus dissensuelles telles que la bétonisation des espaces sauvages voire l’élimination de toute vie sentiente.
À tort ou à raison, l’attitude générale de ce discours « RWAS ancienne école » a eu chez moi un énorme effet repoussoir lors de ma découverte initiale de cette pensée. Le peu de considération pour les incertitudes empiriques m’a donné le sentiment d’une surconfiance arrogante et imprudente de la part des partisan·es du RWAS. L’absence de proposition concrète réaliste à court et moyen terme m’a donné le sentiment que les motivations des promoteurs et promotrices du RWAS relevaient surtout du plaisir trouvé dans l’exercice intellectuel académique. Et non d’une réelle empathie pour le sort des animaux sauvages, ni d’une réelle volonté de leur venir en aide. Je ne percevais aucunement dans ce discours la petite flamme que j’avais pu voir concrètement chez les personnes travaillant réellement dans des centres de soin à la faune sauvage. Cette impression a été renforcée chez moi par l’importance donnée aux propositions jusqu’au-boutistes et au clash des écologistes. Tout cela me donnait le sentiment qu’une part de ces théoricien·nes trouvent leur motivation essentiellement dans un certain plaisir à se positionner dans une posture d’avant-garde volontairement provocatrice.
Ces affects relèvent avant tout de réactions émotionnelles intuitives et de procès d’intention potentiellement infondés, plutôt que d’une analyse honnête des arguments. Mentionner ces sentiments me paraît toutefois pertinent pour inciter à ce que les personnes qui s’intéressent au sujet tiennent davantage compte des aspects émotionnels de ce débat.
Le « WAW nouvelle école » est une approche plus récente, pour l’instant essentiellement présente dans les pays anglophones, au sein de la communauté Altruisme Efficace. Par rapport au « RWAS ancienne école », le « WAW nouvelle école » n’est pas que porté par des philosophes, mais aussi par des scientifiques (notamment biologistes écologues). Les incertitudes empiriques liées à la complexité des écosystèmes et les difficultés techniques sont pleinement reconnues. La gestion prudente de ces incertitudes occupe une place centrale dans le discours, avec notamment une réflexion sur la réversibilité des interventions. Comme le dit Persis Eskander, spécialiste du sujet active au sein du mouvement Altruisme Efficace (notamment à Animal Charity Evaluators et à l’Open Philanthropy Project, et en tant qu’ancienne directrice de Wild Animal Suffering Research – l’ancêtre de Wild Animal Initiative) : « Il est vrai que nous ne pouvons pas être certain·es, à l’heure actuelle, du fait que nos interventions seraient en mesure de générer sur le long terme des effets positifs ; c’est précisément pour cela qu’aucune des organisations travaillant sur cette question ne recommande actuellement d’interventions. […] Nous faisons face à d’énormes incertitudes et […] il serait imprudent d’agir sous ces conditions ».
Le « WAW nouvelle école » prône une approche beaucoup plus pragmatique, réfléchissant à des projets concrets d’interventions réalistes, tout en soulignant leurs limites et les risques à prendre en compte. Le discours se focalise sur les projets d’intervention davantage consensuels et laisse de côté les discours jusqu’au-boutistes. Si la prédation est encore mentionnée, il ne s’agit pas du cœur du discours. Le « WAW nouvelle école » semble également davantage soucieux de son image. Plutôt que la mise en scène grandiloquente d’un duel idéologique entre sentientistes et écologistes, il prône une collaboration pragmatique et constructive avec les acteurs de la conservation de la biodiversité. Il ne s’agit pas de nier les divergences théoriques, mais plutôt de se concentrer sur les points de convergence, et d’apprendre de l’expertise des conservationnistes quant aux interventions au sein des écosystèmes.
Par ailleurs, le « WAW nouvelle école » s’inscrit dans l’approche dite « long-termiste » de l’Altruisme Efficace. Cette approche met en avant que la quasi-totalité des êtres sentients qui existeront dans l’univers ne sont pas encore nés et que leurs intérêts auraient le même poids moral que les êtres sentients du présent. Pour cette raison, l’approche long-termiste insiste sur la nécessité de réfléchir aux conséquences de nos actions en prenant en compte le futur très lointain (plusieurs siècles / millénaires), malgré les difficultés soulevées par la prédiction sur de telles échelles de temps. Dans cette perspective, le réel enjeu ne concerne pas les animaux vivants aujourd’hui mais ceux qui ne sont pas encore nés. Ainsi, beaucoup des promoteurs et promotrices du « WAW nouvelle école » perçoivent leur action présente comme les balbutiements du projet WAW. Ils et elles acceptent volontiers l’idée qu’il faudra a minima plusieurs décennies voire plusieurs siècles (ou millénaires ?) de recherche scientifique pour développer des connaissances et technologies suffisantes – ainsi que pour susciter une volonté politique forte – pour une mise en œuvre efficace et réfléchie d’interventions ambitieuses.
L’approche « WAW nouvelle école » est principalement portée par trois organisations : Wild Animal Initiative, Animal Ethics et Rethink Priorities. Le développement concret de la biologie du bien-être à court et moyen terme est devenu leur priorité numéro 1. Les activités de Wild Animal Initiative tournent ainsi autour de trois axes. Le premier est le financement de projets de recherche scientifique d’intérêt pour le développement de la biologie du bien-être. Par exemple, en partenariat avec des laboratoires et universités établis, WAI a récemment financé des projets de recherche visant à développer des méthodes d’évaluation de la santé des insectes sauvages et du niveau de stress d’animaux sauvages juvéniles (amphibiens, mésanges bleues), mieux comprendre les impacts de l’agriculture végétale sur les expériences de vie des lépidoptères (papillons), évaluer les effets de la dégradation de l’habitat des morues d’eau douce sur leur bien-être, et suivre le devenir et le bien-être des oiseaux soignés par les centres de soin à la faune sauvage une fois qu’ils ont été relâchés. Le deuxième axe est l’accompagnement des scientifiques et personnes désireuses de s’engager dans la recherche en « biologie du bien-être » en favorisant le développement d’un réseau professionnel, en prodiguant des conseils de carrière ou sur la recherche de financement, et en favorisant les projets collaboratifs. Et le troisième axe est la réalisation de rapports de recherche davantage « méta » pour identifier différentes pistes prometteuses d’interventions et de domaines de recherche qui mériteraient d’être explorés, et réfléchir aux questions stratégiques.
La catégorisation entre « RWAS ancienne école » et « WAW nouvelle école » est en partie caricaturale. La réalité est plus complexe. Il ne s’agit pas vraiment d’une distinction claire et explicite entre deux écoles de pensée distinctes et chronologiquement successives. D’une part ces deux types de discours cohabitent actuellement, même si l’attitude « WAW nouvelle école » est plus récente. D’autre part, il n’y a pas de rupture claire et nette entre ces deux discours. Le « WAW nouvelle école » est plutôt à mon sens une version plus mûre et davantage pragmatique des idées RWAS, mais ne constitue pas foncièrement une idéologie différente. La catégorisation que je propose est avant tout une manière de montrer que le discours sur l’assistance aux animaux sauvages n’est pas un bloc homogène et qu’il est en évolution.
La transition en cours vers le « WAW nouvelle école » est pour moi la preuve que l’on a affaire à un mouvement social naissant, constitué en large partie par des personnes sincères dans leur engagement, sérieuses, informées et rationnelles. J’invite donc les personnes qui, comme moi, ont été émotionnellement très repoussées par le discours « RWAS ancienne école » à dépasser l’envie (à laquelle je succombe parfois) de se contenter de voir le RWAS comme une bizarrerie académique inintéressante voire ridicule, qui ne vaudrait même pas la peine de la discussion. Demandez-vous plutôt quelles sont les raisons précises de vos éventuels désaccords, en évitant les caricatures autant que possible. Qu’on y adhère ou pas, il s’agit bien d’un raisonnement construit, posant des questions d’éthiques majeures qui valent la peine d’être débattues sérieusement, argument contre argument.
NB : Par souci de concision, l’acronyme RWAS sera utilisé pour désigner de manière générique le RWAS et le WAW dans la suite de cet essai.
À venir:
L’assistance aux animaux sauvages : naviguer dans le doute et les incertitudes
L’assistance aux animaux sauvages : plaidoyer pour l’humilité intellectuelle et le pluralisme
Notes et références
↑1 | empirique = relatif à l’expérience et aux données observées. |
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↑2 | épistémique = relatif à la connaissance |
↑3 | normatif = relatif à la morale. Le normatif, aussi appelé prescriptif, renvoie au domaine des valeurs (ce que l’on devrait faire, comment les choses devraient être etc.). Il s’oppose au descriptif, qui renvoie, lui, au domaine des faits et non des valeurs. |
↑4 | pluraliste = qui intègre simultanément plusieurs systèmes de valeurs différents |
↑5 | déontologisme = approche qui considère que l’éthique relève de la conformité des actions avec certaines règles morales abstraites inflexibles (indépendamment des conséquences des actions) |
↑6 | conséquentialisme = approche qui considère que la moralité des actions doit être jugée exclusivement en fonction de leurs conséquences sur certains critères donnés, plutôt qu’en fonction de leur adéquation avec une règle morale abstraite. |
↑7 | L’altruisme efficace est un mouvement social et une philosophie cherchant à répondre à la question « Comment avoir le plus grand impact positif sur le monde ? ». L’altruisme efficace propose d’adopter une démarche analytique, basée sur la rationalité, la méthodologie scientifique, et l’esprit critique dans les projets altruistes. Il prône en particulier une démarche d’allocation optimale et rationalisée des ressources afin de maximiser l’efficacité dans l’altruisme. L’altruisme efficace adopte plutôt une vision philosophique conséquentialiste et est proche de la morale utilitariste. Une part conséquente du mouvement s’intéresse à la condition animale. Cette conférence d’Axelle Playoust-Braure propose une très bonne introduction aux apports de l’altruisme efficace au mouvement animaliste. |
↑8 | Cette hypothèse est remise en cause par des figures majeures et respectées du courant RWAS. Je ferais ainsi remarquer que Yew Kwang-Ng, père de cette hypothèse, est revenu sur cette thèse en 2019 et se déclare aujourd’hui agnostique sur le sujet, que Brian Tomasik a modéré ses propos sur cette hypothèse depuis 2016 reconnaissant la complexité et surtout la subjectivité des questions de quantification des plaisirs et souffrances, qu’Ozzy Brennan de Wild Animal Initiative, et Persis Eskander, ancienne directrice de Wild Animal Suffering Research se déclarent agnostiques sur ce sujet, et que Kieran Greg d’Animal Charity Evaluators dit « se tenir à l’écart » de cette idée. |
↑9 | zoonose = maladie transmissible entre animaux non humains et humain·es |
↑10 | épizootie = épidémie qui se répand chez une population d’animaux non humains |
↑11 | L’opposition à la chasse (et plus récemment à la pêche) relevant du cadre de pensée plus traditionnel du mouvement animaliste, je ne l’aborderai pas dans la liste que je propose ci-dessous, mais elle pourrait également trouver une place dans le cadre de pensée RWAS. |
↑12 | Le terme semble avoir été construit initialement pour faire un parallèle avec la biologie de la conservation. À titre personnel, dans la mesure où les sciences du bien-être animal centrées sur les animaux captifs existent déjà et reposent pour l’essentiel sur des disciplines issues de la biologie, je n’apprécie pas l’appellation « biologie du bien-être » pour désigner spécifiquement le nouveau champ de recherche concernant l’étude du bien-être des animaux sauvages en liberté. En effet, cette appellation donne l’impression qu’il s’agit d’une nouvelle discipline alors qu’à mon sens la « biologie du bien-être » existe déjà depuis les années 1960s avec l’essor de l’étude scientifique du bien-être des animaux captifs. Je suggère de remplacer l’appellation « biologie du bien-être » par « écologie du bien-être » qui évite de faire comme si la biologie du bien-être n’existait pas déjà. |
↑13 | À noter que les acteurs·trices du mouvement RWAS ayant travaillé sur cette intervention sont aujourd’hui plus incertain·es sur celle-ci du fait de l’impossibilité actuelle de prendre en compte les effets indirects dus aux cascades trophiques |
↑14 | Selon la Société pour l’Écologie de la Restauration, celle-ci se définit comme la pratique consistant à « initier ou accélérer le rétablissement d’un écosystème en termes de santé, d’intégrité et de durabilité » |
↑15 | Pour l’anecdote, certain·es militant·es appellent ironiquement cette option «l’aéroport Rwassy-Charles-de-Gaulles » |
↑16 | Cette « solution » est ironiquement parfois appelée la solution du « bouton rouge », en imaginant une sorte de bouton magique qui permettrait de tout annihiler si l’on appuyait dessus. |
↑17 | L’éthique de la vertu est une approche de la morale qui propose de réfléchir au bien et au mal en se demandant ce que ferait une personne vertueuse (c’est-à-dire ayant telle ou telle qualité comme le courage ou la gentillesse, etc.) dans telle ou telle situation. |
↑18 | L’éthique du care est une approche de la morale centrée sur l’idée de “prendre soin des autres” et en particulier des individus vulnérables, en s’inspirant notamment des relations de soin entre parent et enfant. |
↑19 | En plus de l’utilitarisme négatif, certain·es partisan·es du RWAS sont proches d’une autre doctrine philosophique appelée prioritarisme. Cette éthique est proche de l’éthique utilitariste en ceci qu’il s’agit d’une forme de conséquentialisme agrégatif centrée sur le bien-être et la souffrance, mais qui contrairement à l’utilitarisme se centre très prioritairement sur la situation des individus les plus mal lotis. |