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Mesdames, Messieurs, chers amis,
Dans quelques mois, le Parti animaliste fêtera son cinquième anniversaire. Je me souviens très bien de sa naissance et de notre fervente volonté de le faire grandir afin de rendre la question animale incontournable. Cette volonté est intacte. Elle se renforce même jour après jour.
Les atrocités commises chaque année, chaque jour, chaque instant dans notre pays contre des êtres doués de sensibilité ne font qu’accroître le sentiment de révolte et de dégoût de nos concitoyens. Cette abominable injustice est d’autant plus grande qu’elle est banalisée, encouragée et même institutionnalisée.
L’omniprésence de la violence contre les animaux se traduit par des chiffres aussi vertigineux qu’effrayants : nous tuons chaque jour sur notre territoire 3 millions d’animaux terrestres ; et dans les mers et les océans, nos chalutiers en tuent probablement 50 fois plus. Dans une autre mesure, 100 000 animaux de compagnie sont abandonnés chaque année, en particulier pendant l’été. Une partie d’entre eux sont maltraités, martyrisés par des maîtres peu scrupuleux … Des sanctions sont rarement prononcées contre ces actes et, quand il y en a, elles sont scandaleusement dérisoires.
Pendant longtemps, les responsables politiques de notre pays se sont montrés totalement indifférents au sort des animaux. L’entrée du Parti animaliste en politique les a contraints à faire mine de s’en préoccuper. Le score de 2,17 % obtenu par le Parti animaliste lors des européennes de 2019 a toutefois constitué un tournant. Ce score, obtenu sans moyens financiers, sans médiatisation mais avec de nombreux obstacles, a surpris les autres formations politiques.
Il leur a surtout fait prendre conscience que désormais la question animale était une question politique qu’elles ne pourraient plus ignorer. Cet intérêt soudain, et bien entendu opportuniste pour nombre d’entre elles, n’a guère amélioré le sort des animaux. L’ensemble des promesses, pourtant peu ambitieuses, n’ont même pas été tenues par le Président de la République et par son gouvernement.
Permettez-moi de dresser une liste non-exhaustive de ces promesses :
– L’interdiction de l’élevage en cage des poules pondeuses : non tenue !
– La vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs : non tenue !
– L’interdiction du broyage des poussins : non tenue !
– L’abolition des spectacles d’animaux sauvages dans les cirques : non tenue !
– La fin de l’élevage de visons : non tenue !
– La fermeture des delphinariums : non tenue !
– La réintégration dans les programmes scolaires d’une éducation au respect des animaux : non tenue !
– La reconnaissance à tout animal sauvage du statut d’être vivant doué de sensibilité : non tenue !
Le gouvernement et le Chef de l’État n’ont pas seulement manqué à leurs promesses, ils ont aussi eu l’impudence de soutenir un ensemble de mesures désastreuses pour les animaux. Il en est ainsi de la politique pro-chasse menée de manière éhontée depuis 2017. Le prix du permis de chasse a par exemple été divisé par deux. Il a été annoncé le retour des chasses présidentielles. Les silencieux sur les fusils ont été autorisés, ce qui facilite le braconnage et empêche les animaux de fuir… Et que dire du privilège inique accordé aux chasseurs en plein confinement ? Ils étaient les seuls à pouvoir s’adonner à leur loisir mortifère pendant que nous, habitants des campagnes, nous étions astreints à ne pas sortir sous peine de sanction !
Les défenseurs des animaux n’ont pas non plus été épargnés. La complaisance des autorités avec les tenants de l’exploitation animale aurait même quelque chose de comique si elle n’était pas scandaleuse. En 2019, le Gouvernement a en effet créé la cellule Déméter qui associe les services de gendarmerie et les syndicats agricoles les plus hostiles aux défenseurs des animaux : la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Cette cellule a ouvertement pour objectif de lutter contre « l’agribashing ». Ce néologisme grotesque a été forgé et promu par les syndicats de l’agro-industrie et en premier lieu la FNSEA. Leur but était de bâillonner les acteurs de la société civile qui ont le courage de proposer un autre modèle agricole – un modèle respectueux des êtres humains, des animaux et de l’environnement.
Plus récemment, la FNSEA elle-même indiquait avec fierté que le Ministre de l’Agriculture actuel, Julien Denormandie, est « un bon porte-parole mais il est bien guidé par la FNSEA ». Cette allégeance des Ministres de l’Agriculture au premier syndicat agricole n’est malheureusement pas nouvelle. On se rappelle que Dominique Bussereau, Ministre de l’Agriculture sous Jacques Chirac, disait avoir eu l’impression de passer un entretien d’embauche avec la FNSEA avant sa nomination. Cela résume parfaitement le verrouillage institutionnel empêchant la question animale d’avancer. Cela indique aussi et surtout que notre démocratie traverse une crise profonde.
Dans leur immense majorité, nos concitoyens sont favorables à ce que les animaux soient mieux protégés mais leurs attentes se heurtent à la puissance des lobbies de l’industrie agroalimentaire et à leurs relais politiques. Alors que le fossé entre les citoyens et leurs représentants est de plus en plus grand, il est urgent de restaurer la confiance dans nos institutions.
Le Parti animaliste s’y emploie depuis sa création, élection après élection. Il reçoit un écho toujours plus favorable des citoyens qui sont de plus en plus nombreux à lui témoigner leur soutien. Cette installation dans le paysage politique, médiatique, ne se fait évidemment pas sans heurts.
D’aucuns déclarent en effet que le Parti animaliste s’en prend à notre tradition française, en particulier gastronomique, parce que nous réclamons (comme d’ailleurs l’ensemble de la communauté scientifique) que les protéines végétales, qui sont si préférables aux protéines animales, soient mieux valorisées. Ces contempteurs du Parti animaliste estiment que notre dégoût pour les abattoirs serait suspect, et que nous nous en prenons même à notre héritage culturel, à notre identité. Mais c’est parce qu’ils ne connaissent pas notre pays, c’est parce qu’ils mésestiment son histoire, en particulier son histoire intellectuelle. Ils jugent que l’existence des abattoirs est consubstantielle à la France ; ils caricaturent notre pays, le réduisent à quelques images d’Épinal, à la poule au pot ou au gavage des oies. La France, c’est cela – hélas. Mais c’est heureusement aussi, c’est heureusement surtout le courage de prendre la défense de ceux qui ne peuvent pas se défendre. La France, c’est l’esprit critique, c’est la force de s’élever contre des traditions dépassées, ineptes et injustes, contre l’arbitraire des privilèges ; c’est la lucidité d’abandonner ce qui ne va pas, ce qui ne va plus ; c’est avoir la volonté de provoquer des changements quand ces changements sont nécessaires, quand ils sont réclamés par le bon sens, quand ils sont exigés par la justice. La France, c’est l’éthique animale défendue par les plus brillants esprits du siècle des Lumières, par les Jean-Jacques Rousseau, par les Maupertuis, par les Condorcet, par les Voltaire, et par tant d’autres qui ont façonné nos institutions et éclairé notre esprit. Ce sont eux qui nous ont enseigné que le seul critère de l’attribution des droits est la capacité à sentir et que les animaux devraient être à ce titre protégés juridiquement.
Être français, c’est ne jamais oublier cette importante leçon. Être français, c’est être audacieux, audacieux comme nous l’avons toujours été au sein de notre mouvement. Parce que, croyez-moi, il en faut de l’audace pour fonder un parti politique qui se bat pour des êtres qui ne pourront jamais voter pour lui ; de l’audace, encore, pour se présenter à des élections sans argent, sans notoriété, sans appui médiatique ; de l’audace, toujours, pour faire l’annonce que je m’apprête à vous faire…
Il y a quelques semaines, les membres du Parti animaliste m’ont désignée pour défendre la cause animale lors de la prochaine élection présidentielle. Par cette candidature, nous entendons hisser la cause animale au rang des sujets majeurs dont notre société doit s’emparer dans les années à venir. Ce que nous faisons subir aux animaux nous concerne tous. Nous ne pouvons plus nous dérober. Les citoyens l’ont compris ; les responsables politiques devront eux aussi enfin le comprendre et tirer les conséquences qui s’imposent.
Ma candidature est une réponse à l’irresponsabilité de ceux qui nous dirigent. Elle est aussi le résultat de leurs trahisons, de leur obsession du court terme, de leur empressement à servir les intérêts des plus riches et des plus influents – au détriment de la justice, de la plus élémentaire moralité et de la volonté populaire. Je ferai tout, nous ferons tout, pour que cette candidature soit aussi le remède à leur cynisme.
Je mesure pleinement les difficultés qui nous attendent, les grandes et les petites manœuvres, de tous ceux qui ont intérêt à ce que surtout rien ne change. Soyez assurés que j’assumerai avec tout mon dévouement, toute ma sincérité, et toute ma détermination la mission qui m’a été confiée. Je sais aussi que je pourrai compter sur les membres du Parti animaliste et sur tous ceux qui ont été à nos côtés depuis sa création en 2016. Je veux aujourd’hui leur rendre hommage.
C’est grâce à eux que ce parti, notre parti, est en mesure de mener la bataille de la présidentielle. Je les remercie du fond du cœur et leur dis toute l’admiration que j’ai pour leur énergie, pour leur courage et pour leur dévouement. Avec eux, je suis certaine que nous pouvons influer sur le cours de cette campagne qui commence ; nous pouvons mettre la protection et les droits des animaux sur le devant de la scène politique et médiatique. Je sais aussi pouvoir compter sur un nombre croissant de citoyens, qui verront dans ma candidature un espoir que soit enfin pris en considération ceux dont on dit qu’ils « ne comptent pas ».
C’est cet espoir qui accompagne et nourrit notre démarche depuis cinq ans. Un espoir, oui, et non une simple rêverie ou je ne sais quelle utopie. Des changements concrets sont urgents et nécessaires, les mesures que nous porterons lors de cette élection à venir le sont tout autant.
La première est réclamée par une majorité de nos concitoyens depuis longtemps déjà : la création d’un ministère de la condition animale. Ce ministère devra être totalement indépendant du ministère de l’agriculture. Il est en effet inadmissible que les animaux demeurent en proie aux conflits d’intérêts qui gangrènent ce ministère.
La seconde grande mesure que nous porterons concerne la sécurité alimentaire, entendue comme l’assurance de pouvoir disposer des aliments de bonne qualité et en qualité suffisante chaque jour. Des millions de tonnes de nourriture sont produites chaque année en France… pour nourrir des cochons, des poules ou des moutons que l’on enverra ensuite à l’abattoir. Comment tolérer que pour produire en moyenne 1 kilo de protéine animale, on doive utiliser 7 kilos de protéines végétales ? Comment tolérer un tel gaspillage de ressources, un tel gâchis alors que plus de 5 millions de français ne mangent pas tous les jours à leur faim ?
Le Parti animaliste réclame une remise à plat de notre modèle agricole et alimentaire. Il faut en particulier réévaluer notre attachement irrationnel aux produits d’origine animale et valoriser les protéines végétales, plus digestes et moins cancérigènes. Des initiatives comme le Lundi vert se développent en France ; elles doivent être encouragées dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les prisons.
Il faut aussi aider les moins favorisés d’entre nous à consommer plus de fruits, plus de céréales, plus de légumes, plus de légumineuses – et moins de viande et de fromage. La surconsommation de ces nourritures est dévastatrice pour notre santé ; la vente de produits carnés et laitiers rapporte à une poignée d’industriels des sommes colossales. Elle coûte à notre collectivité des sommes encore plus importantes. Dans ce cas, comme très souvent, les profits sont privatisés mais les pertes socialisées.
Le Parti animaliste porte également, et logiquement, la fin pure et simple de l’élevage industriel et intensif. Ce mode d’élevage conduit à la commission systémique d’atrocités envers les animaux, à une catastrophe écologique et sanitaire. Il constitue une tache sur notre humanité.
Comment peut-on seulement considérer la France comme une nation développée, civilisée, tout en tolérant que sur notre territoire des millions d’animaux soient mutilés atrocement, castrés, écornés à vif comme ils le sont aujourd’hui ? Comment souffrir qu’on les arrache à leurs congénères, à leurs enfants, à leur mère, qu’on les prive de la possibilité même de se retourner dans une cage ou de voir la lumière du jour ? Ce que nous faisons à ces êtres est impardonnable.
Les horreurs qui se déroulent derrière les murs des élevages industriels ont longtemps été cachées aux Français ; ce n’est plus le cas désormais. Personne ne s’étonnera donc que 90 % d’entre eux soient opposés à l’élevage concentrationnaire. Si le Parti animaliste accédait au pouvoir, cette attente raisonnable serait enfin entendue et les élevages industriels fermeraient. Cela impliquera naturellement d’accompagner les éleveurs dans cette transition. N’oublions jamais qu’ils sont victimes eux aussi de ce système totalement insensé.
Nous déchargeons notre mauvaise conscience sur eux, nous en faisons les boucs émissaires de ce système, alors qu’ils en paient eux aussi les conséquences. Ils comptent parmi les Français les plus touchés par le surendettement, le désespoir et le suicide. Le Parti animaliste est le seul à leur proposer de sortir de cette impasse. Il offrira des possibilités de reconversion de ces éleveurs vers une agriculture végétale et de développement de cette filière.
On entend encore quelquefois que les animalistes seraient les ennemis des éleveurs, qu’ils ne se préoccupent pas des êtres humains, ou encore qu’ils se soucient d’abord des animaux. En vérité, nous voulons que le sort des humains et des animaux s’améliore. Il ne s’agit pas d’accorder moins à tel ou tel groupe, mais d’accorder plus à tous ceux qui souffrent. Notre empathie n’est pas sélective.
C’est pour cela sans doute que notre mouvement est constitué de personnes de toutes origines, de toutes religions, de tous milieux sociaux, de citadins et de ruraux, de femmes et d’hommes, de jeunes et de moins jeunes. Le mouvement animaliste regroupe des personnes qui ne se croiseraient sans doute pas si elles n’avaient pas, chevillé au corps, un immense désir de justice et une foi indéfectible dans les progrès de l’esprit humain. Car au sein du Parti animaliste, voyez-vous, nous avons une certaine idée de l’humanité.
Nous constatons, comme tout le monde évidemment, que notre espèce exerce une domination absolue sur l’ensemble des autres espèces. Les animaux domestiques, les animaux sauvages sont désormais à notre merci. Pourtant cette puissance pourrait n’être qu’un leurre qui masque nos vulnérabilités. Nous nous flattons souvent d’appartenir à une espèce en tout point extraordinaire, une espèce qui a accompli dans le domaine des arts, des sciences et des techniques des prouesses inouïes. Mais un grand pouvoir donne de lourdes, de très lourdes responsabilités. Or à l’heure actuelle, nous ne les assumons pas. Nous manquons à tous nos devoirs. Nous nous comportons comme des tyrans sanguinaires, des tyrans sourds à la détresse des animaux d’aujourd’hui et des hommes de demain, alors que c’est avec bienveillance, prudence et sagesse que nous devrions veiller sur les êtres qui peuplent avec nous le monde.
Mais il est encore temps de changer de cap, il est encore temps d’assumer cette grande, cette suprême responsabilité.
Je vous remercie.
Hélène Thouy et Renan Larue sont également les auteurs de Sauver les animaux et nous sauver nous-mêmes (Bordeaux, Bord de l’eau), ouvrage paru en février 2022 à l’occasion de la campagne présidentielle française. Dans cet essai, ils présentent les fondements de l’animalisme politique, l’importance que la question animale a prise désormais dans le débat publique et plusieurs propositions défendues par le Parti animalistes. Le livre raconte en outre l’histoire de ce jeune parti, les obstacles qu’il a dû affronter et ses premiers succès électoraux.