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Bonnes feuilles du livre de Myriam Bahaffou Des paillettes sur le compost, écoféminismes au quotidien (Le passager clandestin, 2022). L’extrait suivant (pp.72-82) se situe à la fin du chapitre intitulé «Le jour où j’ai découvert que mon chat avait un menton ou pourquoi les écofémninismes sont antihumanistes». Après avoir constaté que sa chatte Jorge avait un menton comme elle, l’autrice réfléchie à la distinction entre humains et animaux.
Toute la philosophe occidentale[1] s’est basée sur l’affirmation sans cesse réactualisée de la différence essentielle entre humain·es et animaux. Chez chaque philosophe étudié à l’université, cette question finissait par revenir, comme s’il fallait, de toute façon, statuer sur cette différence. Le paradigme mécaniste, qui postulait une existence vide, ou purement instinctive, chez les animaux, a dominé pendant des siècles (bien qu’il ait toujours eu des critiques et des opposant·es). N’en déplaise à pas mal de philosophes blancs, bedonnants et ronflants de la Sorbonne, notre décennie est témoin d’un tournant épistémologique, narratif, militant et décolonial en philosophie[2]. En d’autres termes, la vision binaire humain/animal n’est plus hégémonique. Aujourd’hui, nous en sommes à un stade hybride des relations humanimales, un réaménagement étrange entre réformisme, abolitionnisme, carnisme, zoophilie, expérimentations animales, avancées éthologiques immenses, transhumanismes, postcolonialisme interespèces et récits de science-fiction animalistes. Cela dit, l’écueil militant consisterait à faire fi de toutes ces complexités, à produire une image fixe des animaux comme de purs êtres à sauver et à protéger, des réceptacles de jolis élans humanitaires motivés par de belles intentions. Ce paradigme est, je crois, plus présent aujourd’hui que le droit des animaux occupe une place importante médiatiquement. Mais, finalement, considérer les animaux uniquement sous le prisme de l’abstinence, de la sauvegarde, c’est éviter de « vivre avec le trouble », qui pourtant nous rappelle que nos rapports sont aussi brouillés, illisibles et difficilement tenables, car intimement liés à la violence. Les animaux qui nous entourent sont à la fois le fruit et la preuve de la résistance à une violence historique, collective et systémique : le spécisme ; c’est d’ailleurs ce qui fait d’eux des alliés de choix des groupes opprimés et minorisés. Les animaux inventent des modes de survie sous de multiples formes et redéfinissent de fond en comble l’instinct[3], censé les déterminer essentiellement. Les animaux non humains sont donc des « acteurs politiques d’une résistance », « des puissances capables de faire monde[4] ».
Au bout du compte (et ça m’exaspère, car c’est aussi la conclusion de toute cette philosophie à laquelle j’ai été formée à l’université), Jorge et son regard, son menton, m’amène davantage à penser ma propre humanité. À questionner ce qui fait de moi cette humaine, dans cette catégorie si sûre, si séparée. Depuis des années, ces questions m’obsèdent, et j’ai fini par comprendre que la désignation de qui est humain (et qui devrait bénéficier d’une réelle considération) et qui ne l’est pas repose sur des fondements fallacieux d’un « universel », toujours représenté sous les traits d’un individu blanc, mince, valide, masculin, hétérosexuel. Un·e humain·e racisé·e, en situation de handicap, queer, trans, n’est pas le « bon » prototype d’humanité : c’est une déviance, une erreur, au mieux un être à la marge. Un exemple assez drôle qui me vient à l’esprit est celui de la plaque de Pioneer, cette plaque métallique envoyée dans l’espace, à bord d’une sonde en 1972 à destination d’extraterrestres. Le dessin qui y figure est remarquable : on y voit ce qui ressemble à un couple hétérosexuel, blanc, mince, debout ; le sexe de l’individu « femme » est tout simplement inexistant, cela ressemble davantage à une vision déprimante d’Adam et Ève qu’à une représentation scientifique de « notre espèce ». Je pense également à la représentation communément admise de l’évolution (et fausse, par ailleurs), celle d’un petit poisson qui sort progressivement de l’eau et aboutit à une silhouette bipède, valide et forte, la figure d’un homme dont le regard est tourné droit vers l’horizon, prêt à conquérir le monde[5].
Nous héritons, tous et toutes, de ces représentations.
C’est pourquoi j’invite tou·tes celleux qui souhaitent entrer en eaux écoféministes à se détacher de cette idéologie nauséabonde qu’est l’humanisme. Nous donner « l’humain », ou pire, « l’Homme », comme catégorie a priori pour appréhender le monde ne peut se traduire qu’en dualismes, binarités et essentialismes. J’anticipe ici les critiques : non, je ne suis pas en train de dire que nos existences valent autant que celles d’une abeille ou d’un lierre[6] ni que tout devrait être nivelé, et je ne gomme pas les distinctions biologiques qui font la richesse des milliards d’espèces avec lesquelles nous vivons. J’affirme plutôt (et d’ailleurs, je n’invente absolument rien) que nous sommes le fruit de multiples mouvements de l’évolution, dans lesquels la violence, la domination, mais AUSSI la coopération et l’empathie, ont toute leur place[7]. Je replace ces catégories d’« animaux » et d’« humain·es », au sein d’un schème évolutif en constant mouvement, dans une fluidité foisonnante, qui à la fois opère lentement à l’échelle de groupes, mais aussi de façon spontanée à l’échelle d’individu·es, au gré de variations inattendues. J’interroge également la raison pour laquelle la différence humain·e/animal devrait être si déterminante, et j’invite chacun·e à s’interroger sur les raisons d’une telle crispation. Mon propos, à partir de ma relation avec Jorge, de ce qu’elle fait naître chez moi, de notre vie commune au quotidien depuis maintenant six ans, est donc celui du rejet de l’humanisme. J’entends souvent « je ne suis pas féministe, je suis humaniste », ou bien « je ne vois pas les races, nous appartenons tous à la même race humaine ». L’humanisme est fondé sur l’idéologie de l’exceptionnalisme humain[8], qui elle-même sélectionne qui a le droit à la meilleure humanité. C’est précisément cet humanisme qui nous fait dire qu’il faut « distinguer l’œuvre de l’homme », car après tout Polanski apporte tant à l’humanité. C’est ce même humanisme qui permet à des policiers de s’en sortir lorsqu’ils tuent des jeunes arabes et noirs dans les quartiers, car leurs vies sont à peine humaines. L’humanisme rend invisible les histoires et les rapports sociaux qui nous lient sous l’égide d’un mot si fort, si universel, si puissant qu’il nous écrase d’un bloc, et ne rend possible aucune nuance.
L’humanisme est une idéologie, une philosophie et un projet politique qui doit sa popularité au xvie siècle, celui de l’éclatant rayonnement universel de l’Homme en tant que « mesure de toute chose ». C’est le développement des sciences et des arts en Europe, spécifiquement en Italie, en France et en Grande-Bretagne. Mais l’humanisme, c’est aussi la première vague massive de colonisation européenne : aux Amériques, c’est 95 % de la population qui sera décimée en quelques décennies par la Conquista espagnole. « La grandeur de l’Homme », oui, mais pas n’importe lequel. Le travail forcé (encomienda), la traite, le génocide linguistique, le pillage des colonies permettront de construire la bonne humanité, celle qui pourra diffuser son modèle civilisationnel pendant des siècles. La controverse de Valladolid n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du danger de l’idéologie humaniste[9]. Le xvie siècle est aussi celui de la chasse aux sorcières, le plus grand féminicide organisé de l’Histoire. Tandis qu’on vantait la finesse intellectuelle de l’esprit européen, de prétendues sorcières brûlaient sur des bûchers par centaines. Cent ans plus tard, les Lumières de l’humanité nous dirigent vers cet état de félicité de l’Homme en éradiquant pour de bon nos derniers relents obscurantistes. Mais c’est aussi le siècle qui voit l’apogée du commerce triangulaire. Et encore deux cents ans après, c’est à l’intérieur des zoos humains que se redéfinit notre précieux humanisme. Là sont exhibés des monstres, bien loin de la bonne humanité, valide et bourgeoise, qui visite ces « sauvages » en guise de divertissement d’après-midi.
À partir du milieu du xixe siècle, c’est entre girafes, autruches, éléphants, crocodiles, singes et autres « merveilles » de la nature réinventée que les visiteurs vont découvrir en Europe et en Amérique des « hommes » aux mœurs bizarres et aux rites quelque peu effrayants. Les « zoos humains » viennent de naître. Le mythe du sauvage devient alors une réalité. Il est présent, devant les yeux des Occidentaux, et va le rester près d’un siècle. Premier phénomène de masse du xixe siècle avec les expositions universelles, avec leurs millions de visiteurs, les zoos humains répondent aux fantasmes et aux inquiétudes de l’Occident sur l’ailleurs et donnent une réalité au discours racial alors en construction[10].
Objet largement sous-évalué dans la discussion animaliste, ces zoos humains sont le parfait exemple de cette humanité à géométrie variable, qui doit sans cesse animaliser un « autre », « importé, exhibé, mesuré, montré, disséqué, spectacularisé, scénographié », selon les attentes d’un Occident en quête de certitudes sur son rôle de « guide du monde », de « civilisation supérieure ». Comme je le disais plus haut, la définition de « l’humain » et de « l’animal » sont alors moins des descriptions biologiques qu’un projet politique normatif : «[…] Le criminel, le fou, le handicapé, le “monstre” constituaient l’écart à la norme, la transgression, l’incompréhensible étrangeté. Le zoo humain reprend cette exposition de l’altérité – cette fois appliquée aux “exotiques” et aux “populations colonisables” [11].»
De la même manière, nous parquons aujourd’hui des animaux dans des zoos parce qu’ils ne font pas partie de notre humanité ; ces dispositifs d’isolement sont aussi ceux des hôpitaux psychiatriques et des prisons, à la différence que ces derniers ne constituent pas un endroit de « divertissement ». Les institutions psychiatriques et leur histoire de l’enfermement, de la stérilisation forcée, marquent ces corps qui ne se coulent pas dans le moule productiviste de nos sociétés. La violence à leur endroit est inouïe et leur humanité simplement niée. Le champ des disability-animal studies[12] est à ce propos extrêmement fécond et donne à voir toutes les proximités des luttes antivalidistes et animalistes : les catégories animal et handicapé communiquent intimement depuis des siècles, pas uniquement en tant que victimes, mais en tant que résistantes[13].
En tant qu’écoféministes, nous ne pouvons plus postuler une quelconque forme d’humanisme. Ce n’est pas un choix idéologique ni une préférence philosophique, mais une nécessité. Et cela ne nous fait pas « descendre », cela ne nous destitue pas, parce que la qualité d’être humain ne devrait pas être un prétexte pour exercer une hiérarchie sur le monde. L’idéologie humaniste est basée sur des valeurs à la fois coloniales, patriarcales et validistes, qui sont impossibles à réaménager même sous le meilleur des féminismes. Les animaux ne sont pas une question annexe de la lutte ni un combat mignon réservé à des individu·es naïf·ves. Connecter les enjeux animalistes à des enjeux sociaux, notamment ceux de justice raciale, est un geste essentiel pour la survie de tous ces groupes. Donner 10 euros par mois à Greenpeace pour sauver les bébés baleines devant lesquels on s’extasie sur Nextflix ne changera rien au paradigme humaniste qui maintient l’idée d’une animalité non désirable. À l’inverse, lutter au sein de groupes féministes, antiracistes ou écologistes en trouvant normal le meurtre et l’utilisation systémique de milliards d’individu·es est inacceptable. Cela reproduit une hiérarchie des causes à défendre, et à ce jeu-là nous perdons tou·tes. Mais les dernières décennies ont ouvert des champs immenses pour repenser nos liens humanimaux. Nous formulons aujourd’hui une autre grammaire, un autre langage, d’autres histoires, dont l’approche intersectionnelle du véganisme[14] est un bel exemple. Ainsi, accepter notre animalité (car c’est de ça qu’il est question dans l’humanisme, la peur de notre propre animalité) est à mon sens une façon unique d’accéder à des horizons joyeux et vertigineux qui dépassent de loin l’ambition de ce texte : embrasser une autre sexualité, une autre relation à la mort, à la spiritualité, à la guérison. Nous enterrons les animaux, nous les nommons, nous les aimons, nous les pleurons, et nous plaçons l’émotion et le corps au cœur de nos liens avec eux. Ce geste, profondément écoféministe, va à rebours de toute une tradition rationaliste, humaniste, de laboratoire, qui « déclare les animaux dotés de la moitié de l’intelligence, ou du quart de la créativité des humains, comme s’il s’agissait d’entités secondaires sans teneur ontologique propre[15] ». Nous sommes antihumanistes, car nous nous reconnaissons dans les révoltes, les fuites, les rébellions des animaux ; comme eux nous sommes révolté·es, indomptables, ensauvagé·es, et résistons à la suprématie humaniste, patriarcale et blanche. Pour cela, nous utilisons notre corps, en le reconnaissant d’abord comme un haut lieu d’expression de notre animalité. Retourner le stigma – un de mes outils favoris de lutte – nous amène à valoriser notre dimension animale : ainsi, nous mangeons comme des porcs, crions comme des putois, bavardons comme des pies et, surtout, ma préférée, nous « baisons comme des animaux ».
Myriam Bahaffou
Notes et références
↑1 | Je mesure bien la limite d’un tel terme, il n’y a pas eu de moment de l’histoire où s’est constituée une « philosophie occidentale », terme aux limites géographiques déjà très floues. La philosophie occidentale est donc construite au moment même où on la désigne ; car, des présocratiques à Nietzsche, Marx et Foucault, on ne voit pas trop sous quel paradigme regrouper toutes ces pensées au nom de la « philosophie occidentale. » Pourtant, je maintiens qu’il existe une manière de transmettre la philosophie à l’université, en France (et en Europe de l’Ouest), qui suppose la supériorité d’une pensée moderne, dualiste, blanche, patriarcale et coloniale. |
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↑2 | Thomas Samuel Kuhn, dans La structure des révolutions scientifiques (1962), s’attache à étudier l’évolution de la science. Loin d’un progrès évoluant vers un « mieux » universel, la science est d’une part complètement liée à ses pratiques, et donc aux praticien·nes, les scientifiques elleux-mêmes, et d’autre part faite de ruptures et de discontinuités. Pour le philosophe, nous nous déplaçons d’un paradigme scientifique à un autre au gré de « crises » impossibles à résoudre pour la communauté scientifique. Je m’inspire de cette vision très sociale de la science et l’applique à notre période actuelle. À mon sens, aujourd’hui, nous sommes en plein changement de paradigme face à une crise impossible à résoudre. L’intersectionnalité est notre révolution scientifique globale. En d’autres termes, notre paradigme est la multiplicité des paradigmes. |
↑3 | « Si l’acte instinctif n’était que ce qu’il était réputé être – une séquence stéréotypée d’actions prémodelées et exécutées par réflexe à la manière d’un automatisme –, il serait incapable de répondre aux aléas de l’environnement. Les variations aléatoires dans l’environnement doivent trouver leurs correspondances dans les variations individualisées. Cela requiert une certaine plasticité créative, une marge de manœuvre improvisationnelle. Tout instinct porte une puissance de variation, à un degré quelconque. [..] Il n’y a pas de vie sans plus-value de vie. » Voilà ici de stimulantes pistes pour une redéfinition complète de l’instinct, développée dans l’excellent ouvrage de Brian Massumi, Ce que les bêtes nous apprennent de la politique, Bellevaux, Dehors, 2019, p. 32. |
↑4 | Fahim Amir, Révoltes animales, Paris, Divergences, p. 23. |
↑5 | « Ce constat montre nettement la vanité et la présomption de toute tentative de mesurer l’évolution par une progression linéaire qui irait du plus simple – prétendument inférieur – jusqu’au plus complexe (l’humanité étant la forme absolue, la plus “élevée”, au sommet de la hiérarchie.) […] Les organismes les plus simples et les plus anciens sont non seulement les ancêtres et le substrat actuel de l’ensemble des êtres vivants sur Terre, mais ils sont aussi prêts à s’étendre et à se modifier les uns les autres au cas où nous, organismes “les plus élevés”, aurions la bêtise de nous annihiler. » Lynn Margulis, Dorion Sagan, Microcosmos. 4 milliards d’années de symbiose terrestre, Marseille, Wildproject, 2022, p. 38. |
↑6 | À ce titre, le travail de Florence Burgat est édifiant. Elle veille à réajuster le débat animaliste en évitant de confondre toutes les catégories du vivant, souvent au détriment des animaux. Voir notamment : Qu’est-ce qu’une plante ? Essai sur la vie végétale, Paris, Seuil, 2020. |
↑7 | « La vision de l’évolution comme une sanglante et permanente compétition entre individus et espèces – distorsion fréquente de la notion darwinienne de «survie au plus apte» – se dissout au profit d’une vision nouvelle de coopération continuelle, d’interaction forte et de dépendance mutuelle entre les formes de vie. La vie n’a pas conquis la planète par la force et le combat, elle y a tressé son réseau. » Lynn Margulis, Dorion Sagan, Microcosmos, op. cit., p. 38. |
↑8 | Il s’agit de « l’idée selon laquelle l’homme se distingue essentiellement de tous les autres animaux en raison de sa rationalité qui en ferait le plus parfait des animaux (Aristote), de sa descendance divine (dans la tradition judéo-chrétienne) ou parce qu’il est perçu comme le plus évolué des animaux (suivant une interprétation idéologique de la théorie de l’évolution) […] » Un animal comme un autre. De la reconnaissance des animaux comme autrui vers leur reconnaissance comme égaux, projet de thèse de Christiane Bailey, 2014. |
↑9 | Il s’agissait très sérieusement, selon les principes d’une éthique extensionniste (catholique, en l’occurrence), de statuer sur le sort des Indien·nes d’Amérique. En se basant constamment sur La politique d’Aristote (encore un philosophe !), deux hommes d’Église, Sepulveda et Las Casas, tentent d’établir si les Indien·nes sont des esclaves naturel·les (c’est-à-dire, selon la philosophie aristotélicienne, si leur âme est naturellement inférieure, et donc nécessite d’user de la force pour leur propre bien). Selon l’issue de la « controverse », il faudra coloniser par la violence (Sepulveda) ou de façon pacifique (Las Casas). Selon Michel Fabre, « concernant l’identité des Indiens, les contradicteurs disposent de plusieurs grilles. Théologique : sont-ils des démons, des êtres que Dieu refuse, ou des fils de Dieu ? Métaphysique : sont-ils des êtres humains comme nous ou plutôt des êtres d’une humanité inférieure, comme ces “esclaves de nature” d’Aristote ? Un spectre anthropologique : sont-ils des bêtes, des sortes de singes ? Des sauvages, de bons sauvages, comme le pense Colomb au début de son exploration ? Ou des barbares cruels qui se livrent à des exactions de toutes sortes et en particulier à des sacrifices humains ? Ne sont-ils pas finalement des hommes semblables à nous, ni meilleurs ni pires ? ». Michel Fabre, « La controverse de Valladolid ou la problématique de l’altérité », Le Télémaque, 2006/1 (n° 29), p. 7-16. |
↑10 | Nicolas Bancel et al., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, Paris, La découverte, 2014, p. 7. |
↑11 | Ibid., p. 19. |
↑12 | « Les universitaires qui travaillent sur les intersections entre les critical animal studies et les critical disability studies défendent l’idée que l’oppression des animaux non humains et celle des personnes handicapées sont inter- connectées. Les humain·es qui aiment les animaux, qui s’abstiennent de les manger, se font souvent étiqueter de “malades mentaux·ales” ou “fous/folles” ; les psychiatres ont même proposé des diagnostics à l’égard des véganes et des militant·es animalistes, comme le “syndromes anti-vivisection”, le “trouble alimentaire sélectif” ou l’“orthorexie nerveuse”. Les humain·es handicapé·es, comme les personnes racisées, ont été exposées, avec les animaux non humains, dans l’histoire des “freak shows”, tandis qu’iels (handicapé·es et animaux non humains) continuent de voir leur corps réifié et leurs intérêts sacrifiés pour les objectifs du savoir scientifique et des tests médicaux. Les humain·es handicapé·es sont continuellement comparé·es aux animaux non humains, pas seulement dans les insultes, mais également dans la terminologie médicale, avec des effets oppressifs car relevant du spécisme. » Stephany Jenkins, Kelly Montford et al., Disability and Animality. Crip Perspectives in Critical Animal Studies, Routledge, 2020, p.17 (traduction de l’autrice). |
↑13 | Sur ce sujet, lire le récit absolument nécessaire de Sunaura Taylor : Braves bêtes. Animaux et handicapés, même combat ?, Paris, éditions du portrait, 2019. |
↑14 | Depuis le début de mon travail sur ces thèmes, j’ai essayé plusieurs termes, qui recouvraient chacun une réalité partielle du véganisme que j’essayais de proposer : véganisme éclairé, véganisme populaire et, plus récemment, véganisme intersectionnel. Les rares et timides utilisations du terme aujourd’hui ([V]égaux. Vers un véganisme intersectionnel, Montréal, Somme toute, 2021) sont encore largement lacunaires. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe un champ encore en friche, mais fertile, pour le développement rigoureux d’une théorie intersectionnelle du véganisme (en évitant, comme le rappelle la sociologue Sirma Bilge, de le blanchir.) |
↑15 | Fahim Amir, Révoltes animales, op. cit., p. 23 |