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1| Que faites-vous pour les animaux ?
Après plusieurs tentatives de lutter dans la « rue », sensibilisation à travers les Cubes et blocages il y a 4 ans, je suis devenue créatrice de contenu afrovegan food. Je propose des recettes, mais également des réflexions militantes antispécistes autour de la cause animale et des luttes décoloniales.
J’ai lancé le compte Mangeusedherbe, tout d’abord pour agir, recenser tout ce que j’avais appris dans le fond comme dans la forme et le mettre à la disposition de mes proches et de celleux pour qui cela ferait sens. À travers une esthétique pointue, je cherche à donner envie et surtout à attiser la curiosité à travers la végétalisation des plats traditionnels caribéens.
Face au fameux « Mais du coup tu manges quoi ? De l’herbe, des cailloux ? » j’ai pris les devants (haha), en décidant de m’alléger, en proposant un simple lien où tout ce que je mange au quotidien est listé. Une charge militante divisée par deux d’un coup, faisant un sacré tri entre les trolls et celleux qui souhaitent véritablement en apprendre davantage.
2| Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre activisme ?
La charge mentale qu’implique un discours militant et précis.
Dealer avec un milieu animaliste / antispé / écolo blanc et être une personne racisée.
Le militantisme est un marathon, pas une course de vitesse, il faut savoir ne pas trop s’essouffler et être assez endurant·e et sain·e pour être en harmonie avec ses valeurs.
Tenir la route, rester cohérent·e.
Avec le temps, ma colère est devenue une douce résignation. Les choses n’avancent pas assez vite et ce, pour personne. Le quotidien d’une prise de conscience où chacun·e souligne les avancées végétales, les marques de luxe qui lâchent petit à petit la fourrure ou proposent des alternatives au cuir. Pour moi des phénomènes qu’il faut certes saluer, mais qui ne m’apportent aucune réelle satisfaction. Flânant au marché, je croise les cadavres d’un cochon de lait et des siens, des poulets à la broche qui tournent sur eux-mêmes, les carcasses de mort des camions de boucherie que j’ai appris à éviter soigneusement. Lutter contre la dissonance cognitive me rend moi-même dissonante et c’est une pente glissante à laquelle j’espère ne jamais m’accoutumer, mais qui me permet de vivre dans un monde jonché de cadavres.
3| Qu’est-ce qui vous semble compliqué avec l’antispécisme ?
Le milieu.
Un modèle de pensée élitiste, blanc et privilégié.
Le manque de nuance et l’universalisme du discours.
Comprendre que le spécisme s’inscrit dans un modèle complexe relié à des dynamiques plus profondes que le capital. La notion même de propriété n’est pas simplement le propre de tous les humains mais celui d’un modèle mortifère bien précis inscrit dans l’Histoire.
Un manque d’humilité. Comme toutes les luttes, elle n’échappe pas à la gangrène des dynamiques occidentales donneuses de leçon, s’affichant en bonne penseuse. Il est très important de se regarder et de voir au-delà du prisme animaux/humains : tout le monde ne possède pas pleinement ses droits humains et il y a plusieurs manières dont les humains interagissent avec le reste du vivant dont ils font partie.
Je me sens néanmoins foncièrement antispéciste dans la manière de percevoir le monde. Même si j’ai conscience de mon imperfection, je reste convaincue par une pensée antispéciste visant à critiquer et quitter les hiérarchisations. Proposer une vision à contre-courant et radicale est nécessaire pour le mal qui ronge nos sociétés spécistes.
4| Quelle tactique vous paraît la plus prometteuse ?
Pour ma part, le travail de représentation est essentiel, créer de nouveaux imaginaires pour sortir de celui de l’antispéciste blanc, en rendant audible et surtout possible une projection du discours incarné dans des corps différents, invisibilisés. Faire preuve d’un sens aigu des réalités. On ne peut parler à tout le monde de la même manière, car la dissonance, voire le mépris des animaux, prend sa source dans différents traumas, surtout chez les personnes ayant subi la colonisation ou encore l’esclavage.
Comprendre et acquérir la connaissance des comportements sociaux. À défaut de ne pas maîtriser tous les sujets, le groupe dominant devrait également partager sa visibilité avec les minorités qui sont souvent, voire quasiment, à la source des luttes et des discours de libération et d’abolition. Sans viser la perfection, s’ouvrir et faire de la place.
5| Quel(s) contenu(s) auriez-vous envie de recommander ?
Nonbi Radio, Comme un poisson dans l’eau, Observatoire Terre Monde, L’éthologie et l’antispecisme @ethologuedesdinos et les fiches de Florence Dellerie.
Les comptes Instagram @upendo @earthlinged @jihemdoe @jeffreyboadi @histoires_crepues @fulanivegan @greengirlleah @vegan_abolitionniste @evalespetitsplats @mailovesbeauty @melanieculdepoule @mikaelaloach @eatwithafia @healthyalie @thespicysoul @coolestgirlaregreen @lilyfairly.
Les livres Undrowned par Alexis Pauline Gumbs, Aphro-ism de Aph et Syl Ko, La politique sexuelle de la viande de Caroll Adams, Universalisme, de Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, Une écologie décoloniale par Malcom Ferdinand, L’invention du colonialisme vert de Guillaume blanc, Des paillettes sur le compost de Myriam Bahaffou.