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La gestion de la forêt est un sujet qui est source de nombreuses tensions et incompréhensions entre les animalistes, les écologistes, les forestiers, les chasseurs… Dans cet article, l’auteur propose de réfléchir à une gestion rationnelle et non spéciste de la forêt, en prenant en compte les intérêts des individus sensibles qui y vivent.
De nos jours, la forêt est un espace naturel souvent fantasmé. Elle représente pour de nombreuses personnes l’exact opposé des milieux urbains : un lieu sacré où règne l’harmonie et l’ordre naturel, sur lequel les humains se devraient d’avoir le moins d’impact possible. Pourtant, dans les faits, les écosystèmes forestiers sont caractérisés par un interventionnisme humain permanent et extrêmement important. À travers l’exploitation forestière, la production de bois et l’utilisation de la forêt comme espace de loisir, les forestiers aménagent, coupent, plantent et planifient la gestion des forêts à plus ou moins long terme. Comme les forêts sont aussi des lieux de vie pour une multitude d’animaux (mammifères, oiseaux, amphibiens et insectes), cet interventionnisme entre régulièrement en conflit avec leurs intérêts, notamment à travers la pratique de la chasse. Aussi cet article se propose-t-il d’aborder d’un point de vue antispéciste et utilitariste les différentes problématiques liées à la prise en compte de ces intérêts dans le cadre de la gestion forestière. Quels intérêts devons-nous prendre en compte ? Auprès de qui avons-nous des devoirs ? Comment concilier la gestion multifonctionnelle d’une forêt (fonctions productive, sociale et environnementale) dans une perspective antispéciste ?
Auprès de qui avons-nous des devoirs ?
L’antispécisme, dans sa définition la plus commune, consiste à refuser l’appartenance à une espèce comme critère de discrimination pertinent d’un individu. Il propose plutôt de prendre en compte le critère de la sentience, c’est-à-dire la capacité d’un individu à éprouver du bien-être ou de la souffrance. Nous aurions ainsi des devoirs envers un individu si et seulement si cet individu est sentient. Combiné à l’utilitarisme, l’antispécisme implique donc qu’une action est bonne si et seulement si elle permet de maximiser le bien-être et de minimiser la souffrance des individus sentients. Au sein d’un écosystème forestier, il paraît donc évident que nous devons tenir compte des intérêts des mammifères, oiseaux et autres vertébrés qui y vivent. Le cas des insectes est un peu plus délicat. L’existence de leur sensibilité ne faisant pas l’objet d’un réel consensus scientifique, le principe de précaution doit ici s’appliquer. En revanche, et bien que le sujet soit à la mode depuis quelques années à travers la publication de nombreux ouvrages dédiés à cette question [1], rien ne tend à montrer que les végétaux possèdent une quelconque forme de sentience [2]. Puisque l’utilitarisme présuppose que le bien-être d’un individu est la seule valeur moralement pertinente, et que les végétaux ne sont pas des patients moraux pouvant éprouver du bien-être, alors nous devons conclure que nous n’avons pas de devoir particulier envers eux et que nous ne devrions pas accorder une valeur inhérente à un arbre. Cela dit, on peut lui accorder une valeur extrinsèque [3], par exemple dans le cas où un individu sentient y aurait élu domicile. On peut également considérer qu’une forêt étant l’habitat naturel d’un cervidé, chacun des arbres composant cette forêt possède une certaine valeur extrinsèque intimement liée au fait que leur présence est nécessaire aux bonnes conditions de vie dudit cervidé, qui pourra ainsi satisfaire ses impératifs biologiques. On peut aussi être attristé de la coupe d’un vieux chêne majestueux ou d’une parcelle de hêtres centenaires, car cette coupe dégrade un paysage que l’on prenait plaisir à regarder. Mais nous ne devrions pas nous attrister de cet abattage pour les arbres eux-mêmes, ni pour la « Nature » ou pour la « Forêt » qui ne sont pas des entités pourvues de volonté ou d’émotions.
Hélas, l’idéologie qui prédomine actuellement dans les milieux écologistes et environnementalistes défend une éthique naturaliste, qui se veut porte-parole des intérêts de la « Nature », de la biodiversité et des espèces. Au nom de cette éthique, l’important serait non pas de prendre en compte les intérêts de chaque individu sensible, mais plutôt de veiller au bon fonctionnement des écosystèmes et à leur pérennité, quelles que soient les conséquences sur les individus qui y vivent. Les animaux y sont perçus comme les rouages d’une grande machine dont la population doit impérativement être régulée pour que les mécanismes de la « Nature » ne se grippent pas. Une conséquence funeste de cette vision holiste de la nature est une dévalorisation des individus sentients, qui sont considérés comme interchangeables et dont l’individualité est niée au profit de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Dans cette logique environnementaliste, une forêt dans laquelle 50 chevreuils adultes sont tués par des chasseurs et où, dans le même laps de temps, 50 jeunes chevreuils atteignent la maturité sexuelle, est une forêt gérée de manière excellente, puisque l’équilibre naturel de l’écosystème est préservé.
Cette approche est erronée, principalement pour deux raisons. La première est bien sûr l’absence de considération pour l’intérêt à vivre des chevreuils. Leur volonté de mener une vie sociale et familiale, de profiter des plaisirs simples de la vie à l’instar de nos chats et chiens domestiques et de tout autre animal sentient, doit nous amener à percevoir la vie d’un chevreuil comme une existence faite d’expériences subjectives, et non pas comme un chiffre de plus dans un tableau Excel que l’on doit compenser par une balle jaillissant d’une arme à feu. La deuxième raison, moins évidente, concerne la croyance en l’harmonie censée régner au sein d’un écosystème qui serait en état d’équilibre. Le problème est qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la stabilité des populations au sein d’un écosystème et le fait que ses habitants y vivent en harmonie. Il est même aisé d’imaginer un écosystème au sein duquel les populations, par exemple, de renards et de lièvres sont parfaitement constantes d’année en année sans que ces animaux entretiennent des relations harmonieuses. De la même manière, il est insensé, voire cynique, de penser que nous aidons les chevreuils à vivre en harmonie en en tuant chaque année plus de 500 000 sur le territoire français [4].
La régulation des animaux est-elle une nécessité ?
Pour autant, dans le cadre d’une gestion durable et écologique des forêts, il apparaît nécessaire dans certains cas d’exercer un contrôle de la population de certaines espèces, à la fois dans l’intérêt des animaux non humains (pour préserver leur milieu de vie) et dans l’intérêt des êtres humains (pour rendre possible la production du matériau bois). Pour le comprendre, il est nécessaire d’aborder quelques notions fondamentales de gestion forestière.
En France, la majorité des forêts sont cultivées selon un mode de gestion appelé « futaie régulière [5] ». Une futaie régulière signifie qu’à l’échelle d’une parcelle, tous les arbres des essences principales sont globalement du même âge. On parle alors de peuplements équiens. La futaie régulière passe successivement par plusieurs stades, chaque stade s’accompagnant d’un certain nombre d’opérations sylvicoles (plantation, entretiens, 1re éclaircie, élagage, 2e éclaircie, etc.). À la fin de chaque cycle, l’ensemble du peuplement est coupé, soit directement dans son entier, soit par le biais de coupes progressives réparties dans le temps. Sur le schéma ci-dessous est représenté le cycle d’une futaie régulière de chênes se déroulant sur 150 ans.

L’étape la plus importante pour la régénération des forêts est bien sûr le renouvellement des semis à l’issue de la coupe finale. Elle peut être effectuée soit par plantation, soit par régénération naturelle (germination d’un grand nombre de graines issues des arbres préalablement coupés). C’est à ce stade de la régénération que certains animaux posent problème, puisque les cerfs et les chevreuils raffolent de ces plants. Ayant une très forte appétence pour les plants de chênes, de sapins pectinés et de merisiers, et dans une plus faible mesure pour les plants de douglas, de pins, de mélèzes ou de châtaigniers, ces animaux exercent une pression sur leur environnement qui peut très largement compromettre le renouvellement d’une parcelle forestière. De plus, la période de sensibilité des plants dure jusqu’à ce que le bourgeon terminal de l’arbre soit hors d’atteinte des animaux, soit 1,50 m pour le chevreuil et 2 m pour le cerf. Ces hauteurs correspondent à environ 5 ans pour un arbre résineux et 8-10 ans pour un arbre feuillu. Les jeunes résineux sont également sensibles à l’écorçage par le cerf durant quelques années supplémentaires. La pression exercée est bien sûr d’autant plus forte que la densité de population des cervidés est élevée. Le sanglier, pour sa part, a une fâcheuse tendance à déterrer les plants, et un troupeau de sangliers peut ravager l’intégralité d’une plantation en une nuit, sans oublier qu’il raffole des glands et autres graines. Une forte population de sangliers peut également induire un tassement du sol par endroits, rendant difficile la germination de nouvelles graines ou le développement d’un sous-étage de végétation. Notons que la pression de ces animaux sur le renouvellement des forêts est aussi présente, bien que dans une moindre mesure, dans les forêts gérées en « futaie irrégulière », c’est-à-dire composées d’arbres d’âge différents, où les travaux sylvicoles, les coupes et le renouvellement des semis se réalisent de manière concomitante. D’après un récent rapport de l’Office National des Forêts [6], 34 % des forêts domaniales françaises présentent des densités de population animale incompatibles avec la capacité naturelle d’accueil du milieu. On peut donc en conclure que, selon les régions et les essences forestières présentes, un certain contrôle des populations animales est la plupart du temps nécessaire. Face à ce constat, comment concilier le respect des intérêts fondamentaux des animaux et la gestion forestière ?
On pourrait avancer que ce problème ne se pose pas et qu’il suffirait de diminuer notre interventionnisme en forêt et de freiner son exploitation. Seulement, la forte densité d’ongulés en forêt ne met pas seulement en péril le secteur de l’exploitation forestière et du bois, mais la forêt elle-même et donc, sur le long terme, le milieu de vie de ces animaux. De plus, on peut arguer que l’exploitation forestière est une composante très importante dans la lutte contre le réchauffement climatique. La forêt ayant un rôle de capture du CO2 atmosphérique via le processus photosynthétique, la coupe des arbres permet par la suite de sortir le CO2 capturé du cycle forestier, afin de laisser la place à de nouveaux arbres qui vont à leur tour continuer à capturer le CO2. En un sens, le productivisme et l’exploitation forestière intensive pourraient se révéler des alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique, sous réserve bien sûr d’une bonne conservation de la qualité des sols. Enfin, même si l’arrêt de l’exploitation forestière pouvait représenter une solution temporaire en faveur des animaux, elle ne serait pas viable sur le long terme, puisqu’en l’absence de prédateurs, de nombreux individus continueraient à se reproduire de façon incontrôlée jusqu’à aboutir à une situation où la majorité mourraient de faim, faute de végétation suffisante à leur disposition. Se pourrait-il donc que la chasse des cerfs, chevreuils et sangliers soit finalement un mal nécessaire, c’est-à-dire un outil que nous devrions accepter d’utiliser même au sein d’une société antispéciste ? Il me semble qu’il est ici nécessaire de séparer deux cas de figure : ce que nous pourrions faire actuellement, dans notre société profondément spéciste, et ce que nous aurons le devoir de faire dans une future société se souciant réellement des intérêts des animaux, à l’instar par exemple de celle décrite par Sue Donaldson et Will Kymlicka dans leur ouvrage Zoopolis [7].
Dans le premier cas, il convient d’analyser la problématique de la chasse au regard de l’exploitation animale dans sa globalité. Durant la saison 2017-2018, environ 760 000 sangliers, 590 000 chevreuils et 60 000 cerfs ont été officiellement tués en forêt, représentant un total de 1,4 million d’individus [8]. Sur la même période, 1 milliard d’animaux terrestres ont été égorgés dans les abattoirs français et 16 milliards d’animaux marins ont été asphyxiés sur les navires de pêche. Les victimes de la chasse pour des raisons “régulatrices” représentent donc 0,14 % des animaux terrestres et 0,008 % de la totalité des animaux tués pour nourrir les consommateurs français. Ces chiffres n’ont aucunement pour objectif de minimiser la mort des animaux tués en forêt, mais plutôt de mettre en évidence leur insignifiance relative vis-à-vis du nombre d’animaux tués en abattoir, car les cerfs, chevreuils et sangliers sont également consommés par les chasseurs et leur entourage pour leur viande. Or, quel que soit le regard que l’on porte sur la pratique de la chasse, il nous faut reconnaître que la viande issue des animaux chassés est sans nul doute la viande « la plus éthique » ou « la moins immorale ». En effet, contrairement aux animaux d’élevage (intensif ou extensif), les animaux chassés jouissent durant toute leur vie d’une liberté totale, sont libres d’établir à leur guise des relations sociales, évoluent dans un environnement répondant à leurs impératifs biologiques et ont en règle générale une espérance de vie bien plus longue que les animaux d’élevage. Une conséquence logique de l’interdiction de la chasse serait un transfert de la consommation de viande de gibier vers la viande d’animaux d’élevage, ce qui, d’un point de vue utilitariste, est tout sauf souhaitable, puisque cela aboutirait à court terme à une diminution globale du bien-être des animaux consommés pour leur viande (bien qu’il semble possible que les animaux d’élevage puissent, si les éleveurs en prennent soin, jouir de meilleures conditions de vie que leurs homologues sauvages confrontés à la faim, la soif, le froid et la peur des prédateurs). S’il est important sur le plan de la bataille idéologique et symbolique de combattre la pratique de la chasse et de préparer la société à une gestion différente de la faune sauvage, on peut tout de même se demander si cette activité ne devrait pas être perçue comme une des dernières formes d’expression du spécisme à abolir, de la même manière que l’abolition des petits élevages paysans ne devrait sans doute pas constituer une priorité face à l’horreur des élevages concentrationnaires industriels.
Dans le deuxième cas de figure, d’aucuns affirment qu’une société antispéciste devrait voir le retour des grands prédateurs dans nos forêts. En effet, la nécessité de contrôler les populations actuelles de certaines espèces est une conséquence directe de l’élimination des grands prédateurs tels que le loup. On peut donc raisonnablement penser que la réintroduction d’une grande population de loups dans nos forêts françaises devrait pouvoir régler assez rapidement les problèmes de surpopulation des herbivores. Hélas, défendre cette solution revient une fois encore à tomber dans les travers de l’éthique naturaliste, qui néglige les individus ayant des intérêts à vivre. En effet, il n’y a aucune raison de penser que la régulation par les loups serait une meilleure chose que la régulation par les chasseurs humains. Certes, intuitivement, on a tendance à penser que le bien-être des animaux sauvages était meilleur avant l’apparition de la chasse, et que l’objectif à atteindre serait de faire retrouver à la forêt son état antérieur. Il n’est pourtant pas évident que la situation des proies soit moins bonne depuis que les prédateurs non humains ont été remplacés par des prédateurs humains. On peut même raisonnablement penser que la mort d’un chevreuil entre les crocs d’un loup est plus atroce et douloureuse que de la main d’un chasseur, même mauvais tireur, surtout que de nouvelles techniques de chasse pourraient être développées pour entraîner moins de souffrance qu’avec les méthodes traditionnelles. En tant qu’antispécistes, nous pouvons donc envisager dans la situation actuelle de faire une place à la chasse afin de diminuer, dans la mesure du possible, la souffrance et la mort chez nos congénères non humains [9], avec pour objectif l’abolition de la chasse sur le long terme.

Il serait donc souhaitable de mettre en place et encourager des méthodes de substitution à la chasse, comme la stérilisation à grande échelle. Cette méthode présente en effet de multiples avantages : elle n’attente à la vie d’aucun individu, a un impact très relatif sur la qualité de vie des animaux stérilisés (en supposant qu’une femelle cervidé ou sanglier puisse souffrir de ne pas avoir de progéniture, ce qui n’est pas démontré) et peut être réalisée par ceux qui sont déjà au premier plan de la régulation des espèces, les chasseurs eux-mêmes. La stérilisation par un vaccin immuno-contraceptif a déjà été expérimentée dans plusieurs régions des États-Unis, notamment sur le cerf, le sanglier, le coyote, le chien sauvage, le chat sauvage, l’écureuil [10]… Ce vaccin cause une infertilité d’une à quatre années, tout en ne bloquant pas totalement la production d’hormones nécessaires au bien-être et à la santé des animaux.
À ce stade, il paraît intéressant de dresser un parallèle entre la situation des humains et celle des non-humains dont il est question dans cet article. De la même manière que les ongulés exercent une pression délétère sur leur écosystème forestier en cas de surpopulation, les humains ne sont pas en reste à l’échelle de la planète. La pression exercée par les humains sur leur environnement est le produit de deux termes : le nombre d’individus et l’action prédatrice de chacun d’eux sur l’écosystème planétaire. Bien qu’il soit possible, et même souhaitable, de mettre en place une politique globale de réduction de l’impact des humains sur leur milieu naturel au niveau individuel, l’accroissement de la population humaine est également une des causes majeures de l’augmentation de la pression que cette espèce exerce sur son environnement. Nous nous retrouvons donc, là aussi, face à une éventuelle nécessité de réguler la population d’une espèce. Par souci d’équité, il nous faut considérer qu’aux mêmes maux nous devons appliquer les mêmes remèdes. Or, il nous paraîtrait moralement inacceptable de massacrer une partie des êtres humains par souci de régulation. Si cela nous paraît immoral, alors la chasse des animaux non humains pour les mêmes raisons devrait nous paraître tout aussi immorale, du moins si l’on pense que les non-humains et les humains possèdent le même intérêt à vivre. La régulation par stérilisation imposée aux humains semble également contre-intuitive, il est donc tentant de la refuser aussi pour les non-humains. Seulement, l’intérêt à se reproduire des humains et des non-humains n’est sans doute pas équivalent. En effet, il est probable que les animaux non humains n’éprouvent pas une frustration due à l’impossibilité de se reproduire, du moins pas autant que les humains qui, eux, vivent dans des sociétés où l’idéologie “pro-reproduction” est très marquée. On pourrait donc conclure que cette méthode de régulation, bien qu’elle semble immorale pour l’espèce humaine, serait acceptable pour les autres espèces. Cela dit, d’un point de vue utilitariste, on peut aussi affirmer que la stérilisation ou, du moins, l’instauration d’une politique publique incitative de réduction des naissances devrait tout de même être appliquée aux humains, puisqu’elle permettrait d’éviter sur le long terme une trop forte diminution du bien-être collectif. En somme, quelle que soit l’espèce dont il est question, chats domestiques, chevreuils ou humains, nous avons un devoir moral d’intervenir pour augmenter le bien-être global de tous les individus sensibles, quitte à remettre en cause, si nécessaire, certaines libertés individuelles telles que la reproduction.
En résumé, il apparaît clair que la régulation de certains ongulés est nécessaire à la pratique vertueuse et durable de la gestion forestière, autant pour l’intérêt des animaux eux-mêmes que pour des raisons environnementales et économiques. La continuité de la pratique de la chasse ou la réintroduction des grands prédateurs n’étant pas envisageable dans une société non spéciste, la régulation par stérilisation ou contraception apparaît comme une solution idéale sur le long terme. Bien que l’abolition de la chasse n’a peut-être pas à devenir l’objectif premier des militants animalistes, il est certain que nous devons préparer les forestiers et les chasseurs à de nouvelles manières de gérer la faune sauvage, et les accompagner dans le développement d’autres pratiques, par exemple en mixant dans un premier temps la pratique de la chasse avec des campagnes de stérilisation des animaux. Il est également de notre responsabilité de soutenir des expérimentations scientifiques sur l’élaboration de méthodes contraceptives les plus spécifiques et efficaces possible. Il en va de l’avenir de nos forêts et du bien-être de nos congénères non humains qui y habiteront.
Notes et références
↑1 | Peter Wohlleben, La vie secrète des arbres, Les Arènes, 2017 ; Stefano Mancuso, L’intelligence des plantes, Albin Michel, 2018. |
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↑2 | Lincoln Taiz et al., « Plants neither possess nor require consciousness », Trends in Plant Science, 2019. |
↑3 | Qui ne dépend pas de sa « nature » ou de son « essence » |
↑4, ↑8 | Christine Saint-Andrieux, Aurélie Barboiron, « Tableaux de chasse ongulés sauvages, saison 2017-2018 », Faune sauvage, 320, 2018. |
↑5 | Service de la Statistique et de la Prospective du Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, « La forêt et les industries du bois », p. 48, 2013. |
↑6 | Office National des Forêts, « Bilan patrimonial des forêts domaniales », p. 193, 2015. |
↑7 | Sue Donaldson et Will Kymlicka, Zoopolis. Une théorie politique des droits des animaux, Alma, 2016. |
↑9 | François Jaquet, « Faut-il intervenir dans la nature ? », Antispéciste.ch, 30 septembre 2019. |
↑10 | Éric Baubet, « Sanglier et contraception : le point sur la situation actuelle », Faune sauvage, 288, 2010. |