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1. Que faites-vous pour les animaux ?
Je suis maîtresse de conférences en études anglophones à l’Université Rennes 2. Je dirige le Diplôme d’Université Animaux et société. Je donne aussi des enseignements à des étudiant·e·s de licence. Inspirée par ces cours, j’ai publié un livre à destination des étudiant·e·s et du grand public qui s’intitule Introduction aux études animales (Puf, 2020).
Mon action pour les animaux se situe du côté des connaissances, de l’analyse des façons de penser, des concepts. En études anglophones, l’une des disciplines est l’histoire des idées. On sait que ces dernières jouent un rôle important dans la façon ont les sociétés se construisent et évoluent. Il y a pas mal de philosophie là-dedans ! Il y a aussi une volonté d’adopter une posture critique.
J’essaie donc de rendre visibles les individus occultés, ignorés dans les processus d’élevage, dans le langage, dans la culture, dans l’art. Modestement, on peut espérer que, sur le plan culturel, ces enseignements contribuent à mettre au jour un conditionnement qui a invisibilisé les animaux non humains.
2. Qu’est-ce qui vous semble compliqué avec l’antispécisme ?
Pour les gens qui m’entourent, les doutes et les questions sont multiples : pourquoi ne pas d’intéresser d’abord aux êtres humains (ce à quoi on peut répondre que l’antispécisme n’est pas exclusif et qu’il peut au contraire s’associer à des luttes contre les violences interhumaines) ? Comment vivre de façon non violente pour les animaux dans une société qui ne voit pas ces violences et qui fonctionne largement grâce à elles ? Comment ne pas s’isoler socialement en embrassant un mode de vie non spéciste ?
3. Qu’est-ce qui vous énerve avec l’antispécisme ?
Ce qui me convient le moins dans l’antispécisme en tant que notion est son préfixe d’opposition. Je me reconnais davantage dans une approche qu’on pourrait qualifier de « zooinclusive » (je développe actuellement ce concept). Autrement dit, j’ai le sentiment que la prise en compte des intérêts de tous les êtres sensibles, de leurs expériences, de leurs capacités, de la richesse de leurs mondes, de leur droit à disposer de l’espace que nous partageons avec eux sur cette planète serait plus efficacement défendue de façon positive, constructive, inclusive.
4. Quelle tactique vous paraît la plus prometteuse ?
L’approche de l’altruisme efficace. Le développement de la zoopolitique est prometteur également : on voit que les villes françaises qui ont des élu·e·s titulaires de délégation à la condition animale parviennent à faire avancer les choses.
En tant qu’universitaire et enseignante, je crois beaucoup dans l’approche éducative : mettre l’accent sur les connaissances afin de mieux connaître les animaux eux-mêmes, les biais qui nous empêchent de les considérer, l’histoire de nos relations, les idées et croyances qui façonnent notre regard sur eux, notre langage, etc.
Quand j’ai commencé à développer des cours en études animales, je ne savais pas comment les étudiant·e·s allaient réagir. Les retours ont été globalement positifs et le nombre d’inscriptions était impressionnant. Puis j’ai développé le DU Animaux et société, une formation qui étudie les relations entre les êtres humains et les autres animaux du point de vue des sciences humaines et sociales, et d’apports de terrain.
5. Quel(s) contenu(s) auriez-vous envie de recommander ?
Livres : ceux de Peter Singer (La libération animale, et tous les autres), de Florence Burgat (L’humanité carnivore ou Être le bien d’un autre, par exemple), d’Éric Baratay (Le point de vue animal en histoire est un bon début), de Dinesh Wadiwel (The War Against Animals, en anglais), Comment sauver les animaux. Une économie de la condition animale de Romain Espinosa, Les droits des animaux en questions de Dominic Hofbauer et Rosa B., La pensée végane. 50 regards sur la condition animale de Renan Larue (dir.), Le mépris des « bêtes ». Un lexique de la ségrégation animale de Marie-Claude Marsolier.
MOOC : Vivre avec les autres animaux
Sites web : Questionsanimalistes.com, Lamorce.co
Podcasts : Comme un poisson dans l’eau ; en anglais Knowing Animals, The Animal Turn.
Recettes : Vegan Pratique, La cuisine de Jean-Philippe, 100% végétal
Sur les réseaux sociaux : Kiosque animal (Facebook), L’Observatoire national des alimentations végétales (Facebook, Twitter, LinkedIn), la Société française de Zoosémiotique.