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La biologie de la conservation est une discipline singulière ayant pour objectif d’assurer l’intégrité et la viabilité des espèces et des écosystèmes. En s’appuyant sur les théories développées par l’écologie scientifique et les données récoltées à travers des dispositifs expérimentaux, les biologistes de la conservation participent à l’élaboration des plans de sauvegarde de la biodiversité. Ces opérations impactent directement les animaux sauvages, dont certains sont capturés, enfermés, transportés, stérilisés, empoisonnés, piégés ou abattus au nom de la conservation de la nature. Depuis une dizaine d’années cependant, le bien-fondé de ces pratiques est questionné, tout autant par des scientifiques provenant des sciences du bien-être animal que par des biologistes de la conservation. Un groupe de chercheuses a particulièrement suscité l’attention en défendant une « conservation compassionnelle », sensible au respect de l’individualité animale. L’émergence de ce mouvement, qui soulève la question de la compatibilité entre les objectifs de conservation de la biodiversité et les intérêts des animaux sauvages, a engendré beaucoup de réactions au sein de la communauté scientifique. Ce débat révèle le spécisme et l’anthropocentrisme latents chez nombre de chercheuses, et cristallise des oppositions entre des systèmes éthiques fondés sur différents critères moraux (la vertu et le respect de la personne d’un côté, les conséquences des actions de l’autre) et centrés sur des entités différentes (des individus pour l’éthique animale, des entités collectives pour l’éthique environnementale). Ces débats peuvent aider la communauté antispéciste à penser la question des rapports entre l’écologie et l’éthique animale ainsi que le problème de la souffrance des animaux [1] sauvages et de l’intervention dans la nature.
Ce que la biologie de la conservation fait aux animaux
La biologie de la conservation émerge vers la fin des années 1970, en réaction au déclin de la biodiversité. Science pluridisciplinaire [2], alliant recherche fondamentale et applications concrètes, elle est à l’écologie ce que la médecine est à la physiologie : orientée vers l’action, elle vise à sauvegarder, dans l’urgence de la crise écologique, la diversité, l’intégrité et le potentiel évolutif des espèces et des écosystèmes. D’abord focalisée sur la préservation de sites remarquables et d’espèces sauvages charismatiques, la biologie de la conservation s’est depuis ouverte à la préservation de la « nature ordinaire », non moins menacée. Son champ d’action est donc large, des parcs nationaux de Yellowstone ou du Mercantour jusqu’aux forêts tropicales des pays du Sud en passant par les prairies et les étangs de nos campagnes.
Le rôle des scientifiques de cette discipline consiste à évaluer l’état de la biodiversité et à identifier les causes de déclin des populations ou de dégradation des écosystèmes, afin de proposer des réponses concrètes en s’appuyant sur les théories conçues en écologie, en génétique et en biogéographie. Pour ce faire, elles mettent en place des opérations de suivi des populations, élaborent des expériences visant à déterminer l’impact des activités humaines (trafic routier, maritime ou aérien, pollutions, activités agricoles ou extractives, etc.) ou des interactions écologiques (prédation, compétition, parasitisme, hybridation, transmission de maladies infectieuses, etc.) sur les populations et les écosystèmes. Elles participent également à la conception des réserves, à l’élaboration des plans de gestion de la faune et d’aménagement du territoire ainsi qu’au fonctionnement des parcs zoologiques.
Ces opérations de conservation impactent directement les animaux sauvages car elles menacent parfois leur existence et génèrent souvent chez eux des formes de stress sévères et/ou chroniques : certaines expériences nécessitent la capture [3], la manipulation, l’appareillage ou la mise à mort d’individus ; les programmes de conservation effectués ex situ (en dehors des milieux naturels) impliquent la capture, le transport, la reproduction et le maintien en captivité des animaux sauvages ; les plans de préservation in situ (au sein des milieux naturels) nécessitent souvent de capturer, transporter, stériliser, piéger, empoisonner ou abattre des animaux appartenant à des populations jugées surabondantes, non indigènes, envahissantes ou nuisibles.
Les actions de conservation prennent parfois des dimensions d’ampleur. Ainsi, aux États-Unis, le gouvernement a récemment autorisé le tir de 3 600 chouettes rayées [4] dans le but de préserver la chouette tachetée du Nord, avec laquelle elle entre en compétition pour l’espace et la nourriture. De plus, les agents fédéraux chargés de la gestion de la faune sauvage tuent chaque année des centaines de milliers de vachers à tête brune, qui parasitent les couvées d’autres espèces, ou encore des milliers de cormorans à double crête, qui pêchent les truites et les saumons dont les populations sont en déclin [5]. À Yellowstone, plus de 3,4 millions de truites lacustres (intentionnellement introduites en 1890) ont été pêchées depuis 1994 afin de protéger la truite fardée locale [6].
Les plans de préservation in situ (au sein des milieux naturels) nécessitent souvent de capturer, transporter, stériliser, piéger, empoisonner ou abattre des animaux appartenant à des populations jugées surabondantes, non indigènes, envahissantes ou nuisibles.
En France, on peut évoquer l’action des agents de l’Office français de la biodiversité, chargés de l’éradication des « espèces exotiques envahissantes », catégorie regroupant, entre autres, l’ibis sacré, l’écureuil gris, le ragondin, le daim ainsi que le raton laveur. De plus, plusieurs dizaines de milliers d’animaux, sinon des centaines de milliers, vivent en captivité dans les zoos et aquariums, bien qu’une infime partie d’entre eux soient réellement concernés par des programmes de réintroduction [7].
Les sciences du bien-être animal et les animaux sauvages
L’idée que les intérêts des animaux puissent être sacrifiés pour le bien de l’espèce (la leur ou une autre) ou au nom de la préservation des écosystèmes a longtemps constitué une évidence échappant à la réflexion et au débat [8]. Elle est aujourd’hui questionnée par des chercheuses d’horizons disciplinaires différents.
Tout d’abord, des scientifiques issues des sciences du bien-être animal (animal welfare) proposent, depuis une vingtaine d’années et de façon croissante, d’étendre au domaine de la conservation les dispositifs empiriques d’évaluation et de minimisation de la souffrance initialement établis dans d’autres contextes [9]. Ce champ de recherche trouve en effet ses origines dans les réflexions éthiques ayant émergé, dans les années 1960, au sein des milieux de l’expérimentation animale [10] et de l’élevage [11]. Au cours des années 1970 et 1980, des études d’éthologie et de physiologie explorent les besoins, l’incidence du stress et la cognition des animaux domestiques, mais le concept scientifique de bien-être (welfare) et le champ des sciences du bien-être animal n’émergent à proprement parler qu’au cours des années 1990. Initialement centrées sur l’étude des besoins essentiels et sur l’identification et l’évaluation des dimensions négatives de l’expérience (stress, souffrance, détresse, etc.), les sciences du bien-être ont par la suite commencé à intégrer dans leur analyse les dimensions positives de l’existence (qualité de vie, plaisir, etc.), replacées dans un cadre social et relationnel, en prenant en compte les désirs des individus et non uniquement leurs seuls besoins vitaux.
L’idée que les intérêts des animaux puissent être sacrifiés pour le bien de l’espèce (la leur ou une autre) ou au nom de la préservation des écosystèmes a longtemps constitué une évidence échappant à la réflexion et au débat.
Les milieux de la conservation et du bien-être animal se sont longtemps mutuellement ignorés. Michael Soulé, l’un des fondateurs de la biologie de la conservation, considérait par exemple que ces deux domaines étaient conceptuellement distincts et qu’ils devaient demeurer politiquement séparés [12]. Il est vrai que leurs objets d’études originels diffèrent et que leurs valeurs et objectifs divergent : la biologie de la conservation se préoccupe de la préservation des espèces et des populations d’animaux sauvages, tandis que les sciences du bien-être animal se sont développées en étudiant la santé physique et mentale individuelle d’animaux captifs, pour la plupart domestiques. Néanmoins, des chercheuses des deux bords défendent une convergence de la biologie de la conservation et des sciences du bien-être, notamment pour des raisons techniques et scientifiques, car la santé mentale et physique des animaux conditionne leur survie et, par conséquent, la réussite des programmes de conservation. Les programmes de réintroduction connaissent par exemple des taux de mortalité très importants, régulièrement supérieurs à 50 % [13]. En ayant une meilleure connaissance des sources de stress et de souffrance et de leurs impacts sur les animaux, les biologistes de la conservation pourraient raffiner leurs protocoles et espérer obtenir de meilleures chances de succès. Cette convergence entre sciences de la conservation et du bien-être animal est aussi motivée par des raisons éthiques : les sciences du bien-être animal sont fondées sur les principes de l’éthique du bien-être animal, qui postulent que toute souffrance inutile est mauvaise et qu’il est bon, toutes choses égales par ailleurs, de minimiser la souffrance. Appliqués au domaine de la biologie de la conservation, cela revient à évaluer les différentes méthodes de conservation au regard de leurs conséquences en termes de bien-être pour les animaux et d’opter pour les stratégies les moins nuisibles à cet égard.
Pour l’heure, la collaboration entre les sciences de la conservation et les sciences du bien-être se cantonne principalement aux parcs zoologiques et aux opérations de réintroduction. Toutefois, certaines chercheuses prônent un élargissement du champ de leur action et de leur réflexion. David Fraser, chercheur en bien-être animal à l’Université de Colombie-Britannique de Vancouver, et Amelia MacRae, docteure en sciences du bien-être animal, soulignent notamment l’impact des effets indirects et/ou non intentionnels des activités et des infrastructures humaines sur les animaux [14] : pensez par exemple aux animaux percutés sur les routes, aux oiseaux qui heurtent les surfaces vitrées, aux intoxications engendrées par les pollutions de l’air, des eaux et des sols ou encore aux nuisances sonores ou lumineuses. Parce qu’elles génèrent un grand nombre de souffrances chez les animaux sauvages et qu’elles fragilisent dans le même temps les populations en réduisant et en fragmentant leurs habitats et leurs effectifs, les productions et les activités humaines constituent tout à la fois des enjeux de conservation et de bien-être animal. Un autre groupe de chercheuses en sciences du bien-être animal, majoritairement néo-zélandaises et australiennes, ont appelé à la fondation d’une nouvelle discipline, Conservation Welfare [15], qui viserait à développer le bien-être animal au travers des programmes de conservation et de gestion de la faune sauvage.
Néanmoins, ces approches welfaristes ne remettent pas fondamentalement en cause le fait d’exploiter les animaux dans le but de servir des intérêts humains ou à des fins de conservation de la biodiversité [16]. Elles s’opposent uniquement aux méthodes les plus nocives pour les animaux, a fortiori lorsque leur efficacité n’est pas ou peu prouvée. Les promotrices de cette démarche se distinguent explicitement d’une approche fondée sur les droits des animaux, jugée dogmatique. Enfin, la mort en elle-même n’est pas considérée comme un mal [17] – puisqu’un « animal inconscient ne peut expérimenter la douleur » [18] – et n’est donc pas réprouvée moralement. Une mise à mort indolore est donc parfaitement acceptable pour les partisanes du bien-être animal.
Parce qu’elles génèrent un grand nombre de souffrances chez les animaux sauvages et qu’elles fragilisent dans le même temps les populations en réduisant et en fragmentant leurs habitats et leurs effectifs, les productions et les activités humaines constituent tout à la fois des enjeux de conservation et de bien-être animal.
La conservation compassionnelle
Un autre courant, en apparence plus radical, s’est proposé de lier ensemble préservation de la biodiversité et considération pour les animaux sauvages. Celui-ci émerge au sein de la biologie de la conservation au cours des années 2010. Il s’agit de la conservation compassionnelle (Compassionate Conservation, dorénavant CC). L’expression en elle-même apparaît en 2010, à l’occasion d’un symposium à Oxford co-organisé par la Wildlife Conservation Research Unit of Oxford University et la Born Free Foundation, une ONG militant contre la captivité et l’exploitation des animaux sauvages et agissant pour soutenir leur conservation au sein de leurs milieux naturels.
Le mouvement se développe notamment grâce aux efforts de Mark Bekoff. Cet éthologue américain ayant collaboré avec la célèbre primatologue Jane Goodall s’est notamment consacré à l’étude de la cognition animale. Il a par ailleurs dirigé la publication d’un ouvrage collectif portant sur les droits des animaux et le bien-être animal et s’est ouvertement opposé au spécisme et à l’exceptionnalisme humain. Il publie, le premier, des articles sur l’importance de la compassion dans le domaine de la conservation et dirige un ouvrage collectif sur le sujet en 2013 [19]. Il est rapidement suivi dans son travail par d’autres chercheuses, telles que Daniel Ramp, Arian Wallach et leurs co-autrices [20], qui toutes contribuent à fonder, en 2013, le Centre for Compassionate Conservation à l’Université technologique de Sydney, qui regroupe les principales promotrices du mouvement.
La CC n’est pas un mouvement complètement homogène : il englobe des chercheuses dont les positions, parfois ambigües, ont manifestement évolué avec le temps et divergent parfois sur certains points. Ces chercheuses se rassemblent néanmoins autour d’un appel à la compassion, formulé par Marc Bekoff [21]. John Vucetich et Michael Nelson ont ensuite théorisé ce principe en l’ancrant dans l’éthique de la vertu [22], l’idée étant de faire de la compassion la qualité cardinale à cultiver dans nos relations avec les animaux. Toutefois, la CC s’est aussi structurée autour d’une règle issue de l’éthique médicale et transposée par Bekoff au domaine de la conservation : « en premier lieu, ne pas nuire ». Pour beaucoup, ce principe est compris comme une règle inviolable [23] interdisant de tuer tout animal. Toutefois, si Bekoff semble formel sur ce point, celui-ci ne semble pas faire l’unanimité au sein de la CC [24]. Enfin, d’autres principes ont par la suite été ajoutés : l’un reconnait la valeur intrinsèque des animaux en tant qu’individus (et non seulement en tant qu’espèces) ; un autre entérine leur inclusion au sein de la communauté morale sans discrimination liée à leur origine ou à leur degré de rareté ou d’utilité ; et un dernier pose comme objectif la coexistence pacifique entre humaines et animaux.
La CC s’oppose à trois attitudes jugées contraires à la compassion envers les animaux. Tout d’abord le « collectivisme », c’est-à-dire l’attitude qui consiste à prioriser le groupe par rapport à l’individu [25], ce que Tom Regan désignait aussi par le terme de « fascisme environnemental » [26] (en référence aux régimes fascistes dans lesquels les intérêts individuels sont subordonnés à ceux d’une entité supérieure, la nation). Deuxièmement le « nativisme », à savoir l’idée selon laquelle les animaux appartiennent à leur milieu d’origine, qu’ils ne devraient pas quitter, sous peine d’être soumis à des campagnes d’éradication. Enfin, l’ « instrumentalisme », qui désigne la tendance à n’attribuer qu’une valeur instrumentale aux animaux (une fonction économique, esthétique, écologique, etc.).
Concrètement, la CC s’est constituée en réaction à certaines pratiques de conservation, jugées excessivement nuisibles pour les animaux et dont les résultats sont rarement évalués. Les campagnes de régulation ou d’éradication menées contre les prédateurs sont particulièrement visées, qu’il s’agisse de coyotes ou de loups aux États-Unis, ou de renards, dingos ou chats sauvages en Australie. Les promotrices de la CC estiment en effet que ces campagnes, menées sur de larges continents, sont cruelles, coûteuses et inefficaces en raison des phénomènes de migration et d’auto-régulation des populations. Elles défendent le rôle écologique régulatoire des prédateurs et soulignent les bénéfices de leur présence dans les programmes de conservation des populations [27]. Par ailleurs, ces chercheuses critiquent aussi les opérations à l’encontre des populations d’espèces dites « exotiques envahissantes » (EEE). Celles-ci sont particulièrement nombreuses en Australie (chevaux, chats, renards, lapins…), la plupart ayant été introduites au cours de la colonisation européenne. Là encore, les promotrices de la CC pointent la cruauté, le coût et l’inefficacité des mesures d’éradication et le caractère illusoire des projets de reconstitution des écosystèmes passés. S’appuyant sur les tendances récentes de l’écologie, qui montrent le caractère dynamique et adaptatif des écosystèmes [28], elles relativisent les conséquences négatives des espèces allochtones et soutiennent que celles-ci peuvent contribuer à renforcer la résilience des « nouveaux écosystèmes » [29].
À l’inverse des programmes qu’elles décrient, les partisanes de la CC avancent qu’il est possible de mettre en place des programmes ayant un impact positif pour les animaux et la biodiversité. Elles défendent notamment l’usage d’alternatives aux méthodes létales, comme la mise en place de clôtures, le recours aux chiens de garde ou aux systèmes de dissuasion, le déplacement de populations ou le renforcement de la prédation naturelle. Plus généralement, elles soulignent la nécessité d’évaluer scientifiquement et au préalable l’efficacité des programmes de conservation et leur impact sur les animaux sauvages.
Un courant encore loin de faire l’unanimité
Toutefois, la CC a engendré une levée de boucliers au sein de la discipline [30]. Les critiques portées à son encontre sont de natures diverses. Plusieurs chercheuses soutiennent que les mesures létales de régulation des populations sont indispensables à la préservation des espèces et des écosystèmes, la préoccupation la plus récurrente étant liée à la disparition d’espèces au contact de populations invasives (du fait de la prédation, de la compétition ou de l’hybridation) [31]. En outre, beaucoup s’inquiètent des conséquences pratiques de la mise en place des principes de la CC, arguant que ceux-ci mènent à l’inaction en disqualifiant la plupart des méthodes de conservation.
D’autres critiques se situent plutôt sur un plan éthique, en relativisant le statut moral des animaux ou en attaquant les fondements philosophiques de la CC. Certaines chercheuses accusent ainsi la CC d’anthropomorphisme et d’ethnocentrisme : les chercheuses de la CC accorderaient un statut moral aux animaux en leur attribuant de façon artificielle des caractéristiques humaines, ce qui risquerait de dégrader les conditions de vie des communautés humaines marginalisées vivant au contact des populations d’animaux sauvages [32]. D’autres justifient la discrimination établie entre les espèces animales (notamment entre espèces autochtones et allochtones) mais reprochent à la CC de se préoccuper en priorité des mammifères charismatiques et de négliger les animaux non sentients [33]. Par ailleurs, beaucoup lui reprochent de faire preuve de trop de compassion : certaines affirment que l’empathie, au cœur de la compassion, est un sentiment biaisé qui constitue par conséquent une boussole morale défectueuse, dont « il faudrait réduire l’influence, et non la renforcer » [34]. D’autres estiment que la CC fait preuve d’une sensibilité déplacée envers les individus, au mépris de toute considération de l’« intérêt supérieur » des espèces ou du « bien commun » que constitue la biodiversité – ce à quoi les partisanes de la CC rétorquent que leurs détractrices « n’ont pas l’intention d’inclure les humains parmi les animaux destinés à être gravement blessés afin de protéger la biodiversité » [35], relevant ainsi le spécisme latent de cet argument. De nombreuses commentatrices estiment enfin que la biologie de la conservation traditionnelle est déjà compassionnelle, en vertu des codes et des standards éthiques établis dans la discipline dans le but de garantir le bien-être animal.
À l’inverse, certaines critiques accusent la CC de manquer de compassion. En se focalisant en priorité sur le caractère vertueux de leurs actes ou en édictant des règles éthiques générales et abstraites, les biologistes de la CC négligeraient un grand nombre de conséquences concrètes de leur action, ou de leur inaction. D’une part, la CC semble ignorer la souffrance engendrée par la prédation naturelle, dont elle promeut le rôle. D’autre part, les critiques soulignent que l’inaction ou l’utilisation de méthodes non létales peuvent engendrer, in fine, plus de souffrance que le recours à la mise à mort, par exemple lors d’une famine successive à un état de surpopulation. De plus, certaines signalent que les méthodes non létales promues par la CC peuvent elles aussi constituer des nuisances ou engendrer du stress ou de la souffrance chez les animaux sauvages. C’est pourquoi ces chercheuses préfèrent, à la CC, une approche utilitariste [36], que certaines qualifient de « conséquentialisme du bien-être » (welfare consequentialism) [37], fondée sur l’évaluation de l’ensemble des souffrances que subissent les animaux sauvages, indépendamment du fait qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle. Selon elles, seule une approche de ce type permettrait d’évaluer et de comparer les coûts et les bénéfices dans le processus de prise de décision et de résoudre les dilemmes moraux. En effet, si l’approche compassionnelle permet de promouvoir les actions bénéfiques aux individus et aux espèces et de dénoncer les situations qui mêlent souffrance animale et déclin des populations, elle n’offre en revanche aucun outil permettant de trancher entre les intérêts individuels et la préservation de la biodiversité dans les situations où ceux-ci constituent des objectifs incompatibles [38].
La CC est donc loin de faire l’unanimité au sein de la biologie de la conservation. Il y a fort à penser que les quelques articles scientifiques parus à son sujet ne suffiront pas à ébranler l’écocentrisme de nombre de chercheuses, et encore moins l’anthropocentrisme des gestionnaires de la nature et de leurs politiques environnementales. De plus, la CC semble elle-même faire peu de cas du stress et des souffrances engendrés par la prédation et son positionnement demeure ambigu sur certains points. Il n’est en effet pas évident de savoir ce qu’il est acceptable de faire subir aux animaux tout en faisant preuve de compassion à leur égard. En d’autres mots, existe-t-il des pratiques de conservation invasives (capture, manipulation, transport, vie en captivité, etc.) mais respectueuses ? De même, la question des rapports entre les intérêts individuels et la préservation des ensembles écologiques demeure irrésolue [39]. Enfin, il est possible que l’éthique anti-conséquentialiste de la CC conduise à des actions ou des situations peu optimales, voire délétères, pour les animaux.
Ces chercheuses préfèrent, à la CC, une approche utilitariste, que certaines qualifient de « conséquentialisme du bien-être » (welfare consequentialism), fondée sur l’évaluation de l’ensemble des souffrances que subissent les animaux sauvages, indépendamment du fait qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle.
Toutefois, la CC a l’indéniable mérite d’avoir porté le débat sur la question animale au cœur d’une discipline qui lui est longtemps restée hermétique. On ne peut qu’espérer la poursuite de ses réflexions, qui ont déjà permis à certaines autrices d’avancer des propositions plus radicales. Dans un article récent, 24 chercheuses de la CC ont ainsi affirmé la nécessité de reconnaître aux animaux le statut de personne, afin que tout animal soit traité avec respect et jamais « uniquement comme un moyen permettant d’atteindre d’autres fins » [40]. Surtout, elles soutiennent que veiller à minimiser la souffrance que l’on inflige intentionnellement aux animaux ne suffit pas à rendre celle-ci légitime. Elles se démarquent ainsi des approches welfaristes, qui violent selon elles la « règle d’or » de la réciprocité, en vertu de laquelle il ne faudrait pas imposer à autrui ce que l’on ne serait pas prête à subir soi-même. Par ailleurs, tout en reconnaissant l’importance de la compassion dans le traitement individuel des animaux, d’autres chercheuses proposent une approche politique de la conservation visant à rendre justice aux communautés animales, en instituant la représentation de leurs intérêts au sein des organes et des processus décisionnels [41]. Que deviendrait la science de la conservation si l’on reconnaissait le caractère fondamentalement politique du gouvernement des populations sauvages ? Pourrait-on continuer de déléguer cette question aux seules expertes scientifiques ? Ne faudrait-il pas reconnaître les animaux et les populations sauvages comme des sujets et des communautés politiques ? Un sondage récent, réalisé auprès de 9 264 professionnelles de la conservation de 149 pays différents, montre que 90 % des personnes interrogées estiment qu’il est nécessaire de donner une voix aux membres des populations humaines que les programmes de conservation affectent [42]. Pourquoi, dès lors, ne pas élargir cet impératif à l’ensemble des êtres sentients ?
L’auteur tient à remercier Axelle Playoust-Braure et François Jaquet pour leur relecture attentive et leurs remarques pertinentes tant sur la forme que sur le contenu de ce texte.
Notes et références
↑1 | Par souci de concision et au prix de la précision, le terme « animal » servira à désigner tout animal non humain. Par ailleurs, nous utilisons dans ce texte le féminin par défaut. |
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↑2 | La biologie de la conservation s’appuie en grande partie sur les sciences naturelles (écologie, génétique, taxonomie, biogéographie, paléontologie, physiologie, etc.), mais emprunte aussi aux sciences économiques et sociales, ainsi qu’à de nombreuses sciences appliquées dans le domaine de l’environnement (agroforesterie, gestion cynégétique, agronomie, gestion des ressources halieutiques, etc.). |
↑3 | La capture d’un animal est loin d’être un acte anodin et peut entraîner la mort par myopathie de capture, lorsque l’effort et le stress que représentent la fuite et la lutte entraînent une dégradation des muscles du cœur par manque d’oxygénation. |
↑4 | AP, Owl vs. owl: Should humans intervene to save a species?, 2019 |
↑5 | Program Data Report G, 2019 Animals Dispersed / Killed or Euthanized / Removed or Destroyed / Freed or Relocated |
↑6 | National Park Service, Yellowtone, Lake Trout |
↑7 | L’enquête européenne menée en 2011 par la fondation Born Free et Endcap, en collaboration avec Code animal dans son volet français, montre, pour les 25 zoos français sélectionnés au hasard et évalués, que : seulement 17 % des espèces observées sont inscrites dans la catégorie d’espèce menacée ; seules 3 % des espèces de vertébrés menacées (sur la liste rouge de l’UICN) sont représentées dans ces zoos (193 espèces sur 6 714) ; seules 14 % des espèces observées semblent intégrées aux programmes européens d’élevage de conservation ex situ (ESB & EEP) ; moins de la moitié des zoos inspectés semblent avoir contribué (financièrement ou par un autre moyen) à des programmes de conservation in situ. |
↑8 | Les biologistes de la conservation discutaient auparavant très peu des dimensions morales de leurs pratiques de conservation, notamment à l’égard des animaux. Pour la période 1995-2005 et parmi l’ensemble des articles publiés dans les principales revues de conservation ou d’écologie, seuls 14 d’entre eux comportaient les mots ethics ou ethical dans leur titre ou dans leurs mots-clés. Vucetich J. A., Nelson M. P., « What are 60 warblers worth? Killing in the name of conservation », Oikos, vol. 116, 2007, p. 1267–1278. |
↑9 | Trois chercheuses, Kirkwood, Sainsbury et Bennett, collaborent et publient trois articles, entre 1994 et 1996, sur le bien-être des animaux sauvages. Les publications sur cette question se multiplient dans les années 2000. En 2010, un numéro spécial de la revue Animal Welfare est consacré à la question du bien-être animal au sein de la conservation. |
↑10 | Les chercheurs W. M. S. Russell et R. L. Burch formulent en 1959 la règle des 3 R qui vise à minimiser la souffrance infligée aux animaux de laboratoire en remplaçant les animaux dans les expériences par des modèles de substitution, en réduisant le nombre d’individus utilisés et en raffinant la méthodologie. |
↑11 | La publication, en 1964, du livre de Ruth Harrison Animal Machines, qui révèle les pratiques de l’élevage intensif naissant, suscite l’indignation du public et force le gouvernement britannique à constituer une commission, dirigée par le chercheur Roger Brambell, pour étudier la question du bien-être animal. Le rapport du comité, publié l’année suivante, soutient que les animaux devraient être libres de se lever, de s’allonger, de se retourner, de se toiletter et d’étirer leurs membres, recommandations qui seront par la suite désignées comme les « cinq libertés ». En 1979, le Farm Animal Welfare Council, un organe consultatif indépendant institué par le gouvernement britannique, publie une version renouvelée de ces « cinq libertés », principalement de nature négative : liberté de ne pas souffrir de faim ou de froid ; de ne pas souffrir d’inconfort ; de ne pas souffrir de douleurs, de blessures ou maladies ; de pouvoir exprimer les comportements naturels propre à l’espèce ; de ne pas éprouver de peur ou de détresse. |
↑12 | Soulé M. E., « What Is Conservation Biology ? », Bioscience, vol. 35, n° 11, 1985, p. 727-734 |
↑13 | Les programmes menés avec des cerfs connaissent des taux de mortalité allant de 25 à 85 % et ceux menés avec des lapins ne descendent pas en dessous des 50 %. Un programme mené avec des écureuils gris a même connu un taux de mortalité de 97 %. Teixeira C. P., De Azevedo C. S., Mendl M., Cipreste C. S., Young R. J., Animal Behaviour, 73, 2007, p. 1-13 |
↑14 | Fraser D., « Toward a synthesis of conservation and animal welfare science », Animal Welfare, vol. 19, 2010, p. 121–124 ; Fraser D., MacRae A. M., « Four types of activities that affect animals: Implications for animal welfare science and animal ethics philosophy », Animal Welfare, vol. 20, 2011, p. 581–590 ; Fraser D., « A “practical” ethic for animals », Journal of Agricultural and Environmental Ethics, vol. 25, 2012, p. 721–746. |
↑15 | Mellor D. J., Hunt S., Gusset M. (dir.), Caring for Wildlife : The World Zoo and Aquarium Animal Welfare Strategy. Gland: WAZA Executive Office, 2015 ; Beausoleil et al., «“Feelings and Fitness” Not “Feelings or Fitness” – The Raison d’être of Conservation Welfare, Which Aligns Conservation and Animal Welfare Objectives », Frontiers in Veterinary Science, vol. 5, 296, 2018 ; Ngaio J. Beausoleil, « I Am a Compassionate Conservation Welfare Scientist: Considering the Theoretical and Practical Differences Between Compassionate Conservation and Conservation Welfare », Animals, vol. 10, n°2, 257, 2020. |
↑16 | Par exemple : « Nous admettons que toute pratique [de conservation] réaliste nécessite d’abattre, d’exploiter et de supprimer. » Paquet P. C., Darimont C. T., « Wildlife Conservation and Animal Welfare: Two Sides of the Same Coin ? », Animal Welfare, vol. 19, n° 2, 2010, p. 177-190. |
↑17 | « La plupart des chercheurs en bien-être animal s’accordent pour dire que l’acte de tuer ne constitue pas, en soi, un problème éthique – si cela est réalisé sans douleur. » Warburton B., Anderson D., « Chapter 14 Ecology, Economics and Ethics: The Three Es Required for the Sustainable Management of Wild Sentient Species », dans Sarkar S., Minteer B. E. (dir.), A Sustainable Philosophy—The Work of Bryan Norton, 2018. |
↑18 | Ngaio J. Beausoleil, op. cit., 2020. |
↑19 | Bekoff M., Ignoring Nature No More: The Case for Compassionate Conservation, Chicago: University of Chicago Press, 2013. |
↑20 | Ramp D., Bekoff M., « Compassion as a practical and evolved ethic for conservation, Bioscience, vol. 65, 2015, p. 323–327 ; Wallach et al., « Promoting predators and compassionate conservation », Conservation Biology, vol. 29, no 5, 2015, p. 1481-1484 ; Wallach et al., « Summoning compassion to address the challenges of conservation », Conservation Biology, vol. 32, no 6, 2018, p. 1255-1265 ; Wallach et al., « Recognizing animal personhood in compassionate conservation », Conservation Biology, vol. 34, n° 5, 2020, p. 1097-1106. |
↑21 | Bekoff M., « Conservation lacks compassion », New Scientist, vol. 207, 2010, p. 24-25. |
↑22 | Ce type de théorie morale évalue en priorité le caractère des individus, et plus précisément la présence de certains traits de personnalité (comme le courage, l’honnêteté, la sagesse, l’humilité, l’humour, la spiritualité, la persévérance, etc.), considérés comme des vertus et jugées intrinsèquement bonnes. C’est en cultivant celles-ci qu’un individu peut espérer devenir un bon agent moral. Selon l’éthique de la vertu, la valeur des actes dépend de la valeur des agents : un acte est bon si et seulement si c’est un agent vertueux qui l’accomplit, et un agent est vertueux s’il possède certains traits de caractère (comme le courage, l’honnêteté, la sagesse, l’humilité, l’humour, la spiritualité, la persévérance, etc.). L’éthique de la vertu s’oppose ainsi d’une part au conséquentialisme, selon lequel la valeur des actes dépend de la valeur de leurs conséquences ; d’autre part au déontologisme, selon lequel la valeur des actes dépend de ce qu’ils satisfont un ensemble de principes. Ce qui compte, c’est la nature profonde des dispositions qui déterminent l’action de l’individu. |
↑23 | Ce type de principe relève plutôt du domaine des éthiques déontologiques, ce qui fait donc de la CC une discipline reposant sur une éthique duale, comportant des axiomes relevant à la fois de l’éthique de la vertu et de l’éthique déontologique. Les critiques qui lui sont adressées varient d’ailleurs selon le type de système éthique identifié et visé par les commentatrices. |
↑24 | Par exemple : « Il peut y avoir des objectifs de conservation qui justifient la nécessité d’une éradication. » (Ramp D., Ben-Ami D., Boom K., Croft D. B., « Compassionate Conservation. A Paradigm Shift for Wildlife Management in Australasia », dans Bekoff M., op cit, 2013.) Comme le reconnaît Bekoff : « La communauté de la conservation compassionnelle est plurielle et […] il est possible que […] certains soient prêts à considérer la mise à mort dans certaines situations bien particulières. » (Psychology Today, Ignoring Nature No More: Compassionate Conservation at Work, 2013) |
↑25 | Ce qui ne signifie pas nécessairement, en revanche, que les partisanes de la CC estiment que l’individu devrait être priorisé par rapport au groupe : « Cela ne veut pas dire que le bien-être individuel l’emporte sur le bien-être des espèces ou des écosystèmes, mais seulement que nous ne pouvons pas continuer à ignorer les individus dans les pratiques de conservation. » Ramp D., Bekoff M., op. cit.¸ 2015. |
↑26 | Regan T., The Case for Animal Rights, University of California Press, 1983, p. 361-363. |
↑27 | Wallach et al., op. cit., 2015 ; Wallach A. D., Ripple W. J., Carroll S. P., « Novel trophic cascades: apex predators enable coexistence », Trends in Ecology and Evolution, vol. 30, n° 3, 2015, p. 146-153. |
↑28 | Voir par exemple : Picket S. T. A., White P. S., The Ecology of Natural Disturbance and Patch Dynamics, Academic Press, 1985, et Botkin D. B., Discordant Harmonies: A New Ecology for the Twenty-First Century, Oxford University Press, 1990. |
↑29 | Voir par exemple : Thomas C. D., Inheritors of the Earth: How Nature Is Thriving in an Age of Extinction, Penguin Books, 2017, ou le livre du journaliste Fred Pearce, The New Wild: Why Invasive Species Will be Nature’s Salvation, Penguin Random House, 2015. |
↑30 | Un dossier complet lui a d’ailleurs été consacré au sein d’un numéro de la revue phare Conservation Biology : « Debating Compassion in Conservation Science », Conservation Biology, vol. 33, n° 4, 2019. Certaines critiques sont particulièrement virulentes : Driscoll et al. estiment que la « conservation compassionnelle n’est pas de la conservation » et qu’elle repose sur un « déni de la science », tandis que Oommen et al. la jugent « bancale, inapplicable et potentiellement dangereuse pour les individus, la faune sauvage et les écosystèmes ». Certaines dénoncent d’ailleurs un projet de « libération animale », « déguisé en programme de conservation sous couvert de ‘‘Conservation compassionnelle’’ ». Callena et al., « Envisioning the future with ‘compassionate conservation’: An ominous projection for native wildlife and biodiversity », Biological Conservation, vol. 241, 2020. |
↑31 | Voir par exemple Driscoll et al., « Science denialism and compassionate conservation: response to Wallach et al., 2018 », Conservation Biology, vol. 33, n° 4, 2019, p. 777–780. |
↑32 | Voir : Oommen et al., « The fatal flaws of compassionate conservation », Conservation Biology, 2019, vol. 33, n° 4, 2019, p. 784–787. Il est vrai que de nombreuses populations humaines, notamment dans les pays du Sud, ont pâti et pâtissent encore des politiques de conservation. (Sur ce point, voir par exemple le livre de Guillaume Blanc, L’invention du colonialisme vert, Flammarion, 2020.) Néanmoins, c’est moins la valorisation des animaux que les rapports de domination (néo)coloniaux qui en sont responsables. |
↑33 | Hayward et al., « Deconstructing compassionate conservation », Conservation Biology, vol. 33, n° 4, 2019, p. 760-768. |
↑34 | Griffin A. S., Callen A., Klop-Toker K., Scanlon R. J., Hayward M. W., « Compassionate Conservation Clashes With Conservation Biology: Should Empathy, Compassion, and Deontological Moral Principles Drive Conservation Practice ? », Frontiers in Psychology, vol. 11, n° 1139, 2020. |
↑35 | Wallach et al., op. cit., 2020. |
↑36 | Par exemple : Johnson et al., « Consequences Matter: Compassion in Conservation Means Caring for Individuals, Populations and Species », Animals, vol. 9, n° 1115, 2019 ; Hayward et al., op. cit., 2019 ; Griffin et al., op. cit., 2020 ; Beausoleil, op. cit., 2020. |
↑37 | Hampton J. O., Warburton B., Sandøe P., « Compassionate versus consequentialist conservation », Conservation Biology, vol. 33, n° 4, 2019, p. 751-759. |
↑38 | Aux yeux des promotrices de la CC, il semblerait bien qu’il n’existe parfois aucune réponse satisfaisante aux dilemmes moraux : « Lorsque nous ne parvenons pas à trouver des approches qui garantissent à la fois le bien-être individuel et la conservation collective, une marque de compassion sera d’endurer le sentiment déchirant d’immense responsabilité et d’impuissance totale qui accompagne inévitablement des décisions difficiles sans réponse univoque. » Wallach et al., op. cit., 2020. |
↑39 | Sur ce point, deux chercheuses leur ont proposé de clarifier leurs positions par des expériences de pensée. Par exemple, dans le cas d’une marée noire, vaudrait-il mieux sauver 50 oiseaux d’une espèce en danger ou 100 oiseaux d’une espèce commune ? Rohwer Y., Marris E., « Clarifying compassionate conservation with hypotheticals: response to Wallach et al., 2018 », Conservation Biology, vol. 33, n° 4, 2019, p. 781-783. |
↑40 | Wallach et al., op. cit., 2020. Il s’agit d’une reprise de l’impératif catégorique kantien, ce qui montre bien que la CC s’inscrit aussi dans une perspective éthique déontologique. |
↑41 | Treves A., Santiago-Ávila F., Lynn W. S., « Just preservation », Biological Conservation, vol. 229, 2019, p. 134-141 ; Francisco J. Santiago-Ávila, William S. Lynn, « Bridging compassion and justice in conservation ethics », Biological Conservation, vol. 248, 2020. |
↑42 | Sandbrook C, Fisher J. A., Holmes G., Luque-Lora R., Keane A., « The global conservation movement is diverse but not divided”, Nature sustainability, vol. 2, 2019, p 316–323. |