Share This Article
La première partie de ce texte, « L’idéologie du “tout social” nuit aux humains et aux animaux », est à retrouver ici.
Bien que les gens soient horrifiés par les conditions d’abattage et réprouvent l’élevage industriel, voire l’élevage tout court, ils en consomment les produits. Cette dissonance cognitive, ce « paradoxe de la viande » a fait l’objet de plusieurs publications [1].
Les animalistes s’intéressent donc à la psychologie, notamment aux biais cognitifs, ainsi qu’à la philosophie morale, mais peu à la psychologie morale [2]. Ils argumentent que les animaux comptent moralement et que le traitement que nous leur réservons n’est pas acceptable. Or, rares sont les gens qui agissent selon les principes d’une philosophie morale cohérente ; la plupart se fient à leurs intuitions. Savoir comment fonctionnent nos intuitions et celles de nos interlocuteurs permettrait d’engager un dialogue plus constructif.
De la même façon, les animalistes s’intéressent peu à la psychologie politique. Ils tiennent leurs intuitions politiques, généralement à gauche, pour des évidences, et ne s’intéressent aux gens de droite que pour affirmer que leurs valeurs sont rétrogrades. Or, la question animale a vocation à concerner tout le monde, pas seulement la gauche.
En étudiant la psychologie morale et politique, nous mettrons en lumière les partis pris idéologiques que l’on retrouve fréquemment chez les animalistes et esquisserons ce que pourrait être un discours animaliste mieux adapté à la façon dont le plus grand nombre aborde les questions éthiques.
Nos intuitions morales et politiques
L’orientation politique
L’orientation politique n’est pas l’adhésion à un parti politique particulier ou à un programme particulier. Il s’agit de notre positionnement sur certains grands axes politiques : gauche/droite, progressisme/conservatisme, interventionnisme/libéralisme.
Les gènes jouent un rôle important dans l’orientation politique. Quand on étudie les enfants, on distingue les influences des gènes, de l’environnement partagé (par l’ensemble de la fratrie), autrement dit l’influence des parents, et l’environnement non partagé, autrement dit la socialisation hors de la famille. L’environnement partagé joue un rôle minime dans l’orientation politique des enfants : il explique 10 % des différences entre les individus. Les gènes pèsent bien davantage (environ 50 %). Si les enfants ont tendanciellement des opinions politiques similaires à celles de leurs parents, c’est surtout parce qu’ils ont des gènes en commun avec eux. Il n’y a évidemment pas un gène du progressisme et un gène du conservatisme, mais certains traits de personnalité qui ont une origine génétique sont corrélés à l’orientation politique. C’est le cas de quatre des cinq traits centraux que l’on a coutume d’appeler les « Big five » [3].
Les deux traits les plus corrélés à l’orientation politique sont l’ouverture d’esprit et la conscienciosité. Aucun trait n’est bon en soi, chacun a des avantages et des inconvénients, d’où la variabilité des personnalités. Tout groupe social a besoin de personnes ouvertes d’esprit et de personnes consciencieuses : un excès de l’un entraînerait le chaos ; un excès de l’autre, l’immobilisme, la sclérose.
La morale ne se fonde pas que sur le bien-être et la justice
Pour comprendre la morale humaine dans sa diversité, l’anthropologue Richard Shweder, l’un des pionniers de la psychologie culturelle, a distingué trois conceptions de l’éthique sur lesquelles s’appuient les humains : l’éthique de l’autonomie, l’éthique de la communauté et l’éthique de la divinité.
L’éthique de l’autonomie est centrée sur les individus. Elle voit les individus comme autonomes, dotés de préférences, de besoins et de désirs. Les gens doivent pouvoir satisfaire leurs préférences librement tant qu’ils n’entravent pas la liberté des autres. Cette conception de l’éthique a pour valeurs fondamentales les droits individuels, la liberté et la justice. Elle domine dans les sociétés individualistes. Parmi les éthiciens de l’autonomie, on trouve des figures de la philosophie occidentale comme Kant et Bentham, qui ont fondé respectivement le déontologisme et l’utilitarisme.
L’éthique de la communauté est centrée sur le rattachement des individus à des communautés : famille, entreprise, tribu, nation. Ces entités ont de l’importance et doivent être préservées, car elles sont plus que la somme des individus qui les composent. Les gens ont des obligations envers leurs communautés. Dans cette conception, l’éthique a pour valeurs fondamentales les devoirs, la hiérarchie, le respect, la réputation, la loyauté (comme le patriotisme). Tandis que l’éthique de l’autonomie se fonde sur une approche atomiste (centrée sur les individus), l’éthique de la communauté se fonde sur une approche holiste (centrée sur les relations entre individus). Elle perçoit l’éthique occidentale de l’autonomie comme égoïste, comme le ferment du délitement social. Confucius est un parfait exemple d’éthicien de la communauté.
L’éthique de la divinité conçoit les humains comme les véhicules provisoires d’une âme. Elle se fonde sur l’idée que le corps est un temple, pas un terrain de jeu, et promeut la tempérance, l’élévation spirituelle. Ses notions fondamentales sont le sacré, le péché, la pureté, la pollution, l’élévation et la dégradation. Elle perçoit les sociétés occidentales comme poussant au vice, aux bas instincts. Les éthiciens de la divinité sont pour la plupart religieux. Mais on retrouve chez des philosophes matérialistes comme Épicure des propositions qui en sont issues : Épicure recommande une forme de tempérance, la sobriété et les plaisirs simples, l’évitement des désirs vains qui conduisent à la frustration.
La majorité des humains s’appuient sur ces trois éthiques, dans des proportions variables. On appelle WEIRD les individus « Western, educated, industrialized, rich and democratic », qui correspondent grosso modo à 10-15 % de la population mondiale. Ils ont la particularité de se fonder presque exclusivement sur l’éthique de l’autonomie. Le terme fut forgé pour alerter sur de possibles biais dans les études de psychologie, qui recrutent très majoritairement des étudiants WEIRD, non représentatifs de l’humain typique, ni même de l’Occidental typique, de sorte que bien des études sur la morale portent en réalité sur la morale WEIRD.
Ces différences ne se limitent pas à la morale : les WEIRD voient le monde comme composé d’objets séparés plutôt que de relations. Ainsi, ils sont davantage susceptibles de se décrire par des caractéristiques psychologiques individuelles (« je suis en bonne santé, fan de musique classique, intéressée par la biologie, etc. »), tandis que les Asiatiques ont davantage tendance à énoncer des caractéristiques relationnelles : je suis un fils, une épouse, un employé de Toyota.
Cette différence d’intérêt, pour les individus ou pour les relations, dépasse largement le champ de l’éthique. Lors d’une tâche de perception visuelle, on a présenté à des participants occidentaux et asiatiques un carré contenant une ligne, puis un carré de taille différente sans ligne. On a ensuite demandé aux sujets de reproduire la ligne soit de même taille que la précédente, soit de même proportion (donc d’adapter la taille de la ligne aux nouvelles dimensions du carré). Les sujets occidentaux ont été plus performants que les sujets asiatiques dans la première tâche et inversement dans la seconde, ce qui montre qu’en moyenne, les Occidentaux mémorisent mieux la taille absolue d’un trait, et les Asiatiques la taille relative d’un trait [4].
La morale intuitive
La psychologie morale montre que nous nous reposons beaucoup plus souvent sur nos intuitions que sur des raisonnements. Comme le dit Jonathan Haidt, les intuitions nous viennent en premier, et la réflexion qui suit vise le plus souvent à les valider.
Il arrive toutefois que la réflexion morale se substitue aux intuitions. C’est ce que Joshua Greene appelle le « mode manuel » de la cognition morale par opposition au « mode automatique » intuitif [5]. Nous avons en effet deux modes de pensée décrits par Daniel Kahneman : le système 1, automatique, intuitif, peu gourmand en énergie, très rapide mais peu flexible ; et le système 2, réflexif, conscient, grand consommateur de glucose et lent, mais flexible. En règle générale, le système 2 prend la main quand le système 1 est pris en défaut. On pense d’ailleurs que la conscience a évolué parce qu’elle apporte aux animaux une flexibilité de raisonnement que ne permet pas le mode automatique [6]. Greene a montré que les intuitions morales sont plutôt déontologistes, alors que le mode réflexif est plutôt conséquentialiste. Pour rappel, le déontologisme se centre sur la moralité de l’action, peu importent les conséquences, tandis que le conséquentialisme, comme son nom l’indique, se centre sur le résultat de l’action. Un déontologiste dira qu’il est mal de tuer un innocent pour sauver cinq personnes car tuer est mal. En revanche, un conséquentialiste dira que la mort d’une personne est une moins mauvaise conséquence que la mort de cinq personnes, si bien qu’il faut tuer l’innocent. Grâce à l’imagerie cérébrale, on a pu constater que ceux qui donnent des réponses conséquentialistes aux dilemmes moraux ont les mêmes intuitions déontologistes que ceux qui fournissent des réponses déontologistes, mais qu’ils donnent la réponse de leur raison plutôt que celle de leur intuition.
Inspirés par les travaux de Shweder, Haidt et son équipe ont forgé le modèle des six fondations morales, et ont montré que progressistes et conservateurs n’accordent pas le même poids à chacune d’entre elles [7].
– Fondation soin (care). Il s’agit de prendre soin d’autrui, de s’opposer aux torts faits à autrui. Cette fondation a évolué à partir de l’altruisme de parentèle, le soin aux petits. Ce module cognitif est moins sensible au bonheur qu’à la souffrance, ce qui pourrait expliquer l’existence d’utilitaristes dits négatifs (qui accordent plus d’importance à réduire la souffrance qu’à augmenter le bonheur) mais pas d’utilitaristes « positifs » (qui accorderaient plus d’importance à augmenter le bonheur qu’à diminuer la souffrance).
– Fondation justice (fairness). Cette fondation repose sur une conception proportionnelle de la justice : récompenser les efforts et punir les profiteurs. Elle a évolué à partir de l’altruisme réciproque car elle favorise la coopération. Prenons le jeu coopératif suivant. On donne aux participants une somme de départ, avant de leur offrir la possibilité de mettre de l’argent dans un pot commun. La somme sera doublée et partagée entre tous les participants. La stratégie optimale d’un point de vue collectif est de mettre tout l’argent dans le pot commun. Sauf qu’on peut « tricher » : ne rien mettre au pot commun et bénéficier de l’argent du pot commun plus notre somme de départ. Dans la version de base, quand les tricheurs commencent à tricher, la coopération s’étiole puis disparaît. Mais quand on offre la possibilité aux joueurs de payer pour retirer de l’argent aux tricheurs, la plupart le font, avec enthousiasme : ils sont ravis de punir les tricheurs. C’est alors que la coopération crève le plafond.
Il peut sembler que la gauche se fonde plutôt sur une conception égalitaire de la justice et la droite sur une conception proportionnelle, mais selon Haidt, tout le monde se fonde en fait sur une justice proportionnelle : les gens de gauche prônent une justice égalitaire dans les cas particuliers où ils estiment que les gens méritent la même chose.
– Fondation liberté. Elle consiste à s’opposer à l’oppression. Elle a évolué car elle permet de détecter les abus de pouvoir dans le groupe social (les mâles alpha tyranniques, par exemple). Notre intuition n’est pas contre les dominants, elle est contre les dominants qui abusent de leur pouvoir au lieu de s’acquitter de leurs obligations.
Quand on détecte un oppresseur, nos pulsions rétributives (issues de la fondation justice) sont exacerbées, et notre fondation soin s’éteint. La devise de cette fondation pourrait être la phrase de Brutus « Sic semper evello mortem Tyrannis » (« C’est toujours ainsi que la mort vient aux tyrans »). C’est pourquoi les gens qui combattent ce qu’ils perçoivent comme une oppression, que ce soient les révolutionnaires ou les militants d’extrême gauche vent debout contre les oppressions systémiques, font souvent preuve d’une grande violence envers les groupes perçus comme « dominants ». On voit ainsi des « antifa », par ailleurs choqués par les conditions de vie dans les prisons et par la violence policière et opposés en théorie aux régimes répressifs, appeler au harcèlement, à la dénonciation, au tabassage, à la condamnation judiciaire (pour des « propos » litigieux), voire à l’élimination physique (« mort aux fachos ») de leurs opposants politiques.
– Fondation loyauté. Cette fondation consiste à valoriser la loyauté à son groupe, sa tribu, sa nation, et à punir la trahison ; admirer les personnes loyales et haïr les traîtres. Elle a pour cause évolutionnaire la compétition entre groupes. Les groupes qui comportent des individus loyaux sont plus efficaces que les autres dans cette compétition.
La gauche étant davantage universaliste, elle est mal à l’aise avec cette fondation. Il n’en demeure pas moins que tous les humains sont tribalistes, y compris les gens de gauche. Nous adorons faire partie de groupes et préférons le nôtre aux autres.
Il est regrettable que les humains soient si tribalistes, et il est souhaitable d’étendre autant que faire se peut le cercle de la considération morale, mais une politique réaliste doit tenir compte de cette réalité. Beaucoup de problèmes, comme les dysfonctionnements de l’Union européenne ou le développement du communautarisme, viennent à mon avis d’une sous-estimation du tribalisme des humains.
– Fondation autorité. Cette fondation consiste à respecter l’autorité légitime et combattre la subversion. Elle a évolué car elle assure la cohésion et l’efficacité à l’intérieur du groupe. Elle nous permet de comprendre les relations hiérarchiques et de les respecter. Pour la gauche, autorité = pouvoir = domination = exploitation = mal. En fait, les individus en position d’autorité apportent au groupe. Chez les chimpanzés, ils aident à résoudre les conflits, dissuadent les comportements violents. Bref, ils assurent l’ordre et la justice au sein du groupe social. Dans un système hiérarchique, chaque droit a pour contrepartie un devoir ; il y a des obligations réciproques entre supérieurs et subordonnés.
Les progressistes sont très sensibles aux inégalités que produisent les hiérarchies, les conservateurs à l’anomie qu’engendre l’étiolement des systèmes hiérarchiques. Émile Durkheim forgea le mot anomie pour désigner les situations sociales où les normes, règles de bonne conduite, moyens de contrôle traditionnels, s’étiolent. Il en résulte un état de désordre, voire de chaos social, qui entraîne notamment une hausse du taux de suicide.
La hiérarchie est encodée dans le cerveau de tous les animaux sociaux, y compris les invertébrés comme les insectes et les crustacés. Elle permet de gérer les différences interindividuelles : si un animal est plus fort qu’un autre, il est préférable qu’il soit son supérieur hiérarchique avec une obligation de le protéger, plutôt qu’un oppresseur indifférent à son sort. D’autre part, il paraît impossible de faire fonctionner sans hiérarchie des groupes sociaux complexes, fondés sur la spécialisation des tâches et comportant un grand nombre d’individus ne se connaissant pas personnellement. Or, de tous les groupes sociaux qui existent dans le règne animal, la société humaine est de loin la plus complexe et la plus nombreuse.
L’opposition à la hiérarchie me semble donc futile. La gauche (comme la droite d’ailleurs) devrait défendre une hiérarchie fondée sur des critères pertinents (comme la compétence, la motivation, la bienveillance) et critiquer les mauvais critères (comme le népotisme et autre copinage, la naissance, la noblesse et l’usage de la force).
– Fondation pureté/sacré. Il s’agit de l’aversion pour les choses, aliments et comportements dégoûtants. Cette fondation a pour base évolutionnaire notre système de détection des aliments toxiques. Elle est en quelque sorte notre « système immunitaire cognitif », qui nous permet d’éviter les aliments dangereux, les pathogènes, les parasites et les comportements à risque (l’intuition la plus connue issue de cette fondation est ce qu’on appelle le tabou de l’inceste).
Les entités, objets et lieux sacrés permettent de souder les groupes sociaux. Il peut s’agir notamment d’une religion, mais aussi de valeurs (comme la liberté, l’égalité et la fraternité), d’entités juridiques (comme la Constitution américaine ou la Déclaration universelle des droits de l’homme), d’institutions (comme la monarchie britannique), d’événements ou de lieux historiques, d’œuvres d’art.
La fondation pureté/sacré est la plus flexible des fondations morales. De fait, on trouve une très grande variété de normes, tabous, et entités sacrées.
Le clivage politique
Plus on est progressiste, plus on s’appuie sur les trois premières fondations ; plus on est conservateur, plus on s’appuie également sur les six.
Le modèle des fondations morales est actuellement dominant en psychologie morale, mais il existe des modèles concurrents [8]. Cela dit, il est robuste : on retrouve ce clivage dans tous les pays étudiés, et il persiste quelle que soit la façon dont on pose les questions. Ainsi, les progressistes préfèrent les chiens gentils et attentionnés, qui considèrent les humains comme leurs amis et égaux, tandis que les conservateurs préfèrent les chiens obéissants, loyaux et fidèles (il n’y a pas de clivage sur la fondation pureté concernant les chiens : tout le monde aime les chiens propres).
Ce modèle permet de comprendre les différences entre les progressistes et les conservateurs. Les erreurs d’interprétation sont fréquentes. On croit souvent que l’autre bord est peuplé d’égoïstes : les gens de droite veulent garder leur argent pour eux ; ceux de gauche veulent vivre aux crochets des contribuables méritants. On explique fréquemment la psychologie des gens de l’autre bord par le vice moral : les gens de droite sont pétris de préjugés, de peur et de haine (ils sont racistes, sexistes, homophobes et transphobes) ; les gens de gauche sont des nihilistes dépourvus de valeurs et d’éthique personnelle.
Les conservateurs comprennent toutefois mieux les progressistes que l’inverse, probablement parce qu’ils disposent des six fondations alors qu’il manque aux (plus) progressistes trois clés de compréhension de la psychologie conservatrice.
Ces différences cognitives nous orientent vers une famille politique. Des facteurs sociologiques entrent en ligne de compte : on a tendance à voter dans l’intérêt de son groupe social ; plus on est riche plus on vote à droite ; plus on souffre de la mondialisation plus on vote pour les partis protectionnistes, etc. Notre parcours personnel intervient également : on dit que François Mitterrand était psychologiquement de droite (il a d’ailleurs commencé à militer à l’extrême droite) et Jacques Chirac psychologiquement de gauche (il a d’ailleurs commencé à militer au Parti communiste). Ils auraient fait carrière dans l’autre camp par opportunisme.
Une fois orienté dans une famille politique, on se polarise par le truchement des chambres d’écho idéologiques et autres bulles d’information : on s’imprègne du discours d’un camp, et d’un seul. Notre raisonnement motivé, celui de l’avocat plutôt que du scientifique, nous fait chercher des arguments qui appuient nos positions (c’est le biais de confirmation). Le tribalisme nous pousse à fréquenter des gens de notre bord, à penser ce que tout le monde pense dans notre tribu politique (sans vérifier le bien-fondé de ces croyances) et à détester les idées associées à l’autre bord. Ainsi, aux États-Unis, démocrates et républicains croyaient autant au réchauffement climatique dans les années 1990. Mais le sujet a depuis fait l’objet d’une polarisation politique : la croyance au réchauffement climatique s’est vue associée à la gauche. Les républicains sont alors devenus de plus en plus climatosceptiques, non parce qu’ils ont décortiqué les études scientifiques avec soin et les ont jugées fragiles, mais parce que c’était une croyance populaire dans leur camp, un marqueur social, tribal, de leur appartenance à la droite. Les gens de gauche se comportent de la même manière. Beaucoup adhèrent à des idées page-blanchistes [9] non parce qu’ils ont étudié avec soin les sciences cognitives et la psychologie évolutionnaire et jugé que les gender studies étaient plus rigoureuses, mais parce que les idées page-blanchistes sont celles de leur tribu politique, de leurs amis, de leur famille, celles qui circulent dans leur bulle d’information.
Il me paraît donc clair que ceux qui veulent polariser la cause animale à gauche font fausse route. Renan Larue a publié un beau texte en faveur de l’approche non partisane [10] : il montre, faits à l’appui, qu’ancrer à gauche la cause animale nous aliène le centre et la droite. Aux États-Unis, l’écologie et le véganisme se sont retrouvés associés à la gauche ; en réaction, les indépendants (ceux qui ne sont inscrits ni comme démocrates ni comme républicains) et les conservateurs rejettent ces deux combats ; manger de la viande devient un marqueur identitaire de non-appartenance à la gauche. Il en résulte que les conservateurs et les indépendants sensibles à la cause animale ont du mal à devenir véganes par manque de soutien de leur entourage, qui voit d’un mauvais œil que leur ami, conjoint ou enfant se lance dans une pratique de gauchistes. Puissions-nous éviter un tel désastre en France.
On peut lire les oppositions idéologiques à la lumière des différences psychologiques. Les partisans du mariage pour tous ont typiquement avancé des arguments centrés sur l’éthique de l’autonomie et sur les trois fondations progressistes [11]. Leurs arguments soin et justice étaient orientés vers les époux vus comme des individus libres, autonomes, ayant un désir de mariage à combler. Pour eux, le fondement du mariage, c’est l’amour entre deux personnes. Il faut que tout le monde jouisse des mêmes droits. Chacun est libre d’épouser la personne qu’il souhaite. Les enfants n’ont besoin que d’amour pour être heureux.
En revanche, les opposants au mariage pour tous s’appuyaient sur l’éthique de la communauté et sur les six fondations [12]. Leurs arguments soin et justice étaient orientés vers la famille vue comme une institution destinée au bien des enfants. Pour eux, le fondement du mariage est la filiation, pas l’amour ; d’où l’argument « si c’est l’amour qui fonde le mariage, alors il faut autoriser le mariage entre frères et sœurs, parents, enfants, amis, et autoriser la polygamie (puisqu’on peut aimer plus d’une personne) ». Les droits des parents sont conditionnés aux devoirs envers les enfants. Les enfants ont besoin d’amour, mais également de modèles structurants. La famille est déjà passablement déstructurée par les divorces ; le mariage pour tous risque d’aggraver encore l’anomie.
Sur le thème de l’immigration, les progressistes se centrent exclusivement sur les droits des individus migrants et n’expliquent la défiance des conservateurs que par des attitudes négatives envers ces individus (racisme, xénophobie et islamophobie). Davantage centrés sur l’éthique de la communauté, les conservateurs tiennent aussi compte de l’impact d’une immigration de masse sur la cohésion nationale, le risque de conflits inhérents aux régions multiconfessionnelles, ou encore la pérennité d’entités collectives comme la nation française et son identité, la république et sa laïcité, l’Occident et ses valeurs.
Le tribalisme
L’altruisme universel ne peut pas être sélectionné par l’évolution, car il est maladaptatif. Tout individu altruiste de manière indiscriminée se ferait exploiter par ses congénères moins altruistes. Les intuitions altruistes sont donc conditionnées à la proximité génétique (l’altruisme de parentèle) et à la réciprocité (l’altruisme réciproque). On observe cependant une part d’altruisme inconditionnel envers notre groupe, comme celui des soldats qui risquent leur vie pour leur tribu, leur clan, leur pays dans son ensemble, et pas seulement les membres de leur famille ou ceux qui les ont aidés préalablement.
Pour expliquer l’altruisme de groupe, des chercheurs s’appuient sur l’hypothèse de la sélection de groupe. Les groupes sont (comme les individus) en compétition pour l’accès aux ressources. Les groupes dotés de traits avantageux sont favorisés par rapport aux groupes ne possédant pas ces traits. En l’occurrence, la présence d’individus altruistes envers des non-apparentés au sein d’un groupe ne confère pas d’avantage direct aux gènes de l’individu mais favorise la survie du groupe, donc indirectement des gènes altruistes. Les arguments en faveur de cette thèse figurent dans le chapitre 9 de The Righteous Mind de Jonathan Haidt, « Why are we so groupish? ».
Le revers de cet altruisme de groupe est une défiance vis-à-vis des membres des autres groupes, une tendance que l’on appelle la xénophobie [13]. Certains modèles mathématiques suggèrent que l’altruisme ne peut pas évoluer au sein d’un groupe social sans une certaine dose de xénophobie. Ainsi, tous les animaux sociaux ont une préférence marquée pour les membres de leur groupe, au détriment des autres. Les critères d’identification sont nombreux : l’aspect physique (qui chez les humains peut inclure des traits culturels comme l’accoutrement, les tatouages ou les peintures faciales), l’odeur (même les humains dont l’odorat laisse à désirer évoquent souvent l’odeur quand ils parlent des exogroupes), les vocalisations (chez les humains : la langue et l’accent), l’habitus (posture, manière d’être), etc.
La culture peut glisser sur les pentes tribalistes de l’esprit humain et développer des idéologies racistes [14], ou au contraire s’appuyer sur d’autres ressources cognitives comme la réflexion éthique pour développer des idées antiracistes.
Malheureusement, on ne dispose d’aucun moyen susceptible de supprimer complètement les intuitions tribalistes ; celles-ci ont des effets tangibles et inévitables sur la morale intuitive. Les gens ont plus confiance en ceux qui leur ressemblent, de sorte que l’hétérogénéité ethnique est inversement corrélée à la confiance entre citoyens : plus une société est ethniquement hétérogène, moins la confiance règne entre ses citoyens [15].
L’utilitarisme comme morale universelle
L’utilitarisme est la principale morale conséquentialiste. Son axiome est la bienveillance universelle : il faut maximiser le bonheur dans le monde et minimiser le malheur.
La principale objection à l’utilitarisme est qu’il se heurte au sens commun [16]. On appelle sens commun les intuitions largement partagées, au-delà des différences culturelles. La philosophe Elizabeth Anscombe voyait les utilitaristes comme des « esprits corrompus » capables de sacrifier un innocent au nom de l’intérêt général. Mais le sens commun est-il dans le vrai ? Notre sens moral intuitif est d’origine évolutive. Or, l’évolution sélectionne les traits qui favorisent la survie et la reproduction ; elle n’a pas pour critère la vérité morale. De fait, les animaux qui ont évolué dans un contexte écologique et social différent du nôtre ont d’autres intuitions morales. Comme le remarquait Darwin dans La descendance de l’homme (1871), si nous vivions en ruches eusociales, « il n’est pas douteux que nos femelles non mariées, de même que les abeilles ouvrières, considéreraient comme un devoir sacré de tuer leurs frères, et que les mères chercheraient à détruire leurs filles fécondes, sans que personne songeât à intervenir ».
Mais dès lors, si nos intuitions ne sont pas fiables, doit-on se résigner au scepticisme moral ? Ce n’est pas l’avis de Katarzyna de Lazari-Radek et Peter Singer [17]. D’après eux, l’axiome de base de l’utilitarisme, le principe de bienveillance universelle, selon lequel nous devons maximiser le bien-être de tous, n’a pas d’origine évolutive. C’est un principe maladaptatif, dont l’adoption a un effet négatif sur la réplication de nos gènes. Si nous acceptons néanmoins ce principe, c’est parce que nous y accédons par le biais de notre raison. La capacité de raisonner est certes d’origine évolutive. Mais sa valeur adaptative provient du fait qu’elle produit généralement des croyances vraies. Peter Singer emploie la métaphore de l’escalator de la raison. La première partie du voyage nous permet de survivre et de nous reproduire. Mais l’escalator, gouverné par les lois de la logique, peut nous amener là où nous ne nous attendions pas à aller. Il nous force à nous rendre compte que nous sommes un sentient parmi les autres et que nos intérêts, désirs, bonheur et souffrance ne comptent pas plus, « du point de vue de l’univers », que ceux des autres. Même si nos intuitions morales d’origine évolutive nous incitent à croire le contraire. Darwin a ajouté une note de bas de page à la citation que j’ai donnée plus haut : « Henry Sidgwick [philosophe utilitariste dont s’inspirent justement Lazari-Radek et Singer], qui a discuté ce sujet de façon très remarquable […], fait remarquer qu’une abeille très intelligente essaierait, nous pouvons en être assurés, de trouver une solution plus douce à la question de la population. »
La raison ne suffit pas à contrecarrer notre morale intuitive, mais elle y contribue. C’est surtout grâce à des arguments conséquentialistes qu’on a fait évoluer nos attitudes sur bon nombre de sujets, comme le système pénal (l’argumentaire de Cesare Beccaria est conséquentialiste), l’homosexualité, l’esclavage, le racisme ou la question animale. Puis les morales non conséquentialistes reformulent nos nouvelles attitudes en termes de droit. Mais c’est la force du raisonnement conséquentialiste qui a étendu notre cercle de considération morale [18] (contre nos intuitions tribalistes) et a rapproché nos croyances morales de ce que disait Bentham, le fondateur de l’utilitarisme, il y a plus de 200 ans.
Comme les théories morales non conséquentialistes formalisent la morale intuitive humaine, elles s’appliquent mal aux animaux très différents de nous. Dans Les droits des animaux (1983), Tom Regan écrit que par « animaux » il signifie « mammifère mentalement normal d’un an ou plus », car ce sont les seuls « sujets d’une vie » certains, étant entendu que d’autres le sont peut-être. Dans la nouvelle édition de 2004, il affirme que les oiseaux sont sujets d’une vie, et que les poissons le sont « peut-être ». La citoyenneté animale défendue, sur des bases déontologiques, par Donaldson et Kymlicka dans Zoopolis s’applique bien aux mammifères comme les chiens ou les chevaux, éventuellement à certains oiseaux, mais guère plus. Les abeilles, qui sont probablement sentientes, n’ont pas la même conception que nous de la liberté, du travail, et de l’individualité.
Ceci dit, notre morale intuitive fonctionne bien dans notre vie quotidienne. Il n’est ni possible ni souhaitable d’en faire abstraction au profit de l’utilitarisme. Nous n’avons ni le temps ni les ressources cognitives pour évaluer toutes les conséquences de nos actions. Nous ne sommes pas impartiaux. Même quand nous croyons l’être, nous sommes victimes de raisonnements motivés : nos raisonnements conséquentialistes ont tendance à nous favoriser ou à aller dans le sens de nos présupposés idéologiques. Par exemple, sur la base d’arguments conséquentialistes, beaucoup de gens de gauche croient que l’interventionnisme est le meilleur système économique pour le plus grand nombre, tandis que beaucoup de gens de droite croient que c’est plutôt le laissez-faire. La psychologie humaine n’est pas compatible avec l’impartialité au quotidien : nous avons besoin d’amour, d’amitié, d’affection, que nos proches nous préfèrent aux autres humains. Enfin, la psychologie humaine rend nécessaires certaines interdictions absolues : par exemple, l’histoire suggère que lorsqu’on autorise la torture dans des cas exceptionnels, elle finit par se banaliser.
L’utilitarisme doit être réservé aux situations délibératives où, à plusieurs pour limiter les biais, nous prenons le temps de déterminer la meilleure chose à faire, ou quelles sont les meilleures lois ou politiques publiques. L’altruisme efficace est bâti sur ce principe [19]. En effet, nos intuitions et notre empathie sont inadaptées à la prise de décision dans un monde vaste, complexe et technologique : mieux vaut faire appel autant que faire se peut au « mode manuel » de notre cognition morale [20]. Mais quiconque connaît les débats au sein de l’altruisme efficace ou simplement les débats politiques techniques (quelle est la meilleure politique contre le chômage ou le réchauffement climatique, par exemple) mesure combien la tâche est ardue.
Les malentendus de l’antispécisme
L’antispécisme est difficile à comprendre et suscite de nombreux malentendus. Le fond du problème, à mon avis, tient à sa formulation contre-intuitive.
Les antispécistes sont WEIRD
La philosophie morale académique réclame un haut niveau d’abstraction. Les théories normatives qu’affectionnent les antispécistes, l’utilitarisme et la théorie des droits, sont des éthiques de l’autonomie ; elles sont donc WEIRD. Cela n’est pas pour déplaire aux antispécistes, pour la plupart WEIRD (moi inclus). Ils aiment répéter que seuls les individus comptent éthiquement, et voient d’un mauvais œil les discours qui débordent de l’éthique de l’autonomie.
Or, la plupart des humains s’appuient sur leurs intuitions et ne se restreignent pas à l’éthique de l’autonomie.
Certains animalistes parlent du respect de la vie. Nous avons vu que le respect est une valeur non WEIRD et que la vie est la plus large des communautés, dont il faut prendre soin pour préserver les individus. Cela a suscité des articles comme « Pour un monde sans respect » (Yves Bonnardel) ou « Pour en finir avec la vie » (Thomas Lepeltier).
Dans « Pour en finir avec la vie » (2018), Thomas Lepeltier critique explicitement l’approche holiste (celle des non-WEIRD). Il explique qu’en soi la vie n’a pas de valeur morale, et qu’on entretient la confusion en parlant de vie au lieu de sentience. Or, on peut dire cela de toutes les valeurs instrumentales, car les seules choses qui ont une valeur en soi sont, par définition, la ou les valeurs intrinsèques de votre éthique, par exemple le bonheur. Nourrir les sentients n’a pas de valeur morale en soi, mais la valeur instrumentale d’apporter du plaisir et des nutriments à des organismes sentients. On pourrait expliquer qu’il ne faut pas dire que les soldats de 14 se battaient pour la France mais pour les Français, parce que la France contient des entités non sentientes comme le mont Blanc. Mais on comprend bien que les Français ne sont pas des ectoplasmes, ils ont besoin d’une terre, d’institutions (comme la République), de lois, de valeurs (liberté, égalité, fraternité), de monuments, etc., et c’est tout cet ensemble qu’on appelle France. De la même façon qu’on dit « la France » pour inclure dans un même mot les sentients français et toutes les choses dont ils ont besoin et qu’ils aiment, on peut dire « le vivant », « la nature » pour désigner les sentients et toutes les choses dont ils ont besoin, comme l’air, l’eau, les arbres, les rivières, le climat, les écosystèmes…
Les non-WEIRD ne séparent pas dans leurs raisonnements les patients moraux de leur cadre de vie biologique et social. Cela peut les conduire à accorder de la valeur intrinsèque aux communautés et pas seulement aux individus. Mais la plupart d’entre nous avons, à des degrés divers, tendance à accorder de la valeur intrinsèque à des entités non sentientes : des monuments, des sites naturels (certains sont classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO), des oeuvres d’art ou de littérature, des idées, etc. Comme ces choses ont de toute façon une valeur instrumentale, il me paraît inutile d’essayer de « corriger » les intuitions des gens dans le sens le plus WEIRD possible [21]. Et ce, d’autant plus que je n’ai pas suffisamment de certitudes en éthique normative pour affirmer que seules les expériences conscientes ont une valeur intrinsèque.
La réception du discours antispéciste
Par analogie avec le racisme, beaucoup pensent, y compris parmi les militants animalistes, que l’antispécisme consiste à ne faire ni différence ni hiérarchie entre espèces.
Ce qui rend l’antiracisme et l’antisexisme faciles à comprendre intuitivement est que les différences entre sexes et races sont suffisamment minimes pour qu’il soit possible d’être « colorblind » et « sexblind » dans des situations de la vie de tous les jours. L’idée que le sexe et la race ne sont pas moralement pertinents est donc assez intuitive. En revanche, on ne peut pas être « speciesblind », car il y a trop de différences entre espèces. On ne se comporte pas de la même façon avec un chat, un rat, un pigeon ou un humain.
C’est là que les contorsions intellectuelles commencent. Certains expliquent qu’en soi, l’espèce n’est pas un critère moral valable, mais qu’en pratique elle l’est : on doit en tenir compte pour traiter au mieux les individus [22]. D’autres que l’égalité de considération morale (notion bien abstraite pour les non-initiés) ne signifie pas égalité de traitement, ni même égalité des vies. En effet, beaucoup soutiennent qu’en règle générale, la valeur d’une vie humaine est plus grande que celle d’un chien, car les humains ont une vie mentale plus riche et des liens sociaux plus nombreux. En vérité, on ne connaît pas l’intensité du bonheur des chiens, mais une telle position a l’avantage d’être conforme à nos intuitions. C’est là que beaucoup voient un retour du spécisme chez les antispécistes, puisqu’ils croient que l’antispécisme consiste à accorder autant de valeur à toutes les vies.
Avouons qu’il faut avoir l’esprit très WEIRD et être à l’aise avec les raisonnements philosophiques abstraits pour suivre ces arguments sans commettre de contresens.
Pour preuve, bon nombre de militants animalistes comprennent de travers l’antispécisme : ils ne distinguent pas discrimination justifiée et injustifiée ; croient qu’il ne faut pas faire de différence entre les animaux, donc ne pas parler des différences d’intelligence ou d’autres capacités mentales ; affirment comme Aymeric Caron que les antispécistes accordent la même valeur à toute vie ; ou à l’inverse refusent l’étiquette « antispéciste » car entre leur chien et leur enfant, ils sauveraient leur enfant. C’est le cas de la youtubeuse Unnatural Vegan dans sa vidéo « Pourquoi je suis une végane spéciste ». Elle a pourtant étudié la philosophie à l’université. Suite aux critiques, elle a réalisé une nouvelle vidéo où elle affirme que tout compte fait elle n’est pas spéciste mais « capacitiste » [23], alors qu’elle n’est pas capacitiste au sens technique du terme [24].
La situation de méconnaissance et de mauvaise compréhension est telle que des auteurs peuvent se payer le luxe de publier des livres contre l’antispécisme en ayant une compréhension très superficielle et approximative de ce courant de pensée [25].
La philosophie morale s’est révélée puissante pour mobiliser dans le petit vivier des WEIRD familiers de l’antisexisme, l’antiracisme, de la philosophie… et sensibles au sort des animaux. Mais la philosophie morale n’est pas aussi connue et discutée que l’économie, la politique ou la médecine ; on part de loin si l’on veut convaincre avec son concours. Beaucoup d’animalistes ont appris à leur entourage ce qu’étaient l’utilitarisme, le déontologisme, l’égale considération des intérêts, les agents et les patients moraux, les crimes sans victime, etc. Le fait est que, même dans les débats éthiques, presque personne en dehors des professeurs de philosophie n’utilise ce jargon.
La philosophie morale s’est avérée efficace pour saper les arguments spécistes, avec par exemple l’argument des cas marginaux. En s’appuyant sur la biologie, elle sape les fondements de l’inégale considération morale sur critère de nature, à la base de la morale humaniste traditionnelle [26]. En revanche, il est plus délicat de la mettre en avant de manière « positive », pour défendre des réformes. Pour cela, les arguments intuitifs communément employés par les associations animalistes me semblent préférables.
Il pourrait être bon de s’appuyer sur toutes les fondations morales. Donc parler des devoirs et pas seulement des droits, des devoirs que nous avons vis-à-vis des animaux domestiques qui nous sont subordonnés, de loyauté, etc. Beaucoup remarquent, dont moi [27], que le respect n’est souvent que symbolique. Est-ce une raison pour le dénigrer ? Après tout, la filière de l’élevage industriel fait grand cas du « bien-être animal ». Cela conduit les disciples de Gary Francione à condamner cette notion : améliorer le bien-être animal c’est pactiser avec l’ennemi, rendre acceptable aux yeux du public des pratiques intrinsèquement immorales comme l’élevage. Heureusement, la majorité des animalistes défendent un bien-être véritable. On pourrait de la même façon défendre un respect digne de ce nom, incompatible avec l’élevage et l’abattage.
Il serait aussi judicieux de s’inspirer de l’éthique du care, qui tient compte des liens qui nous unissent aux autres. Pour la plupart des gens, c’est le paramètre le plus important.
Les humains sont-ils spécistes systématiques ?
Il est indéniable qu’en règle générale, les humains favorisent les membres de leur espèce. Les religions, les idéologies laïques comme l’humanisme ont toujours placé les humains au-dessus des animaux. J’ai décrit dans « L’idéologie du “tout social” nuit aux humains et aux animaux » à quel point nous tenons à l’inégale considération morale sur critère de nature. La loi laisse largement les animaux au bon vouloir de leurs propriétaires. L’élevage industriel s’est développé sans coup férir dans des proportions absurdes sans qu’aucune nécessité nutritionnelle ne justifie de doubler ou tripler notre consommation de produits animaux. Nous nous complaisons à nous voir au sommet de la chaîne alimentaire et à attribuer notre intelligence supérieure à l’adoption préhistorique d’une alimentation carnée [28]. Notre sympathie est d’autant plus forte qu’autrui nous ressemble ; nos semblables nous ressemblent plus que les non-humains.
Pourtant, la domestication complexifie les choses. D’abord, les animaux domestiques sont des ressources pour notre groupe. Ensuite, même si on les voit comme inférieurs aux humains, certains sont intégrés au groupe social à des degrés divers, comme les chiens, les chevaux, les animaux de trait… Ils suscitent donc les intuitions morales que j’ai décrites plus haut. Comme l’illustrent les enquêtes menées par Jocelyne Porcher et ses disciples, les éleveurs non industriels ne considèrent pas leurs animaux comme de simples machines, ils éprouvent des sentiments moraux à leur égard. Certes, les arguments du don contre-don de la vie (je te donne la vie, en échange tu me donnes la vie en me nourrissant) ou du travail (l’éleveur travaille pour ses animaux, en échange ceux-ci travaillent en fabriquant de la chair) sonnent creux dans une société où l’on n’a pas besoin de manger les animaux pour vivre, mais pas dans celles où la survie en dépend.
L’altruisme de groupe peut donc conduire à préférer les animaux de notre groupe social aux humains des autres groupes, en particulier des groupes rivaux. Aussi bien parce que les animaux d’élevage ont une valeur économique pour notre groupe que parce qu’on a tissé des liens sociaux et moraux avec eux.
C’est donc une approximation grossière de résumer l’histoire de la domestication à une domination brutale d’animaux-machines. L’histoire de la domestication est violente, mais l’histoire humaine aussi. On tolérait d’être témoin de maltraitance animale quand on tolérait le spectacle de la violence contre les humains ; notre sensibilité envers les humains et celle envers les non-humains ont évolué en parallèle.
Les gens affirment que les humains ont plus de valeur que les animaux. Mais gardons-nous d’essentialiser cet énoncé général. En pratique, les humains préfèrent souvent leurs animaux de compagnie à bon nombre de leurs semblables, parfois même à des proches qu’ils n’apprécient plus. Leur chien leur voue un amour inconditionnel parfois plus fort que celui, conditionnel, d’un conjoint exigeant et acariâtre. Il les aide à supporter les sautes d’humeur et l’ingratitude de leurs adolescents, leur travail difficile, l’absence des enfants et petits-enfants, les difficultés du quotidien. Certes, les abandons de chiens et chats sont une réalité, mais les abandons d’humains aussi. Les mêmes raisons poussent à abandonner son animal, ses enfants, ses parents, son conjoint, ou autre : petit non désiré (trop de gens ne font pas stériliser leur animal), perte d’intérêt, problèmes de comportement, problèmes financiers [29]…
Nous portons aussi une affection particulière aux chevaux, omniprésents pendant des millénaires dans l’agriculture, le transport, les communications et la guerre. L’hippophagie n’était l’apanage que des civilisations nomades, d’Asie centrale notamment. Dans les civilisations agricoles, elle était rare et restreinte à des pratiques rituelles, ce qui a conduit l’Église catholique à l’interdire. Les grandes religions – judaïsme, christianisme, islam, hindouisme, bouddhisme – la réprouvent. Elle était très mal vue par la population jusqu’au milieu du 19e siècle. On l’a réintroduite en France sous le Second Empire par un double argument éthique : en permettant aux propriétaires de vieux chevaux de les vendre à l’abattoir, on évitait qu’ils ne les exploitent jusqu’à leur dernier souffle et on offrait aux classes ouvrières des grandes villes, qui souffraient de malnutrition, une viande bon marché.
Une étude de 2013 [30] pose aux participants une variante du dilemme du tramway : ils doivent choisir entre sauver un animal de compagnie ou un humain. 45 % des femmes et 30 % des hommes préfèrent sauver leur animal à un touriste étranger ; 15 % des femmes et 7,5 % des hommes l’animal d’une autre famille à un touriste étranger ; 27 % des femmes et 13 % des hommes leur animal à un cousin distant. Plus de 4 % des femmes avouent préférer sauver l’animal à un frère ou une soeur (j’imagine que leurs relations familiales ne sont pas au beau fixe). Ces réponses à rebours des conventions sociales mettent en pièces la thèse d’un spécisme systématique profondément ancré en chacun.
Les participants décrivent un dilemme intérieur entre la réponse qu’ils qualifient de « rationnelle », basée sur des principes (la vie humaine vaut plus que la vie d’un animal), et la réponse « émotionnelle », basée sur les relations. Les auteurs expliquent que les gens considèrent leur animal comme un membre de leur famille (psychological kin), même s’il n’est pas biologiquement apparenté (biological kin), ce qui activerait l’altruisme de parentèle [31].
Les humains sont alloparentaux, c’est-à-dire qu’ils sont capables de s’occuper de petits qui ne sont pas les leurs. Plus on est alloparental, moins notre amour parental est sélectif, donc plus la probabilité qu’on se prenne d’affection pour un petit d’une autre espèce augmente. Il arrive que des lionnes, qui sont alloparentales, adoptent un petit qu’elles auraient considéré comme une proie à l’âge adulte. Les chiennes le sont beaucoup plus, au point que des zoos leur confient les orphelins. Le fait que des prédateurs adoptent des proies et des proies des prédateurs et que leur affection persiste dans le temps (de petites chiennes peuvent faire la toilette à des tigres de 60 kg) montre que l’alloparentalité inhibe la peur et l’agressivité fondées sur l’espèce de l’autre. Les humains sont les champions toutes catégories de l’alloparentalité : outre les parents adoptifs, un nombre considérable d’adultes s’occupent d’enfants qui ne leur sont pas apparentés, et ce, dans toutes les cultures aussi loin qu’on puisse remonter. Et ils sont nombreux à adopter des animaux non humains.
Une autre étude compare les réactions d’étudiants à la maltraitance d’humains adultes, d’enfants, de chiens adultes et de chiots [32]. Si l’âge influence l’empathie (on est plus touché par les petits que par les adultes), ce n’est pas le cas de l’espèce. Il s’avère que les étudiants éprouvent plus d’empathie pour les enfants, les chiens petits et grands que pour les humains adultes. Les auteurs expliquent qu’on éprouve d’autant plus d’empathie qu’on perçoit la victime comme vulnérable. Les étudiants semblent considérer les chiens adultes plus vulnérables que les humains adultes.
Une explication plausible est que notre cognition morale sélectionnée par l’évolution ne tient compte que des paramètres les plus pertinents afin d’économiser le glucose. Dans une situation donnée, elle perçoit les personnes soit comme patients moraux (vulnérables et émotifs) bénéficiaires de l’action, soit comme agents moraux (stoïques et courageux) prodiguant l’action [33]. Les humains adultes sont plus perçus comme agents moraux que les enfants et les animaux, ce qui pourrait éclipser leur patience morale.
Bref, la cognition morale se compose de multiples intuitions et sentiments entremêlés, très dépendants du contexte et parfois contradictoires. Divers facteurs peuvent inhiber le spécisme, comme les relations, le sentiment de devoir, notre propension à l’alloparentalité, la vulnérabilité… Or, les débats éthiques WEIRD se focalisent sur un seul aspect de la cognition morale, l’argumentation explicite. Malheureusement, chez beaucoup de gens, celle-ci n’a qu’une correspondance limitée avec la cognition morale intuitive et encore plus avec les pratiques. Certains peuvent tenir le discours spéciste standard de la société tout en ayant des sentiments forts pour des animaux, parfois plus que certains antispécistes qui se targuent de ne pas particulièrement aimer les animaux, mais de les défendre sur la base de principes de justice. Beaucoup aussi sont sensibles aux arguments animalistes mais ne les mettent pas en pratique. Des sondages réalisés dans plusieurs pays montrent qu’il y a beaucoup plus de personnes favorables aux revendications animalistes qu’il n’y a de végétariens ou de véganes. Ainsi, 88 % des Français se disent opposés à l’élevage intensif [34] ; 49 % des adultes américains sont favorables à l’interdiction de l’élevage industriel, 47 % à l’interdiction des abattoirs et 33 % à l’interdiction de l’élevage [35] ; 17 % des Suisses sont favorables à la fermeture des abattoirs (dont 35 % dans la partie francophone du pays) [36]. Il n’y a pourtant guère plus de 3 % de végétariens et véganes dans ces pays. Les animalistes sont très au fait des raisons psychologiques et sociologiques qui expliquent cet écart. Cela conduit nombre d’entre eux à penser qu’il faut miser sur des mesures collectives pour diminuer la consommation d’animaux, comme les repas végétariens dans la restauration collective, une taxe sur la viande (les raisons écologiques justifient à elles seules d’augmenter substantiellement le prix des produits de l’élevage), le développement de la viande de culture.
Comme le note Axelle Playoust-Braure [37] :
« Les apports de la psychologie sociale et des sciences cognitives semblent même indiquer qu’une démarche comportementale (qui cherche à susciter le changement en modulant l’environnement des individus plutôt qu’en partageant des informations et des arguments) a précisément le potentiel de favoriser le recul du spécisme, dans la mesure où elle permet de désamorcer le raisonnement motivé faisant obstacle à une pleine inclusion des non-humains dans notre cercle de considération morale. »
Reste à savoir s’il faut continuer, en parallèle, à défendre le principe d’égale considération morale pour faire reculer le spécisme.
L’égale considération morale en pratique
En général, nous n’avons pas une démarche axiomatico-déductive. Nous voulons atteindre un objectif, comme abolir l’élevage, la pêche et les abattoirs, et formulons des arguments pour atteindre ces objectifs. Souvent il s’agit d’arguments intuitifs : ce que subissent ces animaux est horrible, on peut se passer de viande et de poisson, donc cette souffrance est inutile. On mobilise aussi la philosophie morale pour parer aux objections spécistes.
Mais si nous partons de l’égale considération morale et en déduisons toutes les conséquences, nous aboutissons à un modèle de société furieusement contre-intuitif. Estiva Reus note qu’il arrive que des antispécistes s’expriment comme des révolutionnaires français qui promettraient aux gens du Tiers-État de tous vivre comme des nobles. Ils assurent vouloir tirer tout le monde vers le haut : traiter les humains handicapés aussi bien que les valides, et les animaux aussi bien que les handicapés. Bref, l’élitisme de l’humanisme pour tous les sentients. Or, personne n’a localisé les fontaines d’abondance qui permettraient un tel miracle. Personne n’aborde de front non plus les sacrifices majeurs qui pourraient être exigés des humains s’ils cessaient l’accaparement des ressources et la destruction d’autres vies qui leur permettent d’accéder à un confort hors du commun. Il flotte une promesse d’égalité dans la félicité que ces antispécistes pourraient être en mal de rendre crédible si leurs adversaires les sommaient de donner un contenu concret à l’application de leur principe d’égale considération [38].
Les opposants à l’antispécisme, du moins les quelques-uns qui n’en ont pas qu’une connaissance vague et superficielle, s’emparent déjà des implications contre-intuitives de l’égale considération morale. Je crains qu’ils ne continuent de plus belle si nous persistons à mettre en avant ce principe sans recul critique. D’où la nécessité de revendications plus pragmatiques et moins ambitieuses. On doit admettre que, malgré la pertinence théorique de l’égale considération morale, nous ne sommes pas près de l’appliquer. Donc qu’il nous est impossible d’échapper complètement au spécisme, au sens de favoriser les humains par rapport aux non-humains, les animaux domestiques par rapport aux animaux sauvages. On ne peut espérer qu’accroître la solidarité avec les autres animaux, comme on a accru la solidarité entre humains en développant la protection sociale, les services publics et l’aide humanitaire.
Conclusion
La plupart des antispécistes sont de gauche. Par conséquent, ils ont tendance à s’inscrire dans la vision du monde progressiste, selon laquelle la cause animale est de gauche, car la gauche est le camp naturel de la lutte contre les injustices, de l’égalité et de l’universalisme. Or, la gauche peut tomber dans les mêmes travers identitaires que la droite. En outre, la psychologie morale révèle que les gens de gauche se méprennent davantage sur les gens de droite que l’inverse, car plus on est de gauche, plus notre morale intuitive ne s’appuie que sur trois fondations morales (soin, justice et liberté) ; on ne comprend donc pas les arguments venant des trois autres (autorité, loyauté et pureté). La psychologie nous apprend aussi que la biologie contribue fortement à l’orientation politique, donc que le clivage politique perdurera. On peut le déplorer, mais chaque tempérament a ses avantages et ses inconvénients ; la diversité psychologique est nécessaire au bon fonctionnement des sociétés, c’est d’ailleurs la raison évolutive pour laquelle il existe une grande variété psychologique chez les animaux.
La plupart des antispécistes sont WEIRD : leur morale intuitive se centre sur les individus. De ce fait, ils sont à l’aise avec les théories morales universitaires. Mais celles-ci ont du mal à parler aux gens ordinaires, d’autant que la philosophie morale n’est pas aussi connue et discutée dans les médias que d’autres disciplines comme l’économie. Leurs discours sur le spécisme passent souvent à côté des subtilités de la psychologie humaine, qui est capable de tisser des liens forts avec des animaux. L’antispécisme lui-même fait l’objet de bien des contresens, car il est très éloigné de nos intuitions morales. S’il est efficace pour contrer les arguments spécistes et saper les fondements de l’inégale considération morale sur critère de nature, il ne l’est pas comme programme politique concret. Les humains ont une bienveillance limitée, ils ne sont pas près d’accepter les conséquences de l’égale considération morale, à savoir sacrifier substantiellement leur bien-être pour soulager les maux qui accablent les innombrables sentients non humains qui peuplent notre planète.
Il me paraît donc nécessaire d’employer un discours plus intuitif et surtout plus réaliste, adapté aux limitations éthiques humaines, ce que font déjà bon nombre d’associations animalistes.
Notes et références
↑1 | Melanie Joy, Why We Love Dogs, Eat Pigs, and Wear Cows: An Introduction to Carnism (2011) ; Martin Gibert, Voir son steak comme un animal mort: véganisme et psychologie morale (2015). |
---|---|
↑2 | À quelques exceptions près, comme François Jaquet, « A Debunking Argument against Speciesism », Synthese, 2019. |
↑3 | John R. Alford, Carolyn L. Funk et John R. Hibbing, « Are Political Orientations Genetically Transmitted? », American Political Science Review 99, no 02 (2005) ; Jeffery J. Mondak et al., « Personality and Civic Engagement: An Integrative Framework for the Study of Trait Effects on Political Behavior », American Political Science Review 104, no 01 (2010). |
↑4 | Shinobu Kitayama et al., « A Cultural Task Analysis of Implicit Independence: Comparing North America, Western Europe, and East Asia. », Journal of Personality and Social Psychology 97, no 2 (2009). |
↑5 | Joshua Greene, Tribus morales: L’émotion, la raison et tout ce qui nous sépare (2017). |
↑6 | Pierre Sigler, « Qu’est-ce que la conscience ? », La Révolution antispéciste (2018). |
↑7 | Ces travaux sont résumés dans Jonathan Haidt, The Righteous Mind, 2012. |
↑8 | Voici quatre autres modèles de la morale intuitive : – Tage Shakti Rai et Alan Page Fiske, « Moral Psychology Is Relationship Regulation: Moral Motives for Unity, Hierarchy, Equality, and Proportionality. », Psychological Review 118, no 1 (2011). – Kurt Gray, Liane Young et Adam Waytz, « Mind Perception Is the Essence of Morality », Psychological Inquiry 23, no 2 (2012). – Brad Verhulst, Lindon J. Eaves et Peter K. Hatemi, « Correlation Not Causation: The Relationship between Personality Traits and Political Ideologies », American Journal of Political Science 56, no 1 (2012). – Oliver Scott Curry, Matthew Jones Chesters et Caspar J. Van Lissa, « Mapping Morality with a Compass: Testing the Theory of ‘Morality-as-Cooperation’ with a New Questionnaire », Journal of Research in Personality 78 (2019). |
↑9 | J’appelle page-blanchisme la croyance que le comportement humain s’explique uniquement par le social, que la biologie joue un rôle négligeable. Cf. Pierre Sigler, « L’idéologie du “tout social” nuit aux humains et aux animaux », L’Amorce, 2020. |
↑10 | Renan Larue, « Faut-il politiser le véganisme ? », Cites N° 79, no 3 (2019). |
↑11 | « Les arguments en faveur du mariage “pour tous” », Observatoire du Mariage pour tous. |
↑12 | Matthieu Rougé, « 10 bonnes raisons de ne légaliser ni le mariage entre personnes du même sexe, ni l’adoption par des partenaires de même sexe ». |
↑13 | S. Bowles, « Group competition, reproductive leveling, and the evolution of human altruism », Science, 2006, et S. Bowles, « Did warfare among ancestral hunter-gatherers affect the evolution of human social behaviors ? », Science, 2009. |
↑14 | Voir Benjamin Isaac, The Invention of Racism in Classical Antiquity, 2006 ; Geradline Heng, The Invention of Race in the European Middle Ages, 2018 ; ou encore Nicolas Bancel et al., L’invention de la race: des représentations scientifiques aux exhibitions populaires, 2014. |
↑15 | Putnam, Robert D., « E Pluribus Unum: Diversity and Community in the Twenty-First Century. The 2006 Johan Skytte Prize Lecture ». Scandinavian Political Studies 30, nᵒ 2 (2007). |
↑16 | Florian Cova, « La psychologie de l’utilitarisme et le problème du sens commun », dans M. Bozzo-Rey & E. Dardenne. E. (eds.), Deux Siècles d’Utilitarisme (2012). L’article est également disponible en ligne. |
↑17 | Katarzyna de Lazari-Radek et Peter Singer, « The Objectivity of Ethics and the Unity of Practical Reason », Ethics 123, no 1 (2012). |
↑18 | Peter Singer, The Expanding Circle – Ethics, Evolution & Moral Progress, Revised edition, 2011. |
↑19 | Les Cahiers antispécistes ont consacré leur n°43 à l’altruisme efficace. |
↑20 | Voir Paul Bloom, Against Empathy : The case for rational compassion (2016). |
↑21 | Comme cherche à le faire Yves Bonnardel dans « Les animaux à l’assaut du ciel », dans La révolution antispéciste (2018). Il nie toute valeur, intrinsèque ou instrumentale, aux communautés, aux groupes d’appartenance. Pour lui, ce ne sont que des carcans. |
↑22 | David Olivier, « Le spécisme proprement dit » (2012). |
↑23 | Unnatural Vegan, I’m not a speciesist, but I am an ableist (and also advocacy because advocacy, 19 septembre 2015 |
↑24 | Le capacitisme consiste à accorder moins de considération morale aux individus privés de certaines capacités, pas à évaluer la valeur de la vie à l’aune des capacités. On peut très bien considérer que l’intérêt à vivre de quelqu’un qui souffre de la maladie d’Alzheimer est moindre que celui d’une personne en bonne santé sans être capacitiste. |
↑25 | Le dernier en date est celui d’Ariane Nicolas, L’imposture antispéciste (2020). |
↑26 | Voir Pierre Sigler, « L’idéologie du “tout social” nuit aux humains et aux animaux », L’Amorce, 2020. |
↑27 | Dans « Apologie de la mauvaise foi : l’inconstante apologie du carnivore de Domnique Lestel », Cahiers antispécistes, n°34 (2012). |
↑28 | Il est clair que la viande a permis à nos ancêtres de survivre pendant l’ère glaciaire, mais ce serait plutôt la cuisson qui aurait libéré de l’énergie pour le cerveau en facilitant la digestion. Ainsi, notre tube digestif est nettement plus petit que celui d’animaux de taille comparable. |
↑29 | Fondation Affinity, Infographie Il ne le ferait jamais. Étude sur l’abandon et l’adoption 2019 |
↑30 | Richard Topolski et al., « Choosing between the Emotional Dog and the Rational Pal: A Moral Dilemma with a Tail », Anthrozoös 26, no 2 (2013). |
↑31 | C’est d’ailleurs la thèse de Carol Gilligan, Une voix différente : Pour une éthique du care (2008). |
↑32 | Jack Levin, Arnold Arluke et Leslie Irvine, « Are People More Disturbed by Dog or Human Suffering? », Society & Animals 25, no 1 (2017). |
↑33 | Abigail Marsh, Good for Nothing: From Altruists to Psychopaths and Everyone in Between, 2017, chapitre 1. |
↑34 | Politique & animaux, La condition animale et l’opinion publique |
↑35 | Sentience Institute, Survey of US Attitudes Towards Animal Farming and Animal-Free Food, Jacy Reese Anthis, 20 novembre 2017 |
↑36 | Gfs-zürich markt & sozialforschung |
↑37 | Axelle Playoust-Braure, « Garder la viande pour mieux se débarrasser du meurtre ? », Cahiers antispécistes, n° 42, 2019. |
↑38 | Communication personnelle. |